Séance en hémicycle du 20 novembre 2020 à 11h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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  • scientifique
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Sommaire

La séance

Source

La séance est ouverte à onze heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur (texte de la commission n° 117, rapport n° 116).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la rapporteure.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure Darcos

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le vote que nous allons exprimer aujourd’hui marque la dernière étape du travail dense et intense que nous avons mené jusqu’alors sur le projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030.

La commission mixte paritaire, qui s’est réunie le mardi 9 novembre dernier, est parvenue à l’accord que nous vous soumettons aujourd’hui.

L’examen du projet de loi a été réalisé dans des délais très courts, et je tiens à souligner la qualité du travail effectué dans notre assemblée par l’ensemble des groupes, qui ont tous contribué à l’élaboration du texte, signe que, sur certains sujets, nous pouvons dépasser nos appartenances partisanes. Les débats ont été riches, constructifs et ont démontré l’attachement du Sénat à la pérennité de notre recherche.

Je souhaite également saluer le travail des rapporteurs de l’Assemblée nationale, qui se sont montrés ouverts aux propositions du Sénat, ainsi que le Gouvernement, qui a su écouter et, parfois, se laisser convaincre. Je vous remercie donc, madame la ministre, pour la qualité de nos échanges.

Je crois que le texte proposé aujourd’hui est meilleur que lorsque nous en avons entamé l’examen. Cependant, il nous faut reconnaître et accepter que cet accord repose sur un compromis. Les apports du Sénat n’ont donc pas tous été conservés dans le texte final ; je le regrette, bien entendu.

Je pense tout particulièrement à la durée de programmation. Avec le soutien et l’expertise de notre collègue Jean-François Rapin de la commission des finances, nous avons tenu un discours de vérité, fondé sur des arguments comptables incontestables, relativisant par là même l’effort sur dix ans proposé par le Gouvernement, en présentant une programmation plus courte et plus efficace.

Jusqu’à la dernière minute – je dois bien le dire –, nous avons plaidé pour adresser ce signal fort et rassurant à la communauté de la recherche. Hélas, il nous a fallu nous rallier à la position des députés lors de la commission mixte paritaire. Pour autant, le Sénat a obtenu une amélioration notable de la trajectoire budgétaire par l’intégration de crédits issus du plan de relance : 428 millions d’euros sont attribués à l’Agence nationale de la recherche (ANR) sur deux ans ; 100 millions d’euros seront affectés, dès 2021, à la préservation de l’emploi dans le secteur privé de la recherche et du développement.

Soyons clairs : si l’enveloppe attribuée sur dix ans à la recherche est loin d’être négligeable, elle vaudra en réalité plus pour la stabilité et la visibilité qu’elle offre à la recherche que par l’ampleur de l’effort, sous réserve que les gouvernements successifs en respectent le cadre ; cela n’est pas acquis ! Cette loi offrira donc une garantie, que l’on hésite à qualifier malgré tout de modeste, mais le choc budgétaire que le monde de la recherche était en droit d’attendre n’est pas là.

En conséquence, et pour conclure le débat sur ce point, nous serons, comme vous l’imaginez, très attentifs lors des prochains exercices budgétaires ; nous ne nous interdirons pas de rêver à des gestes plus significatifs encore !

La programmation budgétaire ne résume cependant pas l’ensemble du texte, qui comporte un grand nombre de dispositions utiles et pertinentes traduisant le travail d’écoute mené par Mme la ministre et les parlementaires.

Sans me lancer dans une liste à la Prévert, nous sommes fiers d’avoir pu inscrire plusieurs dispositions essentielles dans le projet de loi. Je souhaite, à ce titre, évoquer la reconnaissance au niveau législatif du respect de l’intégrité scientifique. En cette période si particulière où la science a littéralement débordé des laboratoires et devenir un sujet médiatique, il s’agit là d’un apport essentiel, qui permettra de mieux garantir l’impartialité et l’objectivité des travaux de recherche.

Nous faisons aussi le constat d’une réelle avancée sur la date de mise en œuvre de la mensualisation de la rémunération des vacataires, avant 2022. Ces derniers méritent, en effet, toute notre attention, car ils sont essentiels au fonctionnement de notre système d’enseignement supérieur et de recherche.

Je note également l’inscription, parmi les missions du service public de l’enseignement supérieur, de la sensibilisation et de la formation aux enjeux de la transition écologique et du développement durable, de même que la définition des conditions pour devenir chef d’un établissement de recherche, qui permettent de mieux tenir compte des travaux dont il peut se prévaloir.

Je souhaite, par ailleurs, évoquer ce que j’estime être une erreur d’appréciation de la volonté du Sénat, sur trois sujets précis : les libertés académiques, le délit d’entrave et l’expérimentation du recrutement hors Conseil national des universités (CNU).

Je tiens à réaffirmer le profond attachement du Sénat aux libertés académiques et à l’indépendance intellectuelle de l’université française, telles que garanties par la Constitution. C’est pourquoi nous avons proposé en commission mixte paritaire de retenir la définition suivante, votée à l’unanimité : « Les libertés académiques sont le gage de l’excellence de l’enseignement supérieur et de la recherche français. Elles s’exercent conformément aux principes à caractère constitutionnel d’indépendance des enseignants-chercheurs. »

Au sujet du délit d’entrave, notre intention n’est pas de porter atteinte à la liberté de débattre ou de contester. Nous la garantissons, bien au contraire, en donnant à l’université les moyens de se protéger contre ceux qui refusent le libre exercice des opinions, parfois par des moyens violents. Ce faisant, nous prémunissons l’université contre les tentatives de censure et les pressions inacceptables exercées depuis l’extérieur. C’est la condition sine qua non du progrès intellectuel !

