Le paragraphe 1° du I de l'article 28 du projet de loi entraîne, pour certaines catégories de personnes et dans certains lieux, une aggravation des peines liées à l'usage de stupéfiants.
Nous remarquons tout d'abord que ces dispositions concernent uniquement les usagers de drogues illicites, et en aucun cas ceux des drogues considérées comme licites, à savoir l'alcool et le tabac. Ces dispositions sont proprement inacceptables et contreproductives.
Loin de nous l'idée, monsieur le garde des sceaux, de vouloir interdire le tabac ou l'alcool et de légaliser le cannabis ; nous voulons simplement qu'il y ait une égalité de traitement entre ces substances. En effet, ces drogues, licites ou illicites, entraînent des conséquences néfastes pour l'être humain et doivent donc, selon nous, être traitées de la même manière.
Ces dispositions sont inacceptables, car nous sommes censés traiter ici de prévention. Or, une fois encore, vous vous bornez à présenter des propositions essentiellement répressives et vous dégainez l'arme privilégiée de votre arsenal : l'aggravation des peines.
En quoi le fait de placer une personne pendant cinq ans en prison contribuera-t-il à prévenir la délinquance ? D'autant que, vous le savez, la drogue n'est pas absente des prisons.
Un palier supplémentaire est franchi dans l'inacceptable avec cette peine complémentaire d'interdiction définitive d'exercer une profession ayant trait au transport public de voyageurs.
Pourquoi prendre une telle mesure ? De quel droit ? Quel est le but recherché lorsqu'une personne emprisonnée pendant cinq ans et condamnée à payer une amende pouvant atteindre 75 000 euros se voit, en plus, interdire définitivement d'exercer le travail pour lequel elle a été formée ? Une telle mesure, dont l'effet dissuasif est nul pour tous les types de crimes, sera encore plus inefficace dans le contexte de la pathologie dont souffrent les usagers de drogues.
Pis, monsieur le ministre, cette mesure constitue une autre sorte de double peine. En effet, ladite personne, condamnée pénalement l'est aussi socialement et économiquement, puisqu'elle ne pourra plus exercer son métier. Que devra-t-elle faire ? L'inciterez-vous à devenir dealer pour gagner sa vie et faire vivre sa famille ?
Cette disposition est en outre contraire au principe d'égalité : pourquoi viser uniquement les usagers de drogues illicites ?
Vous me rétorquerez que les personnes concernées sont responsables de la vie d'autrui. Certes, mais, dans ce cas, pourquoi ne pas également étendre la mesure aux chirurgiens, qui nous opèrent, aux architectes, qui bâtissent nos maisons, voire aux ministres, qui nous gouvernent ?
Les Verts ne peuvent tolérer une telle rupture d'égalité. Si le Conseil constitutionnel n'invalide pas ce projet de loi pour inconstitutionnalité, nous sommes prêts à porter le débat au niveau européen.
En effet, cet article comporte d'autres dispositions qui nous semblent également liberticides. Ainsi, le paragraphe 3° du I tend à autoriser les officiers de police judiciaire, sur réquisitions du procureur de la République, valables pendant un mois, « à entrer dans les lieux où s'exerce le transport public de voyageurs, terrestre, maritime ou aérien, ainsi que dans leurs annexes et dépendances », en vue, notamment, de « procéder auprès de ces personnes, s'il existe à leur encontre une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elles ont fait usage de stupéfiants, à des épreuves de dépistage en vue d'établir la commission du délit recherché. »
Monsieur le ministre, nous sommes ici dans l'incertitude et le flou absolus, ce qui laisse la porte ouverte à l'arbitraire. Car qu'entendez-vous donc par « raisons plausibles de soupçonner » ? Comment une telle notion s'apprécie-t-elle ?
Par ailleurs, cette disposition, qui figurait déjà dans les versions antérieures du présent projet de loi, risque de se situer hors du cadre légal. Selon la Ligue des droits de l'homme, la Chancellerie, interrogée par le ministère de l'intérieur, a d'ailleurs émis, dans une note en date du 7 mars 2006, d'importantes réserves sur l'avant-projet de loi, notamment sur la constitutionnalité des dispositions de son article 25.
Ces dispositions violent le principe de proportionnalité posé par l'article VIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ».