Nous avons déjà eu l’occasion d’aborder ce sujet, monsieur le sénateur Bacchi, notamment avec votre collègue Pierre Ouzoulias, et je veux, sans esprit polémique, préciser clairement notre position.
L’interopérabilité est une solution à la domination économique des plateformes. Elle fait partie des remèdes qui pourront être envisagés en cas de situation de monopole ou d’oligopole d’une plateforme. Dans un tel cas, celle-ci étant devenue une infrastructure essentielle, il faudra faire en sorte de réinsuffler de la compétition en desserrant son empreinte sur le secteur qu’elle domine.
Sur la question des contenus haineux, je ne suis pas d’accord, sur le principe, avec votre proposition.
Concrètement, vous envisagez, pour régler le problème, de dire à une personne ayant été insultée ou menacée de mort sur Facebook : « Attendez, on va mettre en place l’interopérabilité entre Facebook et un autre réseau social et vous pourrez quitter l’un pour aller sur l’autre. »
D’une part, si une personne entend en harceler une autre, elle pourra la suivre sur l’autre réseau social sans problème. On ne fera donc que déplacer le problème. D’autre part, c’est contestable sur le principe : la réponse à la haine en ligne ne peut être de permettre à la victime de quitter le réseau social.
Mettre en œuvre l’interopérabilité pour répondre aux problèmes que pose la haine en ligne, c’est dire à la victime qu’on ne sait pas régler son problème, qu’on ne peut pas s’en prendre à ceux qui l’offensent, mais qu’on va lui permettre d’aller sur un autre réseau. Ce ne peut pas être la réponse de l’État ; sinon, c’est la pertinence même de son action qui sera remise en question par nos concitoyens.
Je le dis sans aucun esprit polémique, vraiment, l’interopérabilité, dans ce cas, pose une difficulté de principe.