Intervention de Christelle Ratignier-Carbonneil

Commission des affaires sociales — Réunion du 2 décembre 2021 à 11:5
Audition de Mme Christelle Ratignier-carbonneil candidate proposée par le président de la république à la direction générale de l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé

Christelle Ratignier-Carbonneil, candidate proposée par le Président de la République à la direction générale de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé :

Je vais revenir sur le positionnement de l'ANSM par rapport aux différentes phases de la vaccination. Premièrement, les vaccins sont des produits biologiques, et à ce titre, la seule façon d'avoir une autorisation de mise sur le marché sur notre territoire est de passer par une autorisation de l'Agence européenne du médicament. Si l'avis est positif, la mise sur le marché concerne l'ensemble des États membres. Nous sommes particulièrement impliqués dans cette évaluation, car l'agence européenne se base sur les forces vives des différentes agences sanitaires des États membres. Par ailleurs, un système de rolling review a été mis en place dans le cadre des situations d'urgences sanitaires. Celui-ci permet de contracter les temps d'évaluation, sans que cela se fasse au détriment de l'efficacité ou de la sécurité. Il autorise le dépôt des données au fil de l'eau, ce qui permet une évaluation continue par les États membres. Ainsi, nous espérons obtenir un avis positif, pour une mise en application la plus précoce possible. Nous sommes aussi très présents dans l'autorisation des essais cliniques sur le territoire national. Bien évidemment, nous sommes aussi impliqués dans le suivi et la surveillance. Il est indispensable, encore plus quand l'accès des médicaments est précoce, qu'un dispositif de surveillance renforcée soit mis en place. Celui-ci aura deux dimensions. D'abord, la pharmacovigilance, grâce à l'existence de notre dispositif de déclaration. Le maillage de l'agence est assez unique en Europe, grâce à nos centres régionaux de pharmacovigilance, ce qui permet de faire remonter les déclarations spontanées des effets indésirables par les professionnels de santé, et surtout par les patients. L'épidémiologie des produits de santé constitue la deuxième dimension, sur laquelle je reviendrai.

Un autre point majeur, qui doit être le squelette de l'ensemble du dispositif de surveillance, est la transparence. Celle-ci est absolument nécessaire pour nourrir la confiance de l'ensemble de nos concitoyens, cruciale pour accéder à la vaccination. Par exemple, dans le cadre de l'utilisation des médicaments thérapeutiques de la covid, nous avons mis en place une publication hebdomadaire sur notre site internet : elle reprend l'ensemble des effets indésirables, ainsi que l'analyse réalisée par nos centres régionaux de pharmacovigilance. Un travail analogue sera réalisé pour les vaccins. Nous aurons une communication et une analyse régulière sur ces effets.

Nous souhaitons aussi favoriser l'implication de nos parties prenantes. Tous nos comités scientifiques permanents rassemblent à la fois des représentants de professionnels de santé et des représentants d'usagers. Notamment, nous impliquons nos partenaires dans la co-construction du dispositif de surveillance, avec une dimension très importante, celle de l'adaptabilité. Nous avons également une rolling review pour l'évaluation des autorisations de mise sur le marché des vaccins.

Le premier pilier est donc la pharmacovigilance, la remontée des déclarations des effets indésirables - c'est ce qu'on appelle les déclarations spontanées. Le second pilier, indispensable, est l'épidémiologie des produits de santé. Nous avons la chance d'avoir un groupement d'intérêt scientifique (GIS), appelé Epi-Phare, qui réunit les compétences de la CNAM et de l'ANSM sur l'épidémiologie des produits de santé. Grâce au système national des données de santé, nous pouvons suivre l'ensemble des personnes affiliées à l'assurance maladie et donc leurs déterminants médicaux, leur consommation de produits de santé, de consultations médicales, de soins hospitaliers... Nous pourrons voir s'il y a une évolution en termes de comportement ou de consommation de soins des personnes vaccinées.

Ces deux piliers complémentaires permettent d'asseoir la surveillance, en toute transparence. Par exemple, le GIS Epi-Phare, avec lequel nous sommes en contact toutes les 4 à 8 semaines, suit la consommation des médicaments par la population française pendant les différentes phases de la crise sanitaire - confinement, post-confinement. Nous avons constaté une diminution de la vaccination obligatoire, une diminution de l'utilisation des produits de santé nécessitant un acte, comme l'injection intravitréenne de produits dans les cas de dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA).

Concernant l'innovation et la stratégie européenne, je partage tout à fait les points qui ont été soulevés : innovation égale Europe. Pour qu'un médicament innovant soit autorisé sur le territoire national, il faut obligatoirement une autorisation de mise sur le marché européenne, à laquelle nous contribuons. Nous devons être présents au niveau européen, et c'est ce que nous faisons : nous regagnons notre place, nous sommes entre le top 3 et le top 4 ou 5 pour ce que l'on appelle le « rapporteurship », avec une présence très forte dans les avis scientifiques européens, notamment dans les domaines de l'oncologie, de l'infectiologie, de la neurologie ou des maladies rares.