Enfin, sur la question du recrutement hors CNU, nous sommes parfaitement clairs : non, le Sénat n’a pas cherché à supprimer le CNU, qui garde sa pleine compétence s’agissant des maîtres de conférences et du suivi des carrières. Dans le cadre d’une expérimentation, la majeure partie d’entre nous estime simplement que le système actuel de recrutement des maîtres de conférences peut évoluer, avec prudence, et dans le respect du dialogue et de la concertation que j’ai appelé de mes vœux, avec force, à la suite de la lecture du texte au Sénat.

Vous vous êtes d’ores et déjà engagée, madame la ministre, à cette consultation élargie de l’ensemble des acteurs concernés, dont des membres du CNU, et à veiller à encadrer la nouvelle procédure de recrutement de toutes les garanties pour en permettre l’acceptabilité. Nous examinerons avec la plus grande attention les conclusions de cette expérimentation et en tirerons toutes les conséquences.

Je veux formuler une dernière remarque pour conclure. Le processus d’examen et d’adoption d’un projet de loi emprunte beaucoup à la méthode scientifique. Le monde de la recherche vit actuellement une « révolution », pour reprendre l’analyse du philosophe des sciences Thomas Kuhn : à l’évidence, les paradigmes sur lesquels sont fondés notre système ne suffisent plus ; les chercheurs nous l’ont clairement fait comprendre.

Il nous appartient, dès lors, de tirer profit de cette période de crise pour élaborer un nouveau modèle de science. Nous avons mené un travail approfondi et honnête, à l’issue duquel – cela n’est jamais simple ! – il nous est revenu de trancher.

Je n’ai aucune certitude mais j’espère que les solutions proposées par ce texte constitueront les prémices d’une nouvelle science. À l’instar des chercheurs et des enseignants-chercheurs, auxquels je veux rendre hommage, nous serons à l’écoute de la réalité pour amender, améliorer et, en définitive, mieux accompagner notre recherche.

Mes chers collègues, je vous propose donc d’adopter les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de programmation de la recherche des années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE et INDEP.

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal

Monsieur le président, monsieur le président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, cher Laurent Lafon, madame la rapporteure, chère Laure Darcos, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, il y a un peu moins de deux ans, le Premier ministre a lancé l’élaboration d’une programmation de la recherche qui donnerait à notre pays les moyens de demeurer une grande nation scientifique.

Un travail intense a permis de concrétiser cette ambition, au fil des rapports des trois groupes pluridisciplinaires mis en place au printemps 2019, du millier de contributions issues de la communauté scientifique, des dizaines de déplacements que j’ai effectués sur le terrain, des centaines d’heures de discussions avec les dix-sept instances que j’ai consultées, et à l’issue des trois mois de travaux parlementaires ayant permis l’examen de plusieurs centaines d’amendements.

En séance publique, au Sénat, près de soixante-dix amendements ont été adoptés et ont permis d’enrichir le texte sur le volet des libertés académiques, de l’intégrité scientifique, de la lutte contre les conflits d’intérêts, de la place des sciences humaines et sociales, de l’égalité des chances, du handicap, de l’accompagnement des vacataires, ou encore de la formation aux enjeux du développement durable.

Cela fait près de deux ans et, grâce à l’accord trouvé la semaine dernière par la commission mixte paritaire, ce travail de longue haleine est sur le point d’aboutir. Le projet de programmation de la recherche deviendra bientôt – je l’espère ! – une loi de la République.

Cette issue favorable, nous la devons d’abord et avant tout à la qualité des débats que nous avons conduits, ici, au Sénat, mais aussi à l’Assemblée nationale. L’argumentation, la controverse et, parfois même, la dispute sont l’essence de la science ; je pense que nos échanges constructifs, argumentés et respectueux ont fait honneur à leur objet.

C’est dans cet esprit de concorde et de progrès que s’est réunie, la semaine dernière, la commission mixte paritaire. Le texte qui résulte de ses travaux en porte le sceau : il est certes le fruit du consensus, mais d’un consensus exigeant, qui s’est noué sur fond d’enrichissements réciproques, plutôt que de renoncements. La recherche française méritait cet effort.

La présentation de ce texte au Parlement était l’occasion, pour la représentation nationale, de débattre de la science pour elle-même, de réfléchir à la place qu’elle doit avoir dans notre projet de société, de réaffirmer son rôle dans notre démocratie. Je tiens à vous remercier, très sincèrement, d’avoir saisi cette occasion avec autant d’énergie et de conviction. Vous avez ainsi contribué à faire de l’engagement la marque de fabrique de cette loi.

