Commission des affaires sociales

Réunion du 14 octobre 2020 à 11h05

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Mes chers collègues, nous poursuivons nos travaux sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2021 avec l'audition de M. Gérard Rivière, président et de M. Renaud Villard, directeur de la caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV).

Cette audition, comme la précédente, fait l'objet d'une captation vidéo retransmise en direct sur le site Internet du Sénat et consultable à la demande. Je rappelle que le port du masque et la distance d'un siège entre deux commissaires sont obligatoires et je vous remercie de bien vouloir y veiller tout au long de cette audition.

En dehors des articles d'équilibre, il n'y a rien qui concerne les retraites dans le PLFSS et la crise sanitaire a semblé avoir eu raison du projet de réforme systémique présenté par le Gouvernement. Le Sénat ne s'est donc pas prononcé mais les travaux de notre commission et de son rapporteur, René-Paul Savary, ont mis en évidence la nécessité d'une réforme destinée au rétablissement des comptes, seule à même de préserver le pacte entre les générations qui est au coeur de notre système par répartition.

Selon une « note d'étape » du Conseil d'orientation des retraites (COR), le système de retraites pourrait afficher un déficit de 25,4 milliards d'euros en 2020. Comme toutes les branches, la branche vieillesse a enregistré une contraction de ses recettes tandis que ses dépenses sont très peu sensibles à la conjoncture, ce qui a conduit à augmenter la part des dépenses de retraite dans notre richesse nationale. Ce déficit global des régimes serait de 10,2 milliards d'euros en 2021, puis de 13,3 milliards d'euros en 2024.

Monsieur le président, Monsieur le directeur, je vous laisse la parole pour un bref propos introductif avant de passer la parole à notre rapporteur, puis aux commissaires qui souhaiteront vous interroger. Nous disposons d'une heure trente environ.

Debut de section - Permalien
Gérard Rivière, président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV)

L'actualité de la branche retraite dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale se résume à constater la situation financière du régime, lequel est très fortement impacté par la crise sanitaire. En 2020, le solde de la branche vieillesse du régime général, en agrégeant le solde de la CNAV et du Fonds de solidarité vieillesse, se dégraderait de 6,9 milliards d'euros par rapport au PLFSS 2020. La situation s'améliorerait à partir de 2022-2023 pour atterrir sur un déficit d'environ 9 milliards d'euros en 2022.

Il faut le préciser d'emblée mais nous aurons certainement l'occasion d'y revenir lors des questions que vous ne manquerez pas de me poser concernant les mesures ou les réformes : le déficit structurel du régime général est désormais établi à l'horizon 2024 sous la barre des 10 milliards d'euros. Le chiffre qui sera vraisemblablement annoncé par le COR jeudi 15 octobre serait celui d'un déficit de 8,5 milliards d'euros pour la CNAV et de 0,7 milliard d'euros pour le Fonds de solidarité vieillesse, soit un déficit total de 9,2 milliards d'euros.

J'observe que les comptes du régime général, c'est-à-dire le solde élargi de - 8,5 milliards d'euros, emportent la quasi-totalité du déficit du système de retraite. Les mécanismes de compensation généralisée et de transfert entre régimes impactent en réalité très fortement la CNAV puisque le solde technique de la CNAV serait de - 1,6 milliard d'euros. Mon propos n'est pas de remettre en cause les mécanismes de compensation tels qu'ils existent, mais ils datent d'une époque désormais largement dépassée et pourraient être requestionnés.

Le solde 2020 est très sensiblement réduit du fait de l'affectation à la CNAV d'une somme de 5 milliards d'euros par le Fonds de réserve pour les retraites qui correspond au versement de la soulte du régime des IEG.

