Intervention de Christelle Ratignier-Carbonneil

Commission des affaires sociales — Réunion du 2 décembre 2021 à 11:5
Audition de Mme Christelle Ratignier-carbonneil candidate proposée par le président de la république à la direction générale de l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé

Christelle Ratignier-Carbonneil, candidate proposée par le Président de la République à la direction générale de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé :

C'est un honneur pour moi que d'être reçue ce jour par votre commission. Cette procédure d'audition par le Parlement a, pour moi, une valeur hautement symbolique, puisqu'elle prend sa source dans la loi de 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé. Ses principes visent à garantir la pleine inscription de l'établissement d'expertise qu'est l'ANSM. Indispensable au bon fonctionnement démocratique, l'expertise doit pouvoir être questionnée par les citoyens, et au premier chef, par leurs représentants. C'est donc dans un esprit de pleine responsabilité que j'aborde cette audition, parfaitement consciente de la responsabilité qui pèsera sur les épaules de la future directrice générale de l'ANSM, tant sur la gestion de l'établissement que sur sa capacité à rendre compte régulièrement de son action.

Je vous propose d'intervenir en trois points, en vous présentant d'abord brièvement mon parcours professionnel et mes motivations, puis en vous exposant mon analyse des grands enjeux de l'ANSM, pour enfin conclure sur les étapes immédiates à suivre pour l'établissement.

Mon parcours professionnel, uniquement dédié au service public et à la santé, témoigne de mon profond attachement aux questions de sécurité sanitaire et de santé publique. Docteur ès sciences en immunohématologie, je suis chercheuse de formation. Ma première expérience au sein du laboratoire de recherche du professeur Kazatchkine, dans le domaine des xénogreffes, m'a permis de disposer d'une expertise scientifique clinique approfondie. J'ai rejoint en 2002 l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), devenue ultérieurement l'ANSM, où j'ai exercé jusqu'en 2010 plusieurs fonctions en lien avec l'évaluation clinique des médicaments. Ces huit années m'ont permis d'acquérir de solides connaissances sur l'organisation sanitaire des produits de santé, à la fois françaises, mais également européennes, au travers de mes différents mandats à l'Agence européenne des médicaments (EMA - European Medicines Agency). Les questions de vigilance et de sécurité sanitaire ont été au coeur de mes fonctions, alliant quotidiennement expertise, mais aussi management d'équipes pluri-professionnelles.

À partir de novembre 2010, au travers de mes fonctions auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, j'ai pu activement contribuer à la création du Fonds d'indemnisation des victimes du Mediator et à la réforme du système de sécurité sanitaire des produits de santé, avec la rédaction de la loi du 29 décembre 2011, qui a notamment donné naissance à l'ANSM en mai 2012. Cette loi, fondée sur les nombreux travaux réalisés dans le cadre des commissions parlementaires et des assises du médicament, a été d'importance majeure. De ces deux années d'intense activité, je garde le souvenir d'un travail en concertation constante avec l'ensemble des parties prenantes, allant de la gestion des crises sanitaires du Mediator, mais également des implants mammaires Poly implant prothèse (PIP), à l'élaboration et au pilotage de politique publique.

C'est en mai 2012 que j'intègre la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM), pour prendre la direction du département des produits de santé, dédié aux sujets de prise en charge et de remboursement des prêts, mais également à l'offre conventionnelle avec les professionnels de la pharmacie, de la biologie et de l'ensemble des dispositifs médicaux.

Depuis décembre 2016, j'ai le privilège d'assurer les fonctions de directrice générale adjointe auprès de Dominique Martin, au sein de l'ANSM. Établissement public administratif, l'agence est chargée de procéder à l'évaluation des bénéfices et des risques des produits à finalité sanitaire aux niveaux national et européen, ainsi qu'à celle des produits à finalité cosmétique.

C'est dans cette logique intégrée et assumée que je souhaite mobiliser mes compétences et mon expérience au service de la dynamique engagée par l'ANSM et ses collaborateurs, en guidant et en accompagnant cet établissement public de référence. L'objectif est d'assurer aux patients la mise à disposition de produits de santé sûrs et efficaces, ainsi que l'accès rapide et encadré aux innovations thérapeutiques.

J'en viens à ma perception des grands enjeux pour l'agence.

Dans le cadre de la deuxième année du contrat d'objectifs et de performance (COP) conclu avec le ministère des solidarités et de la santé en mai 2019, il est primordial pour l'agence et ses partenaires d'évoluer dans l'environnement le plus assuré possible. La connaissance approfondie des enjeux, tant internes qu'externes à l'ANSM, mais également les capacités d'anticipation et de mobilisation des acteurs constituent des atouts indéniables pour poursuivre et développer les axes stratégiques qu'elle porte.

Le premier d'entre eux est l'objectif d'ouverture de l'agence. Celui-ci se doit d'être poursuivi et accentué dans chacune des activités assurées par ses quelque 930 collaborateurs, afin de répondre aux attentes de la société. C'est un engagement au quotidien, qui requiert l'implication et la mobilisation de chacun, en particulier de la direction générale. D'abord, il s'agit de mieux faire comprendre les processus de décision de l'agence, afin de renforcer leur légitimité. Ensuite, l'objectif est d'associer plus étroitement encore les parties prenantes à la construction de nos réponses, qui se doivent d'être efficaces, compréhensibles, acceptables et pragmatiques. Aujourd'hui, chacun des quinze comités scientifiques permanents comprend à la fois des usagers et des professionnels du système de santé, ce qui est indispensable. Nous procédons également à de nombreuses auditions publiques, pour écouter l'ensemble des parties prenantes. Enfin, dans le respect des exigences légales, il importe de publier les données disponibles relatives aux produits de santé et aux processus de l'agence, toujours dans l'optique de renforcer sa légitimité et sa transparence.