Cette empreinte, c’est le Gouvernement qui l’a apposée initialement, en décidant de consacrer à la science la troisième programmation du quinquennat. À l’heure du réchauffement climatique, des maladies émergentes et du creusement des inégalités, à l’heure du quantique, de l’intelligence artificielle et de la biologie moléculaire, à l’heure de la relance économique et de la course à l’innovation, à l’heure de la montée des populismes et des fanatismes, le Gouvernement a décidé de réaffirmer le pacte que notre pays a noué avec la science au cours de son histoire, pour relever les grands défis qui se présentent à nous et faire progresser la Nation.

Ce choix est plus qu’un choix de société : c’est un choix politique, philosophique et de civilisation, qui revient à confier les rênes de notre destinée collective à la connaissance, plutôt qu’à l’idéologie ou à la croyance. Ce parti pris n’a rien d’une évidence : il est plus facile de s’en remettre au prêt-à-penser, de balayer la complexité d’un revers de la main, d’éradiquer l’incertitude en construisant sur du sable des semblants de certitudes, que l’on martèlera comme des dogmes pour leur donner la force qui leur manque, plutôt que de chercher à savoir et de s’aventurer dans le labyrinthe de la connaissance, avec tous les tâtonnements, les doutes et les impasses que cela implique.

La science, soyons clairs, ne nous installe pas dans le confort. Mais elle constitue la seule démarche qui nous permette d’être dans le vrai, dans le monde et dans ses possibles.

Ce chemin de la lucidité, de la clairvoyance, des potentiels actualisés et des rêves réalisés, c’est celui que vous avez ouvert à notre pays au travers de ce projet de loi de programmation.

S’engager pour la science, c’était d’abord, et avant tout, s’engager envers ceux qui la font vivre. À l’aube de cette loi, nous avons fait des promesses à la communauté scientifique française : nous lui avons promis de la visibilité, des moyens et du temps. Grâce au travail que nous avons accompli ensemble autour de ce texte, ces attentes, en suspens depuis trop longtemps, seront enfin satisfaites.

En fixant un horizon et des jalons pour l’atteindre, la programmation donne à nos chercheurs une vision claire de l’évolution du budget de la recherche, a minima pour les dix prochaines années. Cette visibilité sur les 25 milliards d’euros progressivement injectés dans l’écosystème scientifique signifie deux choses importantes pour la communauté : l’assurance que les projets qu’elle engage aujourd’hui seront soutenus dans la durée ; la preuve que la page de la dévitalisation de la recherche française est enfin tournée.

Autrement dit, cette visibilité est le socle d’une confiance retrouvée, que les travaux parlementaires ont encore approfondie. Après des années de sous-investissements et de désillusions, nous devions à nos chercheurs une trajectoire à la fois ambitieuse et robuste, que les apports respectifs de l’Assemblée nationale et du Sénat ont conduit à renforcer.

L’articulation de la programmation avec le plan de relance, que vous avez permise, crédibilise la montée en charge des moyens de la recherche sur les premières années, tandis que la clause de revoyure permettra de l’ajuster à la réalité économique de notre pays, au minimum tous les trois ans.

Grâce à cet équilibre, la durée de la programmation sur dix ans, qui fait sens dans le monde de la science, permet une projection tant sur le plan intellectuel que sur le plan institutionnel.

Dix ans, c’est bien l’unité de temps d’un projet de recherche ; mais c’est aussi l’ambition du programme Horizon Europe : en effet, il est aujourd’hui impensable de construire une politique de recherche nationale pertinente en dehors du cadre européen.

Nous nous étions engagés à redonner à nos chercheurs des moyens. Grâce aux conclusions positives de la commission mixte paritaire, cette promesse sera tenue dès 2021, en matière de financements comme en matière de ressources humaines. Le budget de l’ANR amorcera sa montée en puissance à la rentrée prochaine avec une hausse de 428 millions d’euros sur deux ans dans le cadre du plan de relance, pour atteindre 1 milliard d’euros supplémentaires en 2030. Je me réjouis que la commission mixte paritaire ait intégré cet effort dans la trajectoire de la programmation. C’est, je crois, la reconnaissance justifiée de l’engagement de l’État envers la recherche et un gage supplémentaire de transparence offert aux chercheurs.

Derrière cette hausse du budget de l’ANR, il y a bien plus, vous le savez, que la consécration de notre agence nationale. Il y a aussi l’ouverture de ses financements à la diversité des disciplines, des équipes et des démarches, avec un taux de succès de ses appels à projets relevé à 30 %. Il y a une meilleure répartition des moyens, grâce aux 450 millions de crédits supplémentaires qui seront générés par le préciput et qui reviendront, non pas aux lauréats des appels à projets, mais à leurs collègues de laboratoire, d’établissement ou de site.

Bref, derrière cette hausse du budget de l’ANR, il y a tout autre chose que la construction d’un monopole ou l’exaltation de la concurrence, comme certains ont pu le prétendre. La programmation introduit, bien au contraire, de la solidarité dans la compétition, du métissage dans l’excellence, de l’ouverture dans la sélection, et du financement récurrent au cœur même du financement compétitif. L’équilibre entre ces deux canaux est encore renforcé par l’augmentation des crédits de base des laboratoires. Là encore, vos travaux ont été précieux puisqu’il est désormais inscrit dans le texte que les moyens des laboratoires augmenteront de 10 % dès 2021, avant d’atteindre 25 % en 2023.