Debut de section - Permalien
Renaud Villard, directeur général de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV)

Le président vient de souligner la sensibilité très forte du solde des régimes de retraite en général, et de la CNAV en particulier, à la conjoncture. Nous avons vécu en 2020 ce que nous pourrions qualifier de « crash test » avec un effondrement des recettes suite au rétrécissement brutal de la masse salariale tandis que les dépenses ont continué à évoluer sur une dynamique comparable.

Rappelons que le solde 2020 a été « amélioré » par le transfert de 5 milliards d'euros de la soulte des IEG vers la CNAV. Sans cet appel aux réserves, le déficit 2020 n'aurait pas été de 11 milliards d'euros mais de 16 milliards d'euros. La crise sanitaire actuelle emporte donc un effet mécanique extrêmement violent. À moyen terme, à un horizon de cinq ans, la dégradation du solde du régime de retraite serait de 3 à 5 milliards d'euros. Le solde se dégrade donc de 10 milliards d'euros en 2020, dont une partie est prise en charge par le transfert du fonds de réserve des retraites vers la CNAV. Toutefois, la dégradation du solde sur un horizon de court ou moyen terme est estimée à 4 ou 5 milliards d'euros pour l'ensemble composé de la CNAV et du FSV.

Qu'il soit mis en place un régime universel des retraites ou non, la CNAV embarque déjà l'essentiel du déficit des régimes de retraite compte tenu des mécanismes de compensation en place. Aussi, le solde technique de la CNAV est un agrégat que nous ne suivons quasiment plus ; il serait cependant assez proche de l'équilibre, y compris dans la conjoncture actuelle. Les régimes de compensation entre régimes de retraite, notamment pour les retraites de base, pèsent lourdement sur le régime général : en définitive, les opérations comptables font que le régime général se trouve à porter les déficits des autres régimes.

En vue de l'audition, vous nous avez adressé un premier questionnaire auquel nous avons répondu en date du 14 septembre 2020, puis un deuxième questionnaire adressé le 13 octobre 2020. Souhaitez-vous madame la présidente que nous y répondions dès à présent ou entendez-vous que nous y répondions dans le cadre de l'échange ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Elles feront sans doute l'objet de questions des rapporteurs et de nos collègues. Je vous propose de passer sans tarder aux questions si vous avez terminé vos propos liminaires.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Vous avez déjà répondu à une partie de la deuxième série de questions qui vous a été adressée. Ces questions portaient notamment sur les perspectives financières 2021-2022. Le rapport du COR, attendu demain mais dont de larges pans sont déjà connus, souligne qu'il n'est pas noté une augmentation des dépenses ni une diminution des dépenses car la surmortalité est gommée par d'autres facteurs. Ainsi, malgré les 30 000 décès dus au Covid -19, il n'est pas relevé de répercussions majeures sur le système de retraite dans les années à venir en raison de la compensation de la sous-mortalité signalée dans différents rapports. Il est par contre noté un déséquilibre des systèmes de retraite puisque le déficit serait porté à - 25 milliards d'euros en 2020, dont - 16 milliards d'euros pour la CNAV. L'aggravation du déficit tiendrait à la diminution des recettes.

Ces chiffres sont colossaux et donnent à voir le grave déséquilibre de notre système de retraite. Quel que soit le mode de calcul, c'est-à-dire en comptant par annuités ou en points, le résultat est le même. Des mesures devront pourtant être prises car un déficit chronique du système de retraite n'est pas acceptable.

Avez-vous des pistes de travail à ce sujet ? Quel est votre horizon pour redresser les comptes ? Quelles sont les mesures susceptibles de produire les effets les plus rapides et selon quel calendrier ? S'agit-il des mesures d'âge, de la remise en cause de dispositifs existants, etc. ?

Je souhaite également revenir sur le rapport de la Cour des comptes qui insiste sur la fraude aux prestations sociales. Nous pouvons penser ici que la CNAV ne fournit pas tous les efforts nécessaires et que son dispositif de lutte contre la fraude pourrait être plus robuste. Avez-vous la volonté ferme de traiter les problèmes soulevés par la Cour des comptes, notamment pour ce qui concerne les prestations versées à l'étranger ?

