Je ne souhaite pas dresser de grandes tendances car, si l'on parle beaucoup de la situation économique, on évoque finalement assez peu la situation sociale, or les pistes de redressement n'auront de sens que si l'emploi redevient dynamique. Il est évoqué un volume d'environ un million d'emplois détruits par la crise sanitaire. Aussi, nous ne pourrons pas retrouver un niveau d'emploi porteur dès le 1er janvier 2022.
L'allongement de la durée de cotisations ou le recul de l'âge de départ légal à la retraite sont des hypothèses dans un contexte stabilisé. Je ne suis pas de ceux qui affirment qu'un senior en emploi prive un jeune d'accéder à l'emploi, car les causalités ne sont pas si simples. Pour autant, force est de reconnaître que les jeunes rencontrent de vraies difficultés à accéder à l'emploi. Aussi, la période actuelle ne me semble pas particulièrement choisie pour retarder le départ en retraite.
Par ailleurs, je n'ai pas été de ceux qui ont applaudi le transfert des déficits prévisionnels 2020-2024 à la CADES car je pense que d'autres solutions auraient pu être envisagées. Je crois que l'État, par le biais de la loi de finances, aurait pu prendre sa part de responsabilité et de déficit dans la crise liée au Covid, notamment sur les pertes de cotisations décidées par la puissance publique. Disant cela, je ne conteste pas pour autant le fond de la décision car il existait évidemment un réel intérêt de ces mesures pour soutenir les entreprises durement touchées, et donc l'emploi. Pour autant, laisser à la sécurité sociale la totalité de la charge de ces allègements et annulations de cotisations n'est pas une décision anodine.
Les pertes de cotisations sur les travailleurs indépendants qui relèvent du régime général se chiffrent à 2 milliards d'euros en 2020. Ces pertes sont directement liées à des décisions de report ou d'annulation de cotisations. Ce sont donc les salariés du régime général qui porteront la charge de ces cotisations annulées. Encore une fois, il n'est pas question de contester le bien-fondé de ces mesures en faveur des travailleurs indépendants car il faut les soutenir et il faudra encore les soutenir en 2021, peut-être au-delà. Toutefois, était-ce à la sécurité sociale de supporter la charge de ces déficits ? Le débat est désormais tranché puisque la loi organique a été promulguée le 7 août 2020 et les transferts de déficits sont organisés pour l'ensemble du régime de 2020 à 2024 dans la limite de 92 milliards d'euros. Par conséquent, jusqu'en 2024, le déficit de la CNAV ne pose pas de problème, puisque les déficits cumulés sont traités sauf si le chiffre de 92 milliards d'euros est dépassé avant l'échéance de 2023.
Au vu de ces chiffres, nous pouvons dire qu'il n'y a pas d'urgence à prendre des décisions pour 2020-2021. Par contre, je crois qu'il faut mettre à profit cette période pour rechercher des voies et moyens en concertation. Ce sont d'ailleurs les propos que j'ai tenus il y a quinze jours devant la commission des comptes de la sécurité sociale en invitant à mener une large concertation avec les parties prenantes, notamment les partenaires sociaux, pour parvenir au retour à l'équilibre durable du système de retraite et de la CNAV en particulier.
Dans ces voies et moyens, il existe une large panoplie de mesures connues et identifiées. M. Villard les a évoquées brièvement mais vous retrouverez l'ensemble de ces chiffrages dans la note précise que nous avons remise.
J'ajoute que la CNAV, en tant qu'établissement public, a pour mission de répondre à la commande des services de l'État, et notamment aux demandes du Parlement, du Gouvernement et du Conseil d'orientation des retraites. Les chiffres qui seront rendus publics demain par le COR sont d'ailleurs largement nourris par le service prospective-recherche de la CNAV.