La recherche ne vit pas que de subventions, elle se nourrit avant tout de curiosité, de ténacité, d’imagination, autrement dit de génie humain ; là aussi, nous avons tenu nos engagements. La programmation nous donne les moyens d’assurer l’avenir de la science française, en attirant à elle les talents les plus prometteurs et les plus diversifiés. Notre ambition était d’envoyer un signal de bienvenue aux jeunes générations : les travaux parlementaires en ont accru la portée. L’augmentation de la rémunération des contrats doctoraux et la systématisation de leur financement, ainsi que la sécurisation des parcours de thèse constituent un axe important de cette loi en faveur du doctorat. Les travaux parlementaires l’ont conforté, en apportant des précisions et des garanties supplémentaires au contrat doctoral et au contrat postdoctoral créés par la loi.

Une large part de la revalorisation des métiers scientifiques s’est par ailleurs jouée dans le protocole sur les rémunérations et les carrières, conclu entre le Gouvernement et les partenaires sociaux le 12 octobre dernier. L’équilibre, la cohérence et l’ambition de cet accord doivent beaucoup au débat parlementaire et au dialogue social, qui ont avancé en parallèle.

La convergence indemnitaire et les mouvements de repyramidage qu’il engage se traduiront concrètement, dès l’an prochain, par de meilleurs salaires et de nouvelles perspectives de promotion pour tous les corps et tous les grades. C’est la première fois qu’un tel effort est fait à l’égard de la communauté scientifique. En consacrant cet accord dans la programmation, vous avez associé l’ensemble de la Nation à cette reconnaissance portée par le Gouvernement – je vous en remercie.

Ce protocole prend acte de l’engagement que j’avais pris l’an dernier à l’égard des jeunes chercheurs. Ces derniers ne seront plus recrutés au-dessous de 2 SMIC et bénéficieront, par ailleurs, d’un accompagnement de 10 000 euros en moyenne pour débuter leurs travaux. Nous le savons, notre capacité à attirer les meilleurs vers la recherche dépend autant du salaire que de l’environnement global que nous sommes en mesure de leur proposer.

C’est pourquoi ce projet de loi a aussi pour ambition d’améliorer les conditions d’exercice de la recherche, de même que la vie des laboratoires. Nous nous étions engagés à redonner à nos chercheurs le temps que les formalités administratives et la course aux personnels techniques leur avaient confisqué au fil des réformes de structures, parce que le temps est, avec le talent, le premier combustible de la recherche.

Cet engagement se traduit : par des simplifications concrètes du quotidien de la recherche, notamment via le regroupement des appels à projets sous un portail unique ou la clarification du fonctionnement des unités mixtes de recherche (UMR) ; par davantage de possibilités offertes aux enseignants-chercheurs de consacrer des périodes définies de leur carrière exclusivement à leurs travaux de recherche ; par la création de 5 200 emplois supplémentaires, y compris des emplois d’ingénieurs et de techniciens, dont le manque se fait cruellement sentir dans les laboratoires.

C’est donc bien un nouveau quotidien que nous sommes en train de construire pour la recherche, avec des moyens inédits, des équipes consolidées et du temps pour travailler.

Mais nous sommes allés plus loin : nous avons aussi donné à la recherche de nouveaux outils pour qu’elle puisse elle-même prendre en main son destin : l’engagement de l’État à l’égard de la communauté scientifique passe aussi par la reconnaissance et l’approfondissement de son autonomie.

La programmation met ainsi à la disposition des établissements d’enseignement supérieur et de recherche trois nouveaux dispositifs, dont ils seront libres de se saisir pour bâtir leur stratégie scientifique. Je pense notamment aux contrats à durée indéterminée (CDI) de mission scientifique, qui permettront de recruter ingénieurs et techniciens pour mener à bien un projet aussi longtemps que celui-ci l’exigera. S’ajoutent à cela les chaires de professeurs juniors, qui permettront d’attirer des profils très disputés à l’international ou dont le parcours est très atypique.

Là encore, les travaux parlementaires ont permis à ces nouveaux dispositifs de trouver leur juste place aux côtés des voies traditionnelles de recrutement. Introduire l’exception signifie, non pas que l’on renonce à la règle, mais bien que l’on ne s’interdit pas d’expérimenter et d’innover. C’est cette même philosophie qui a guidé notre réflexion sur les modalités de recrutement des enseignants-chercheurs.

Ouvrir la possibilité pour les universités d’admettre des candidats à concourir à des fonctions de maître de conférences ou de professeur des universités, sans avoir été au préalable qualifiés par le CNU, ce n’est pas attenter à l’existence de cette instance nationale, dont 80 % de l’activité est ailleurs. C’est plutôt franchir une nouvelle étape dans la marche des établissements vers l’autonomie, c’est faire confiance à nos universités et à l’ensemble de nos universitaires pour prendre leurs responsabilités et constituer leurs équipes avec intelligence, transparence et ouverture.

M. Jean -Pierre Sueur proteste.

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal

C’est aussi donner toute sa valeur au doctorat, qui reste la plus exigeante des qualifications.

Je crois avoir montré, depuis le début du quinquennat, au travers de la loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants, au travers de l’arrêté licence ou bien encore de l’ordonnance sur les regroupements d’établissements, que je conçois la réforme, non pas comme un exercice vertical et dogmatique, mais plutôt comme une entreprise collective fondée sur le dialogue. C’est pourquoi je me félicite de ce que la commission mixte paritaire ait fixé, comme préalable au déploiement de ces nouvelles modalités de recrutement, un temps de discussion avec l’ensemble des parties prenantes, auquel, bien sûr, les parlementaires qui le souhaitent pourront être associés.