Par ailleurs, les dispositifs d'activité partielle, qui ont été largement sollicités en 2020 et s'appliqueront aussi en 2021, ne sont pas soumis à cotisations. La loi du 17 juin 2020 a permis la validation de trimestres pris en compte pour les droits à la retraite de base au titre des périodes d'activité partielle. Ce dispositif induit donc des dépenses à terme, avec un calcul plus favorable des prestations à verser, sans pour autant être en mesure de mettre en face les recettes liées aux cotisations. Selon vous, quel sera l'effet de ce dispositif d'activité partielle sur votre caisse ?

Enfin, disposez-vous d'un chiffrage de l'impact de l'assouplissement des règles relatives au cumul emploi-retraite des personnels soignants ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

René-Paul Savary vient de poser la question que je souhaitais adresser aux représentants de la CNAV : il s'agit de celle relative à la fraude. Je pense notamment à ce qui peut être dit, souvent, concernant des prestations versées à l'étranger à des personnes qui auraient 120 ans ! Cette situation, évoquée par divers médias, ne peut évidemment qu'interpeller. Il est plus que nécessaire de pouvoir chiffrer et détecter sérieusement la fraude et tordre le cou aux rumeurs les plus folles, malheureusement relayées.

Vous avez raison de souligner que nous sommes davantage dans un effet recettes que dans un effet dépenses. Il existe toutefois un petit effet dépenses qui n'est pas lié à la surmortalité. Sur un stock de 15 millions de retraités, 30 000 décès liés à la Covid-19 auraient un impact inférieur à 100 millions d'euros. L'impact sur les dépenses est lié en fait à la moindre inflation. Nous sommes cependant à l'épaisseur du trait lorsqu'il s'agit d'expliquer le déficit.

Vous nous interrogez sur les voies et moyens de redresser la situation. En tant que directeur de la CNAV, il ne m'appartient pas de faire part de mes opinions. En revanche, en tant que technicien, je peux vous dire que, pour un ordre de grandeur de 15 milliards d'euros, les seules métriques permettant de conduire à une inflexion sont de reporter l'âge légal de départ à la retraite de deux ans (64 ans) ou d'augmenter la durée de cotisations de deux ans (45 ans d'annuités). Cela étant précisé, je le répète, je n'ai aucune opinion à formuler sur les mesures à prendre.

Vous m'interpellez également sur la lutte contre la fraude. Après avoir procédé à une nouvelle vérification, je peux assurer que nous n'avons aucun assuré de plus de 120 ans auquel nous verserions une pension. Je suis prêt à me faire auditer sur cette question. Dans la tranche 110-120 ans, qui regroupe uniquement des dizaines d'unités, l'essentiel des assurés est résident en France.

Cela étant précisé, je ne nie pas qu'il existe un risque inhérent au versement des retraites à l'étranger. Dans ce domaine, et je le porte résolument, nous devons nous inscrire dans une boucle d'amélioration continue. Ce volontarisme emprunte deux pistes.

Premièrement, pour tous les pays avec lesquels nous sommes en capacité de coopérer, nous devons échanger les fichiers d'état civil mensuels pour disposer d'une donnée fiable. Cela suppose que l'État tiers soit coopératif et dispose d'un état civil lui-même fiable. Ce sont donc, en première intention, les pays de l'Union européenne et de l'OCDE qui sont en phase d'instruction. Pour ce faire, nous avons reçu un financement de la Commission européenne pour déployer un dispositif déjà en routine avec certains pays, comme l'Allemagne, certains pays du Benelux, de la péninsule ibérique et l'Italie.

