Intervention de Jean-Marie Vanlerenberghe

Commission des affaires sociales — Réunion du 14 octobre 2020 à 11h05
Audition de Mm. Gérard Rivière président du conseil d'administration et renaud villard directeur de la caisse nationale d'assurance vieillesse cnav sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021

Photo de Jean-Marie VanlerenbergheJean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général :

René-Paul Savary vient de poser la question que je souhaitais adresser aux représentants de la CNAV : il s'agit de celle relative à la fraude. Je pense notamment à ce qui peut être dit, souvent, concernant des prestations versées à l'étranger à des personnes qui auraient 120 ans ! Cette situation, évoquée par divers médias, ne peut évidemment qu'interpeller. Il est plus que nécessaire de pouvoir chiffrer et détecter sérieusement la fraude et tordre le cou aux rumeurs les plus folles, malheureusement relayées.

Vous avez raison de souligner que nous sommes davantage dans un effet recettes que dans un effet dépenses. Il existe toutefois un petit effet dépenses qui n'est pas lié à la surmortalité. Sur un stock de 15 millions de retraités, 30 000 décès liés à la Covid-19 auraient un impact inférieur à 100 millions d'euros. L'impact sur les dépenses est lié en fait à la moindre inflation. Nous sommes cependant à l'épaisseur du trait lorsqu'il s'agit d'expliquer le déficit.

Vous nous interrogez sur les voies et moyens de redresser la situation. En tant que directeur de la CNAV, il ne m'appartient pas de faire part de mes opinions. En revanche, en tant que technicien, je peux vous dire que, pour un ordre de grandeur de 15 milliards d'euros, les seules métriques permettant de conduire à une inflexion sont de reporter l'âge légal de départ à la retraite de deux ans (64 ans) ou d'augmenter la durée de cotisations de deux ans (45 ans d'annuités). Cela étant précisé, je le répète, je n'ai aucune opinion à formuler sur les mesures à prendre.

Vous m'interpellez également sur la lutte contre la fraude. Après avoir procédé à une nouvelle vérification, je peux assurer que nous n'avons aucun assuré de plus de 120 ans auquel nous verserions une pension. Je suis prêt à me faire auditer sur cette question. Dans la tranche 110-120 ans, qui regroupe uniquement des dizaines d'unités, l'essentiel des assurés est résident en France.

Cela étant précisé, je ne nie pas qu'il existe un risque inhérent au versement des retraites à l'étranger. Dans ce domaine, et je le porte résolument, nous devons nous inscrire dans une boucle d'amélioration continue. Ce volontarisme emprunte deux pistes.

Premièrement, pour tous les pays avec lesquels nous sommes en capacité de coopérer, nous devons échanger les fichiers d'état civil mensuels pour disposer d'une donnée fiable. Cela suppose que l'État tiers soit coopératif et dispose d'un état civil lui-même fiable. Ce sont donc, en première intention, les pays de l'Union européenne et de l'OCDE qui sont en phase d'instruction. Pour ce faire, nous avons reçu un financement de la Commission européenne pour déployer un dispositif déjà en routine avec certains pays, comme l'Allemagne, certains pays du Benelux, de la péninsule ibérique et l'Italie.

Nous devons deuxièmement renforcer les contrôles sur les certificats d'existence. Il s'agit ici d'un document envoyé annuellement à chaque retraité qui doit se charger de le faire certifier par l'autorité d'état civil compétente. C'est évidemment un risque de fraude car nous n'ignorons pas le risque de laxisme voire de corruption pour disposer du tampon voulu. Face à ce risque, les réponses à apporter passent par des formations de nos équipes. À réception des certificats d'existence, 20 % sont directement rejetés. Après un deuxième contrôle, nous en rejetons encore 20 %. Il peut cependant encore exister de faux certificats parmi les documents qui passent ces deux contrôles. J'en suis même convaincu, raison pour laquelle nous déployons en parallèle des expérimentations s'appuyant sur notre opérateur bancaire lequel doit assurer l'existence de nos assurés à l'étranger. Au-delà, nous souhaitons étendre le dispositif soutenu et expérimenté en 2016 et 2017 et qui consiste à faire appel à des agents consulaires, financés par la branche retraite et assermentés par elle, pour vérifier physiquement l'existence de l'assuré dans le pays étranger. Nous souhaitons aujourd'hui pérenniser ce dispositif expérimental. Des échanges sont en cours avec le ministère des affaires étrangères à cet effet.

Nous avons une dernière piste sur laquelle je suis à titre personnel très volontariste : il s'agit de la solution de la biométrie. Cependant, cette possibilité est aujourd'hui verrouillée puisque la loi nous interdit d'utiliser la biométrie pour vérifier l'existence de nos assurés.

Concernant l'impact du chômage partiel sur nos comptes, nous sommes toujours sur une mesure assez imprécise. Lors de la première loi d'état d'urgence sanitaire, nous pensions que le dispositif d'activité partielle s'apparenterait à une mesure « balai » car nous n'imaginions pas que des professionnels seraient amenés à bénéficier de ce dispositif pendant 6-8 mois. Cette mesure, d'abord présentée comme un filet de sécurité, devient aujourd'hui une mesure plus large, notamment pour les professions durablement exposées au chômage partiel (automobile, événementiel, restauration, etc.). Dans ce cadre-là, la mesure consistant à sécuriser les trimestres dans le cadre du chômage partiel aura un coût. À ce stade - tout en précisant que l'estimation est encore très approximative - nous pensons que ce coût sera de l'ordre de 200 millions d'euros par an.

Je ne serai pas en mesure de répondre en séance à votre question portant sur l'impact de la mesure de cumul emploi-retraite des soignants. Pour disposer de chiffres précis, il faudrait que nous puissions croiser nos fichiers avec ceux de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités territoriales, compétente sur la fonction publique hospitalière.

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