Après le temps du dialogue et de l’expérimentation viendra celui de l’évaluation. Cette dernière sera confiée au Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres).

Ce projet de loi a pour ambition ultime de favoriser l’engagement des chercheurs dans notre société. Les travaux parlementaires, particulièrement riches sur le sujet, ont contribué à redonner à la médiation scientifique ses lettres de noblesse et à améliorer sa reconnaissance dans le milieu académique, en soutenant la création de prix portés par de grands organismes tels que le Centre national de recherche scientifique (CNRS) ou l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae).

Ils ont également permis de diversifier les interfaces entre chercheurs et société, en insistant sur la réciprocité des échanges.

Ils ont en outre explicité le cadre dans lequel le dialogue entre science et société peut s’épanouir, au plus grand bénéfice des deux parties. La première limite est posée par l’intégrité scientifique, qui fonde la crédibilité de la parole des chercheurs dans l’espace public. La science ne sert jamais aussi bien les intérêts de la Nation que lorsqu’elle est désintéressée. C’est bien en cherchant à repousser le front des connaissances qu’elle provoque les ruptures conceptuelles à l’origine de technologies, de produits et de services susceptibles de changer radicalement le destin d’une entreprise et la face du monde. C’est en restant fidèle à ses valeurs qu’elle gagne la confiance des citoyens et les sommets de l’innovation.

Les soupçons de fraude et de conflits d’intérêts minent le pacte entre la Nation et la science, bien plus sûrement encore que les fausses informations, les peurs et les croyances. C’est la raison pour laquelle il était si important de renforcer la place de l’intégrité scientifique dans nos textes juridiques et dans la formation des jeunes chercheurs.

L’autre déterminant des relations entre science et société, ce sont les libertés académiques. Elles incarnent, en quelque sorte, la contrepartie positive de l’intégrité scientifique, le droit attaché au devoir. Les chercheurs ont tout autant la liberté que l’obligation de ne pas se soumettre à une autre autorité que celle de la science. Ni la religion, ni le politique, ni la société ne peuvent restreindre le champ de leur recherche et de leur enseignement. Leur seule limite, c’est la raison, le fait scientifique établi, la vérité démontrée.

Dans l’enceinte universitaire, les connaissances circulent à l’air libre, « l’esprit souffle où il veut » comme le rappelait Jean Perrin, et cette respiration est celle-là même de notre démocratie. Il était juste que, en retour, notre République défende mieux ces libertés si nécessaires à la robustesse de la science ; c’est pourquoi le Sénat a souhaité inscrire dans la programmation le délit d’entrave. Ceux qui y voient un outil pour réprimer les manifestations étudiantes commettent, selon moi, un contresens absolu, que je regrette de voir à ce point relayé !

Cette disposition ne vise en aucun cas à museler les voix discordantes, lesquelles sont essentielles à la vie universitaire – je m’emploierai à le rappeler –, mais elle tend bien au contraire à protéger le débat contradictoire et la diversité des expressions contre les tentatives de censure et les dégradations inadmissibles commanditées de l’extérieur, dont nos établissements ont pu être le théâtre ces dernières années.

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, nous avons eu ici même de riches et longs débats, parfois des désaccords, mais souvent des ambitions communes. Nous les avons portées avec sincérité, conviction et respect. Je me félicite d’être de nouveau devant vous ce matin, pour défendre ce texte équilibré et ambitieux. Il réaffirme les fondamentaux de la science et dresse de nouvelles perspectives à sa communauté. Ainsi, au terme des débats parlementaires, cette programmation dépasse largement l’ambition budgétaire qui l’a vue naître. Ce projet de loi porte désormais un projet de société éclairée et inspirée par la connaissance.

Cette vision n’aurait pu éclore sans la contribution de la représentation nationale. Elle ne pourra se concrétiser sans sa vigilance et son soutien : je sais pouvoir compter sur elle.

Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et RDSE, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voilà au terme du processus législatif relatif au projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche.

Depuis plusieurs mois, celui-ci était attendu, espéré, devant solutionner à la fois le risque de décrochage de la recherche française sur la scène internationale, faute d’investissements suffisants, et la précarisation croissante des chercheurs et enseignants-chercheurs. En somme, il devait marquer une double reconnaissance à l’égard, en général, du monde de l’enseignement supérieur et de la recherche, et, plus spécifiquement, des personnels qui fondent son rayonnement.

Malheureusement, au fur et à mesure des débats, ce grand espoir s’est transformé en grande déception ! Certes, le texte issu de la commission mixte paritaire apporte quelques avancées notables, telles que la mensualisation des chargés d’enseignement et des agents vacataires à partir de 2022, ou même, vous l’avez dit, madame la ministre, le renforcement de l’intégrité scientifique.

Toutefois, le résultat final est très en deçà des attentes et de l’ambition affichée, mettant ainsi en question la crédibilité attachée à votre projet et à l’objectif de porter la part de la recherche dans le PIB à 3 %, dont 1 % pour le secteur public.

Pour étayer mon propos, je prendrai appui sur quelques points.