Nous devons deuxièmement renforcer les contrôles sur les certificats d'existence. Il s'agit ici d'un document envoyé annuellement à chaque retraité qui doit se charger de le faire certifier par l'autorité d'état civil compétente. C'est évidemment un risque de fraude car nous n'ignorons pas le risque de laxisme voire de corruption pour disposer du tampon voulu. Face à ce risque, les réponses à apporter passent par des formations de nos équipes. À réception des certificats d'existence, 20 % sont directement rejetés. Après un deuxième contrôle, nous en rejetons encore 20 %. Il peut cependant encore exister de faux certificats parmi les documents qui passent ces deux contrôles. J'en suis même convaincu, raison pour laquelle nous déployons en parallèle des expérimentations s'appuyant sur notre opérateur bancaire lequel doit assurer l'existence de nos assurés à l'étranger. Au-delà, nous souhaitons étendre le dispositif soutenu et expérimenté en 2016 et 2017 et qui consiste à faire appel à des agents consulaires, financés par la branche retraite et assermentés par elle, pour vérifier physiquement l'existence de l'assuré dans le pays étranger. Nous souhaitons aujourd'hui pérenniser ce dispositif expérimental. Des échanges sont en cours avec le ministère des affaires étrangères à cet effet.

Nous avons une dernière piste sur laquelle je suis à titre personnel très volontariste : il s'agit de la solution de la biométrie. Cependant, cette possibilité est aujourd'hui verrouillée puisque la loi nous interdit d'utiliser la biométrie pour vérifier l'existence de nos assurés.

Concernant l'impact du chômage partiel sur nos comptes, nous sommes toujours sur une mesure assez imprécise. Lors de la première loi d'état d'urgence sanitaire, nous pensions que le dispositif d'activité partielle s'apparenterait à une mesure « balai » car nous n'imaginions pas que des professionnels seraient amenés à bénéficier de ce dispositif pendant 6-8 mois. Cette mesure, d'abord présentée comme un filet de sécurité, devient aujourd'hui une mesure plus large, notamment pour les professions durablement exposées au chômage partiel (automobile, événementiel, restauration, etc.). Dans ce cadre-là, la mesure consistant à sécuriser les trimestres dans le cadre du chômage partiel aura un coût. À ce stade - tout en précisant que l'estimation est encore très approximative - nous pensons que ce coût sera de l'ordre de 200 millions d'euros par an.

Je ne serai pas en mesure de répondre en séance à votre question portant sur l'impact de la mesure de cumul emploi-retraite des soignants. Pour disposer de chiffres précis, il faudrait que nous puissions croiser nos fichiers avec ceux de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités territoriales, compétente sur la fonction publique hospitalière.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Henno

René-Paul Savary a abordé la question des mesures d'âge et je souhaite compléter son questionnement en vous interrogeant sur les effets des départs pour carrière longue. Ces effets s'amenuisent-ils avec le temps ? Quel est l'âge moyen de départ à la retraite ? Pensez-vous que la crise économique et sociale aura un impact sur l'âge de départ à la retraite ? Des départs en retraite pourraient-ils être anticipés quitte à assumer la décote ?

Debut de section - Permalien
Gérard Rivière, président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV)

Je ne souhaite pas dresser de grandes tendances car, si l'on parle beaucoup de la situation économique, on évoque finalement assez peu la situation sociale, or les pistes de redressement n'auront de sens que si l'emploi redevient dynamique. Il est évoqué un volume d'environ un million d'emplois détruits par la crise sanitaire. Aussi, nous ne pourrons pas retrouver un niveau d'emploi porteur dès le 1er janvier 2022.

L'allongement de la durée de cotisations ou le recul de l'âge de départ légal à la retraite sont des hypothèses dans un contexte stabilisé. Je ne suis pas de ceux qui affirment qu'un senior en emploi prive un jeune d'accéder à l'emploi, car les causalités ne sont pas si simples. Pour autant, force est de reconnaître que les jeunes rencontrent de vraies difficultés à accéder à l'emploi. Aussi, la période actuelle ne me semble pas particulièrement choisie pour retarder le départ en retraite.