Le rapport de la Cour des comptes l'a indiqué, l'ANSM, notamment sous l'impulsion de Dominique Martin, a évolué de manière extrêmement importante, avec les notions d'ouverture et de service public. Je pense notamment au sujet des essais cliniques. Nous devons encore renforcer cette démarche d'amélioration. En termes de délais, la procédure réglementaire prévoit 60 jours. Grâce à la mobilisation de l'ensemble de nos collaboratrices et collaborateurs, le délai moyen de réponse pour les essais cliniques se situe aux alentours de 42 à 43 jours en infraréglementaire, ce qui est attractif pour les promoteurs. Bien sûr, cela se fait dans un cadre sécurisé : jamais nous ne sacrifierons la sécurité au profit de la rapidité. L'objectif est de mieux appréhender les évaluations et d'avoir une gestion du risque la plus adaptée. Ces résultats sont valables pour tous les médicaments hors covid. En période de covid, nous avons accéléré les délais d'autorisation, sans pour autant différer l'autorisation des autres essais cliniques. Nous avons organisé l'agence, avec une priorisation plus importante pour les autorisations covid, mais, en oncologie notamment, les demandes d'autorisation d'essais cliniques ont continué. Le délai moyen d'autorisation n'a pas augmenté : il est toujours de 42 à 45 jours.

Pour les essais cliniques concernant la covid-19, le délai était de quelques jours, moins d'une semaine, au tout début ; aujourd'hui, il se situe entre 7 et 10 jours.

Les CPP se sont mobilisés pour répondre dans des délais les plus rapides possible. Cela permet de préfigurer le futur règlement européen relatif aux essais cliniques : l'ANSM délivrera alors une seule autorisation. Il est important de capitaliser sur ces améliorations en termes de délais. La crise de la covid-19 a permis de réinterroger un certain nombre de processus, notamment avec les CPP, et de démontrer que nous étions collectivement capables, avec toujours l'objectif d'assurer la sécurité des patients, d'accélérer la mise à disposition des autorisations d'essais cliniques.

Sur la Dépakine, je veux dire que l'Agence est aux côtés des patients dont les souffrances sont particulièrement importantes. Le valproate est une molécule ancienne qui a révolutionné la prise en charge des patients épileptiques. Comme pour tout médicament, il y a des bénéfices et des risques. Auparavant, l'information directe des patients n'était pas forcément le dispositif le plus mobilisé ; aujourd'hui, il est important que, en plus de cet indispensable colloque singulier médecin-patient, les patients aient un accès direct à l'information. C'est ce qui mobilise l'Agence depuis de nombreuses années, l'objectif étant de diminuer l'exposition des femmes en âge de procréer et des femmes enceintes au valproate : mise en place de protocoles d'accords de soins, obligation des premières prescriptions par un spécialiste et pictogrammes sur les boîtes de médicaments. L'ensemble de ces mesures ont eu une certaine efficacité, puisque nous sommes passés de 1 500 grossesses exposées au valproate en 2010 à un peu plus de 200 en 2019. Il faut impliquer les parties prenantes : les professionnels de santé, mais aussi, et surtout, les patients. Je pense à l'implication très importante de l'Association des parents d'enfants souffrant du syndrome de l'anti-convulsivant (Apesac), présidée par Marine Martin. Impliquer les patients nous permet d'adapter le contenu et le format de nos réponses pour proposer des mesures de réduction du risque les plus efficaces possible.

Un point sur le cannabis à usage médical. L'expérimentation débutera début 2021. Plusieurs arrêtés ministériels ont déjà été pris ; nous sommes dans la phase des appels d'offres, pour les produits mis à disposition de manière gracieuse, mais également pour la formation des professionnels des médecins et pharmaciens. L'implication des patients est extrêmement importante. Cette expérimentation d'envergure, assez unique en Europe, permet de valider les modalités d'utilisation du cannabis à usage médical, et d'obtenir les premières données sur l'efficacité de l'utilisation de ce produit. Un comité scientifique temporaire, qui réunit l'ensemble des parties prenantes, a été constitué : il a mené des auditions publiques très larges, à la fois de professionnels de santé, de patients et de nos homologues étrangers, afin d'avoir une approche de santé publique de l'utilisation du cannabis à usage médical.

Concernant le cannabidiol, un arrêté a été récemment pris au niveau européen. L'objectif est de trouver avec l'ensemble des institutions et des ministères compétents, chacun dans le respect de ses compétences, un juste équilibre. Il faut, à la fois, un bon usage et une information claire et précise des patients et des professionnels de santé.

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