Premièrement, cette crédibilité a d’emblée été effritée par le caractère anormalement long de la programmation, comme l’a rappelé initialement le Conseil d’État dans son avis, faisant ainsi douter de sa sincérité. À cet égard, je regrette vivement que l’apport du Sénat, qui avait raccourci ladite programmation à sept ans et avait concentré l’effort budgétaire sur les premières années pour concrétiser la volonté politique de soutenir la recherche, ait été supprimé en commission mixte paritaire. C’est une erreur !

À vous la communication politique, madame la ministre, aux autres les investissements. Je pense que la politique de la promesse n’est pas un art de gouverner.

Cette crédibilité a été fortement mise à mal, puisque vous avez répondu à côté des préoccupations émanant du terrain. Vous les avez même aggravées, suscitant ainsi tension et incompréhension. Je fais référence au double mouvement de précarisation qui se déploie au travers de ce texte : à la précarisation des doctorants-chercheurs fait écho la précarisation de notre modèle de recherche, résultant de la part excessive que représente la recherche sur appels à projets.

Si nous ne revendiquons nullement la fin de la recherche sur projets, nous estimons, en revanche, qu’il convient de rééquilibrer notre modèle de recherche publique au profit du financement récurrent des laboratoires. C’était une demande forte de la communauté scientifique ; vous ne l’avez pas suivie !

Au cours des travaux préparatoires, le cri d’alarme des chercheurs avait, entre autres, trait à leur niveau de rémunération, mais aussi à leurs conditions de recherche intrinsèquement liées à leurs clauses statutaires et contractuelles. À leur besoin de prévisibilité, de sérénité, de temps long, à leur souhait naturel de se concentrer sur leurs travaux de recherche et non sur des tâches administratives chronophages, vous avez répondu par la création des CDI de mission scientifique et des contrats doctoraux de droit public ou privé.

En d’autres termes, au problème de précarisation croissante des chercheurs et des doctorants et, plus globalement, à celui de la recherche et de l’enseignement supérieur français, vous répondez par l’élaboration de nouveaux contrats, dont certains n’ont ni garanties ni rémunération fixées dans la loi.

Enfin, cette crédibilité est réduite à néant quand surgissent et sont adoptées des mesures sur des sujets sensibles et loin d’être anodins, alors même qu’ils avaient été écartés du projet de loi originel. À cet endroit, je veux bien évidemment évoquer la fin du recours aux procédures de qualification par le Conseil national des universités (CNU) pour la désignation et l’avancement à certains postes.

S’il est toujours possible, parfois souhaitable, de faire évoluer un système, il n’en demeure pas moins qu’une méthode doit être respectée quand sont abordées des questions aussi structurantes pour le monde académique, même lorsqu’il s’agit d’une expérimentation. Il est pour le moins étrange qu’un amendement emportant de telles implications soit adopté en séance publique – c’est le jeu –, mais surtout validé en commission mixte paritaire avec l’aval du Gouvernement.

Par cette disposition, c’est tout simplement la dérégulation du système qui est annoncée.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Cette mesure est arrivée sans étude d’impact, sans concertation préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Et que dire, mes chers collègues, de la formulation si tristement ironique aux termes de laquelle « un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application des dispositions […], après concertation avec l’ensemble des parties prenantes » ? Si je résume : vous décidez, madame la ministre, puis vous concertez sur la décision déjà prise ; c’est un drôle de dialogue !

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Eu égard à l’écart entre les attentes de la communauté universitaire et scientifique et le projet de loi final, il n’est aucunement surprenant de constater l’ampleur de l’émoi et du rejet provoqués par ce texte. Peu d’écoute, peu de dialogue, diraient certains, mais beaucoup de crispations, malheureusement.

C’est une sorte de rendez-vous manqué, …

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

… si bien que ce grand espoir devenu grande déception est désormais une grande inquiétude.

Non seulement votre programmation n’est pas à la hauteur des enjeux de la recherche et de l’enseignement supérieur français, mais, de surcroît, elle aggrave les failles auxquelles elle était censée remédier. Elle n’est pas la loi attendue consacrant réellement et immédiatement des moyens beaucoup plus substantiels aux universités et aux laboratoires. Elle n’est pas la loi attendue endiguant le mouvement de précarisation de la recherche. C’est une loi sans colonne vertébrale, assez bureaucratique – je la qualifierais même de dangereuse –, où la suppression de la qualification par le CNU côtoie la création d’un délit d’entrave, avec tous les problèmes d’interprétation que cela implique, et la création d’une école vétérinaire privée.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Pour toutes ces raisons, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s’opposera, comme en première lecture, à ce projet de loi en votant contre les conclusions de la commission mixte paritaire ; il ira jusqu’au bout de son combat en saisissant le Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

Applaudissements sur des travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire s’est réunie le 9 novembre dernier sur le projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur. Je me réjouis, à l’instar de Mme la rapporteure Laure Darcos, qu’un accord ait été trouvé, même si cela s’est fait au prix de certaines concessions ; mais c’est le principe.

Ainsi, la durée de la loi de programmation, qui constitue le cœur du texte, est repassée à dix ans, comme le Gouvernement le souhaitait. Le Sénat s’était prononcé en faveur d’un ajustement de cette durée à sept ans, afin de redresser plus rapidement la trajectoire de financement de la recherche publique pour parvenir à un effort d’investissement de 1 % du PIB. Nous avions soutenu cette mesure et regrettons donc le retour à la durée initiale.