Par ailleurs, je n'ai pas été de ceux qui ont applaudi le transfert des déficits prévisionnels 2020-2024 à la CADES car je pense que d'autres solutions auraient pu être envisagées. Je crois que l'État, par le biais de la loi de finances, aurait pu prendre sa part de responsabilité et de déficit dans la crise liée au Covid, notamment sur les pertes de cotisations décidées par la puissance publique. Disant cela, je ne conteste pas pour autant le fond de la décision car il existait évidemment un réel intérêt de ces mesures pour soutenir les entreprises durement touchées, et donc l'emploi. Pour autant, laisser à la sécurité sociale la totalité de la charge de ces allègements et annulations de cotisations n'est pas une décision anodine.

Les pertes de cotisations sur les travailleurs indépendants qui relèvent du régime général se chiffrent à 2 milliards d'euros en 2020. Ces pertes sont directement liées à des décisions de report ou d'annulation de cotisations. Ce sont donc les salariés du régime général qui porteront la charge de ces cotisations annulées. Encore une fois, il n'est pas question de contester le bien-fondé de ces mesures en faveur des travailleurs indépendants car il faut les soutenir et il faudra encore les soutenir en 2021, peut-être au-delà. Toutefois, était-ce à la sécurité sociale de supporter la charge de ces déficits ? Le débat est désormais tranché puisque la loi organique a été promulguée le 7 août 2020 et les transferts de déficits sont organisés pour l'ensemble du régime de 2020 à 2024 dans la limite de 92 milliards d'euros. Par conséquent, jusqu'en 2024, le déficit de la CNAV ne pose pas de problème, puisque les déficits cumulés sont traités sauf si le chiffre de 92 milliards d'euros est dépassé avant l'échéance de 2023.

Au vu de ces chiffres, nous pouvons dire qu'il n'y a pas d'urgence à prendre des décisions pour 2020-2021. Par contre, je crois qu'il faut mettre à profit cette période pour rechercher des voies et moyens en concertation. Ce sont d'ailleurs les propos que j'ai tenus il y a quinze jours devant la commission des comptes de la sécurité sociale en invitant à mener une large concertation avec les parties prenantes, notamment les partenaires sociaux, pour parvenir au retour à l'équilibre durable du système de retraite et de la CNAV en particulier.

Dans ces voies et moyens, il existe une large panoplie de mesures connues et identifiées. M. Villard les a évoquées brièvement mais vous retrouverez l'ensemble de ces chiffrages dans la note précise que nous avons remise.

J'ajoute que la CNAV, en tant qu'établissement public, a pour mission de répondre à la commande des services de l'État, et notamment aux demandes du Parlement, du Gouvernement et du Conseil d'orientation des retraites. Les chiffres qui seront rendus publics demain par le COR sont d'ailleurs largement nourris par le service prospective-recherche de la CNAV.

Debut de section - Permalien
Renaud Villard, directeur général de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV)

Je souhaite répondre à la question posée sur les carrières longues. Celles-ci sont encore nombreuses. En 2020, nous estimons que 140 000 personnes partiront en carrière longue, avant l'âge légal. Malgré tout, nous avons dépassé un plateau. Pendant quelques exercices, ce volume a tourné autour de 180 000 départs carrière longue, qui représentaient une dépense d'environ 3,4 milliards d'euros. Depuis, nous observons une décroissance assez marquée pour atteindre 140 000 départs en 2020, soit une dépense de 2,9 milliards d'euros. La décroissance va continuer, liée notamment au fait que les actifs appartiennent désormais à des générations qui sont entrées sur le marché du travail plus tard. Sauf pour ceux qui auront commencé à travailler très jeune, il sera difficile de partir en retraite avant l'âge de 62 ans.

L'âge moyen observé de départ à la retraite est de 63 ans. Cet âge moyen augmente progressivement mais très lentement. L'estimation est de 64 ans en âge observé en 2035. L'âge moyen d'entrée dans la vie active est de 21 ans. De plus, toutes les générations ont désormais connu la scolarité obligatoire jusqu'à 16 ans.

