Intervention de Claude Raynal

Réunion du 19 novembre 2020 à 14h30
Loi de finances pour 2021 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Claude RaynalClaude Raynal :

D’un côté, monsieur le ministre, vous souhaitez libérer l’épargne des gens qui en ont beaucoup, laquelle – vous l’avez dit, et cela a été chiffré – s’est beaucoup renforcée pendant le confinement, et, de l’autre, vous augmentez encore ces économies. Difficile à suivre…

Il en est de même de la baisse de l’impôt sur les sociétés, pour 3, 7 milliards d’euros, qui s’ajoute aux réformes de la fiscalité du capital, dont le coût s’élève à 5 milliards d’euros par an et qui ont, elles aussi, bénéficié aux catégories sociales les plus aisées.

Le Gouvernement fait également le choix de baisser les impôts dits « de production », pour un coût très important, de 10 milliards d’euros par an. Cette mesure, selon l’étude de l’Institut des politiques publiques, est ciblée non pas sur les entreprises fragilisées par la crise, mais plutôt sur les plus grosses, et beaucoup doutent de son efficacité. Le Gouvernement poursuit ainsi sa politique d’allégement de la fiscalité, sans prendre en considération son opportunité, alors que, dans le même temps, les dépenses publiques explosent.

Par ailleurs, aucune mesure supplémentaire n’est prise pour mettre davantage à contribution, ne fût-ce que par un prélèvement exceptionnel, les entreprises qui sont les grandes gagnantes de la pandémie, comme celles du numérique.

Une crise de cette ampleur ne peut que se traduire par une augmentation de la dette. Pour autant, monsieur le ministre, vous ne faites rien pour en limiter le montant. Le commissaire européen Paolo Gentiloni l’a encore dénoncé ce matin, estimant que ce n’était pas le moment pour la France de baisser les impôts. Ceux qui vous succéderont et qui seront confrontés d’ici peu à son remboursement constateront que vos décisions auront consisté à diminuer la participation des plus aisés, des actionnaires, des grosses entreprises. Ils n’hésiteront peut-être pas à proposer, comme le ministre Bruno Le Maire le fait régulièrement, des économies sur notre protection sociale, nos régimes de retraite ou d’assurance chômage ou, qui sait, une augmentation de TVA pour tous, aucun économiste sérieux ne s’en remettant comme vous à la seule croissance future.

En conclusion, je rappelle que Vincent Éblé, alors président de la commission des finances, avait regretté, dès le mois de septembre 2019, l’abandon de toute velléité de programmation à moyen terme de nos finances publiques. À l’époque, le Gouvernement avait justifié cet abandon par les incertitudes entourant la réforme des retraites.

Aujourd’hui, alors que la dette avoisine les 120 % du PIB, le ministre nous indique que la trajectoire et la situation de nos finances publiques nous obligent à une réflexion à moyen et long termes. De toute évidence, l’argument de la réforme des retraites a fait long feu… On ne peut que regretter que cette réflexion, que chacun appelle de ses vœux, s’ouvre au plus mauvais moment, dans l’urgence d’une situation de crise économique et sanitaire.

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