Intervention de Frédérique Vidal

Réunion du 20 novembre 2020 à 11h00
Programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 — Adoption définitive des conclusions d'une commission mixte paritaire sur un projet de loi

Frédérique Vidal :

C’est aussi donner toute sa valeur au doctorat, qui reste la plus exigeante des qualifications.

Je crois avoir montré, depuis le début du quinquennat, au travers de la loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants, au travers de l’arrêté licence ou bien encore de l’ordonnance sur les regroupements d’établissements, que je conçois la réforme, non pas comme un exercice vertical et dogmatique, mais plutôt comme une entreprise collective fondée sur le dialogue. C’est pourquoi je me félicite de ce que la commission mixte paritaire ait fixé, comme préalable au déploiement de ces nouvelles modalités de recrutement, un temps de discussion avec l’ensemble des parties prenantes, auquel, bien sûr, les parlementaires qui le souhaitent pourront être associés.

Après le temps du dialogue et de l’expérimentation viendra celui de l’évaluation. Cette dernière sera confiée au Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres).

Ce projet de loi a pour ambition ultime de favoriser l’engagement des chercheurs dans notre société. Les travaux parlementaires, particulièrement riches sur le sujet, ont contribué à redonner à la médiation scientifique ses lettres de noblesse et à améliorer sa reconnaissance dans le milieu académique, en soutenant la création de prix portés par de grands organismes tels que le Centre national de recherche scientifique (CNRS) ou l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae).

Ils ont également permis de diversifier les interfaces entre chercheurs et société, en insistant sur la réciprocité des échanges.

Ils ont en outre explicité le cadre dans lequel le dialogue entre science et société peut s’épanouir, au plus grand bénéfice des deux parties. La première limite est posée par l’intégrité scientifique, qui fonde la crédibilité de la parole des chercheurs dans l’espace public. La science ne sert jamais aussi bien les intérêts de la Nation que lorsqu’elle est désintéressée. C’est bien en cherchant à repousser le front des connaissances qu’elle provoque les ruptures conceptuelles à l’origine de technologies, de produits et de services susceptibles de changer radicalement le destin d’une entreprise et la face du monde. C’est en restant fidèle à ses valeurs qu’elle gagne la confiance des citoyens et les sommets de l’innovation.

Les soupçons de fraude et de conflits d’intérêts minent le pacte entre la Nation et la science, bien plus sûrement encore que les fausses informations, les peurs et les croyances. C’est la raison pour laquelle il était si important de renforcer la place de l’intégrité scientifique dans nos textes juridiques et dans la formation des jeunes chercheurs.

L’autre déterminant des relations entre science et société, ce sont les libertés académiques. Elles incarnent, en quelque sorte, la contrepartie positive de l’intégrité scientifique, le droit attaché au devoir. Les chercheurs ont tout autant la liberté que l’obligation de ne pas se soumettre à une autre autorité que celle de la science. Ni la religion, ni le politique, ni la société ne peuvent restreindre le champ de leur recherche et de leur enseignement. Leur seule limite, c’est la raison, le fait scientifique établi, la vérité démontrée.

Dans l’enceinte universitaire, les connaissances circulent à l’air libre, « l’esprit souffle où il veut » comme le rappelait Jean Perrin, et cette respiration est celle-là même de notre démocratie. Il était juste que, en retour, notre République défende mieux ces libertés si nécessaires à la robustesse de la science ; c’est pourquoi le Sénat a souhaité inscrire dans la programmation le délit d’entrave. Ceux qui y voient un outil pour réprimer les manifestations étudiantes commettent, selon moi, un contresens absolu, que je regrette de voir à ce point relayé !

Cette disposition ne vise en aucun cas à museler les voix discordantes, lesquelles sont essentielles à la vie universitaire – je m’emploierai à le rappeler –, mais elle tend bien au contraire à protéger le débat contradictoire et la diversité des expressions contre les tentatives de censure et les dégradations inadmissibles commanditées de l’extérieur, dont nos établissements ont pu être le théâtre ces dernières années.

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