Le projet de loi a suscité de vives réactions parmi le monde universitaire ; on le constate de nouveau ce matin. Les critiques portent essentiellement sur les dispositions qui remettent en question le mode actuel de recrutement des chercheurs. Je pense notamment à la création des chaires de professeurs juniors.

Le Sénat avait adopté des garanties visant à renforcer la légitimité des recrutements des jeunes chercheurs par cette nouvelle voie, en votant une disposition selon laquelle un quart des membres de la commission de titularisation serait issu du CNU. Nous regrettons la suppression de cette disposition en commission mixte paritaire.

Autre sujet de discorde, l’amendement adopté par le Sénat permettant aux universités de recruter directement des enseignants-chercheurs sans passer par le filtre du CNU est la cible de nombreuses contestations. Cette expérimentation figurait parmi les propositions de campagne du Président de la République et s’inscrit dans une volonté d’accorder aux universités davantage d’autonomie. Le Sénat avait d’ailleurs déjà adopté cette mesure en 2013 sur l’initiative des écologistes.

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

Le principal argument invoqué par les détracteurs de cette disposition était que celle-ci était le seul rempart contre le localisme, cette pratique qui consiste pour une université à privilégier le recrutement de doctorants issus de cette même université. Je comprends cette crainte, mais je crois utile de donner davantage d’autonomie aux universités.

Le dispositif adopté au Sénat propose une concertation préalable avec les syndicats, les conférences d’établissement et le CNU, afin de fixer collectivement les critères d’évaluation et les modalités de sélection en vue de limiter les dérives. Nous invitons le Gouvernement à veiller au renforcement du contrôle des procédures de recrutement local par le CNU, en concertation avec les acteurs concernés.

Certes, le projet de loi de programmation n’est pas parfait, néanmoins il apporte des avancées importantes, notamment en matière de partenariats public-privé, qui bénéficieront du nouvel élan de la recherche publique. Le texte permettra de faciliter la mobilité des chercheurs vers le secteur privé afin de favoriser l’innovation et l’accès aux compétences.

Je suis également favorable à la labellisation de quinze nouveaux pôles universitaires d’innovation, dont le développement contribuera à faciliter les échanges entre les sphères économique et académique.

Ce projet de loi de programmation n’aura pas réponse à tout, nous en convenons. Nous comprenons aussi qu’il puisse paraître décevant, dans la mesure où les moyens annoncés seront ventilés sur un trop grand nombre d’années. Cependant, près de quinze années sont passées depuis l’adoption de la dernière loi de programmation ; nous ne pouvons plus attendre. Nous faisons donc aujourd’hui un pas dans la bonne direction.

C’est la raison pour laquelle le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera ce texte.

Applaudissements sur des travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique de Marco

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, que de déceptions ! Le texte de la commission mixte paritaire conserve très peu d’avancées votées par le Sénat. En revanche, il intègre, voire renforce, ses aspects les plus rétrogrades.

Le choix du Sénat de resserrer la programmation sur sept ans a été supprimé. La programmation se dit ambitieuse, mais à peine 6 % de l’effort budgétaire concerne les deux premières années. Une part importante passe par l’Agence nationale de la recherche.

Pourtant, nous avons souligné dans nos débats l’effet délétère d’un financement qui repose de plus en plus sur les appels à projets. Ceux-ci ne permettent pas de financer le recrutement de titulaires ni de sécuriser le budget des établissements. Ils génèrent des inégalités entre petites et grandes structures, ainsi que des lourdeurs bureaucratiques. Les appels à projets ne devraient pas être l’alpha et l’oméga du financement de la recherche. Les chercheurs n’ont pas cessé de nous alerter sur ce point, mais n’ont manifestement pas été entendus.

En revanche, la commission mixte paritaire a conservé un amendement permettant un nouveau contournement du Conseil national des universités. Nous ne pouvons que regretter qu’une telle mesure ait été introduite à la dernière minute, alors qu’elle aurait nécessité un débat et une concertation approfondis.

Nous regrettons également que les quelques avancées que nous avons votées pour mettre fin à l’utilisation d’animaux dans l’enseignement…

Debut de section - PermalienPhoto de Monique de Marco

… et promouvoir les méthodes alternatives aient aussi été supprimées. En revanche ont été introduits des financements pour les écoles vétérinaires privées.

Ce ne sont que quelques exemples des choix problématiques opérés par la commission mixte paritaire, mais je n’ai pas encore mentionné le plus inquiétant !

Là encore, à la dernière minute, une nouvelle disposition a été adoptée, que l’on peut qualifier de scélérate. Ce projet de loi prévoit de punir, de manière totalement disproportionnée, tout trouble à l’ordre public ou atteinte à la tranquillité dans les établissements d’enseignement supérieur. En d’autres termes, c’est une interdiction de manifester dans les universités.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique de Marco

Mais si !

D’une part, cette disposition n’a pas de lien, même indirect, avec le sujet de cette loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique de Marco

D’autre part, c’est une mesure répressive qui vise à faire taire toute protestation dans le monde étudiant. Cette mesure, à elle seule, devrait suffire pour motiver le rejet de ce texte.