Cette démarche d'ouverture s'articule de façon très étroite avec la politique de communication et d'information de l'agence, mais aussi avec la diffusion de la culture de la gestion du risque. Cette approche focalise toutes les actions de l'ANSM non seulement sur la sécurité du patient exposé aux produits, et non pas seulement sur la sécurité des produits eux-mêmes. La prise en compte de la pluralité des expertises, et en particulier le savoir expérientiel du patient, est cruciale. Il faut également mobiliser les conditions nécessaires à l'adhésion en interne des collaborateurs de l'agence, pour une imprégnation collective et durable de la culture de la gestion du risque. Il faut assurer une gestion prédictive du risque, en prenant en compte l'ensemble des caractéristiques des produits de santé et les composantes de l'environnement ; mieux anticiper les situations à risque élevé qui font l'objet d'une gestion renforcée ; renforcer la couverture des besoins sanitaires des patients portant sur les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur ou des dispositifs médicaux sensibles ; et enfin, assurer la sécurité des produits de santé tout au long de leur cycle de vie, et renforcer la prévention du risque de mésusage des médicaments.

Par ailleurs, l'ANSM est un maillon essentiel pour accompagner le développement et faciliter la mise à disposition des produits de santé innovants, dans des conditions assurant la sécurité des patients. Les attentes sont majeures, tant de la part des patients qui espèrent des traitements nouveaux ou plus efficaces, que des professionnels de santé, des académiques, des industriels, des homologues européens et, au final, de l'ensemble de nos concitoyens. Ces activités d'accompagnement de l'innovation s'inscrivent très largement dans le cadre européen, depuis la production des avis scientifiques en amont des autorisations, en passant par les autorisations d'essais cliniques, et jusqu'aux autorisations de mise sur le marché (AMM). Il est donc indispensable de poursuivre le renforcement de notre positionnement européen pour l'accès précoce et sûr à l'innovation. Il faut encore aller plus loin, et améliorer les délais d'autorisation des essais cliniques, afin d'offrir au patient le service qu'il est en droit d'attendre. Enfin, il faut poursuivre et déployer le « guichet innovation », structure centralisée au sein de l'agence qui vise à fournir à tous les interlocuteurs les informations nécessaires pour accompagner leur recherche. Celles-ci peuvent être de niveau réglementaire, technique, et bien évidemment, de niveau clinique.

J'évoquerai maintenant quelques enjeux immédiats pour l'agence. Je ne peux pas terminer mon propos sans évoquer la situation sanitaire exceptionnelle que nous traversons aujourd'hui. L'agence, en tant que service public et agence de sécurité sanitaire, s'organise pour répondre à ses missions essentielles, notamment celles qui sont directement liées à ce contexte.

Face au coronavirus SARS-CoV-2, il s'agira pour l'ANSM d'adapter ses procédures à l'urgence actuelle, pour accélérer la mise au point, l'autorisation et la disponibilité de vaccins, dans le respect des normes de qualité, d'innocuité et d'efficacité. Bien que développés à une vitesse sans précédent, ces vaccins ne seront autorisés que s'ils sont sûrs, efficaces et de bonne qualité. Comme tous les médicaments, il est essentiel qu'ils soient étroitement surveillés après l'autorisation. C'est d'autant plus important dans le contexte d'un accès précoce. La stratégie de mise à disposition d'un ou plusieurs vaccins contre la covid-19 auprès de la population ou de certains sous-groupes est, comme vous le savez, recommandée par la commission technique des vaccinations de la Haute Autorité de santé (HAS). Dans ce cadre, l'ANSM mettra en place un dispositif de surveillance renforcée dédié, dans la plus grande transparence.

Autre enjeu majeur et immédiat, la démarche de gestion du risque visera à renforcer l'anticipation et la prévention des situations de tension ou de rupture d'approvisionnement en produits d'intérêt thérapeutique majeur. Je sais que le Sénat a beaucoup travaillé sur ce sujet. Les ruptures de stock sont des situations extrêmement pénalisantes pour les patients, sur des champs thérapeutiques très importants. Je pense à l'oncologie, aux traitements antibiotiques, ou encore aux traitements antiparkinsoniens.

Par ailleurs, l'expérimentation du cannabis à usage médical sera mise en oeuvre. Cette initiative démontre une volonté d'ouverture de l'agence, mais aussi une démarche de gestion du risque. Elle aura pour premier objectif d'évaluer la faisabilité du circuit de mise à disposition du cannabis, à savoir la prescription par les médecins, la dispensation par les pharmaciens, l'approvisionnement en produits et le suivi des patients. Le second objectif sera de recueillir les premières données françaises sur l'efficacité et la sécurité de l'utilisation du cannabis dans un cadre médical.

Enfin, pour assurer une réponse adaptée au contexte exceptionnel de cette épidémie, l'agence poursuit une démarche de déploiement du télétravail au sein de toutes les équipes. Elle s'inscrit ainsi dans le sens des orientations proposées par le Gouvernement, contribuant ainsi à l'amélioration de la qualité de vie au travail des agents publics.

Pour conclure, je veux souligner l'importance de l'évolution de l'ANSM au cours des six dernières années, sous les deux mandats de Dominique Martin. Si l'opportunité m'est donnée de guider et d'accompagner les collaborateurs de l'agence, je m'emploierai à chaque instant à ce que l'ANSM soit une agence à l'écoute de ses usagers et de leurs attentes. Je souhaiterais qu'elle soit capable d'être agile, résolument en prise avec son temps, une agence au service de la sécurité de tous les patients, qui sont exposés et utilisent au quotidien des produits de santé.

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