Vous avez aussi évoqué l'impact probable de la crise économique, sociale et sanitaire sur les comportements de départs à la retraite. Je pense que nous connaîtrons deux mouvements adverses. D'un côté, nous pourrions observer une anticipation des départs, notamment liés à des plans de sauvegarde de l'emploi portés par certaines entreprises. De l'autre côté, nous pourrions connaître un allongement des carrières poussé par la formidable diffusion du télétravail. Cette nouvelle forme d'organisation du travail pourrait en effet permettre à certains seniors de prolonger leur activité en s'affranchissant, au moins partiellement, de la contrainte du transport pour se rendre sur leur lieu de travail.

À date, nous ne constatons pas d'effets visibles de la crise sur le nombre de départs à la retraite. Cependant, il est peut-être trop tôt pour tirer un bilan. Nous constatons en revanche un besoin de contact de nos assurés. Pour répondre à ces attentes, nous sommes en train de lancer avec l'AGIRC-ARRCO une opération conjointe dénommée « Les rendez-vous de la retraite ». Signe que nos assurés sont en attente d'information, les 40 000 rendez-vous proposés dans le cadre de cette opération ont d'emblée été demandés.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Il faudrait sans doute reprendre la conférence de financement pour avancer sans attendre. Le risque est sinon de reporter la dette.

Je souhaite également réagir à vos propos sur les cotisations des indépendants car les cotisations devraient être collectées au final même si l'encaissement sera plus tardif.

Debut de section - Permalien
Gérard Rivière, président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV)

Vous nourrissez beaucoup d'optimisme. Pour ma part, je ne pense pas que beaucoup de travailleurs indépendants seront en capacité d'absorber ce surcroît de cotisations sur leur chiffre d'affaires de l'exercice 2021. Je pense que le Gouvernement sera dans l'obligation de prendre un certain nombre de mesures pour annuler des cotisations. Cette situation qui concerne les travailleurs indépendants pourrait concerner aussi des entreprises. En définitive, beaucoup de cotisations reportées ne pourront pas être recouvrées, notamment chez les ETI qui traditionnellement rencontrent déjà des difficultés à faire face à leurs charges sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Ce montant correspond aux reports et annulations. Cependant, la question est de déterminer quelle sera la part des annulations in fine. Comme le dit le président de la CNAV, il est à craindre toutefois que ce montant soit beaucoup plus élevé que ce qu'imaginait l'ancien ministre des comptes publics, il y a quelques mois.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Lubin

C'est un débat que nous aurons entre nous mais il apparaît aujourd'hui quasiment impossible de répondre par des mesures paramétriques immédiates à un problème conjoncturel et dont on ne connaît pas l'échéance. Si nous étions amenés à prendre ces mesures paramétriques, nous pénaliserions immédiatement des personnes prêtes à prendre leur retraite, c'est-à-dire des personnes qui vont la prendre dans quelques mois ou dans un ou deux ans. Pour certaines professions, nous ne pouvons pas décemment demander à des personnes qui travaillent depuis l'âge de 18 ans ou avant cet âge de travailler deux ans de plus.

Parallèlement, il n'existe pas de relation de cause à effet immédiate entre les départs en retraite et les embauches des jeunes. Je ne vois donc pas comment nous pourrons maintenir en activité des personnes qui n'en ont plus envie tout en maintenant des jeunes devant la porte de l'emploi.

La situation nous invite à nous montrer imaginatifs et à sortir de nos dogmes respectifs car nous ne pouvons pas annoncer d'emblée que nous n'avons pas le choix et que nous devons reculer l'âge de départ à la retraite de deux ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Je note qu'il n'y a plus d'autres demandes de parole. Je vous remercie M. le président et M. le directeur.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 11 h 45.