Nous avons devant nous un texte qui prétend défendre les libertés académiques, mais qui ne les mentionne qu’une seule fois et qui, dans le même temps, poursuit la criminalisation des mouvements sociaux.

M. Stéphane Piednoir s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique de Marco

Nous avons un texte qui prétend rattraper le sous-investissement chronique dans la recherche, mais qui sera largement insuffisant pour atteindre l’objectif des 3 % du PIB et enrayer la pénurie de postes titulaires.

Nous avons donc devant nous un texte qui suscite une opposition massive depuis des mois et qui est en totale déconnexion avec les attentes et les besoins de la recherche française.

Nous sommes en désaccord profond avec ce texte et sa philosophie, ainsi qu’avec les choix opérés par la commission mixte paritaire.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Bargeton

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’un de nos glorieux prédécesseurs, Georges Clemenceau, disait que ce n’était pas en mettant cent personnes dans une assemblée que l’on obtiendrait les découvertes d’Archimède, de Newton ou de Pasteur. En effet, ce n’est pas notre rôle. Notre rôle consiste à définir les objectifs de ce qu’est la recherche en France, son organisation et son fonctionnement, c’est-à-dire, au fond, le pacte social entre la recherche et les Français tel que nous l’imaginons et la façon dont il doit s’exercer ou être mis en avant. Voilà le sujet et c’est ce que nous avons fait.

Oui, en filigrane, plusieurs conceptions de la recherche se sont, non pas affrontées, parce que nos travaux se sont déroulés dans un débat serein, mais opposées. Nos débats, riches, ont montré que nous pouvions avoir une vision différente, notamment sur les carrières, la relation avec le privé, la liberté académique. Nous sommes toutefois parvenus à un compromis, ce qui est, je crois, positif, sur l’intégrité scientifique et les libertés académiques, les chaires de professeurs juniors. Sur ce dernier point, nous avons opté pour un plafond de 15 % ou de 20 % en fonction des établissements.

Certes, certains sujets restent pendants et il faudra être vigilant sur la qualification par le CNU, qui suscite des réactions vives. Je rappelle tout de même qu’il s’agit d’une expérimentation : elle sera évaluée et une discussion précédera toute généralisation. Je crois donc que les garanties sont apportées.

Il en est de même de la programmation budgétaire. Certains ont proposé sept ans, mais nous avons conservé la durée de dix ans. Toutefois, le Sénat a consolidé la partie relevant du plan de relance, avec 6, 5 milliards d’euros consacrés à l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation. Nous nous sommes mis d’accord globalement. Je relève que tout ce qui concerne les carrières a suscité moins de débats : dès l’année prochaine, plus aucun maître de conférences ni chargé de recherche ne sera recruté au-dessous de 2 fois le SMIC. §C’est une avancée considérable et, là aussi, les postes sont prévus et consolidés.

Bref, nous avons fait notre travail de parlementaires.

On ne peut pas, quand le Gouvernement impose ses vues, affirmer qu’il est trop vertical, trop autoritaire, qu’il devrait davantage écouter le Parlement et, lorsqu’il l’écoute – ce qui a été fait – et soutient un certain nombre d’avancées, le lui reprocher, en affirmant qu’il aurait dû s’opposer à certaines des propositions du Sénat. Un compromis, ce n’est pas cela ; le compromis, c’est ce que nous avons obtenu.

Je pense que ce projet de loi est important, stratégique, extrêmement structuré. Bien sûr qu’il donne lieu à un certain nombre de débats, de critiques et de remarques, je le vois bien, mais il acte, non pas un accord absolu ou une unanimité, mais un compromis entre le Parlement et le Gouvernement, ce dont je me réjouis.

Pour toutes ces raisons, le groupe RDPI votera ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Fialaire

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je remercie Mme la rapporteure de nous avoir permis d’avoir un débat à la hauteur des enjeux que revêt la recherche pour notre société. Le groupe RDSE a soutenu en première lecture le projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030. Ce texte a pour but d’éviter le décrochage de la recherche française et d’améliorer l’attractivité du secteur, en particulier des carrières universitaires.

Par définition, un compromis n’est jamais entièrement satisfaisant et j’entends qu’il peut rester certains points de désaccord. Ceux-ci ne doivent pas faire oublier l’essentiel, à savoir redonner des moyens, du temps et de la visibilité à la recherche publique française.

Je salue une nouvelle fois la trajectoire budgétaire prévue, avec en moyenne 500 millions d’euros supplémentaires chaque année pendant dix ans en faveur de la recherche publique. À ces crédits nouveaux s’ajoute l’effort substantiel du plan de relance, qui consacrera dès l’année prochaine près de 6, 5 milliards d’euros à l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation.

Cette programmation met donc fin à une période de sous-investissement chronique, qui a vu notre pays décrocher par rapport aux autres pays de l’OCDE. Pour autant, je ne peux qu’émettre une déception sur le texte issu de la commission mixte paritaire concernant la durée et le niveau de la programmation, même si, pour parvenir à un accord, nous n’avions d’autre choix que d’accepter la durée de dix ans.

Néanmoins, le Gouvernement a entendu la position du Sénat et accepté de revoir sa copie en présentant une nouvelle trajectoire des autorisations d’engagement de l’ANR, plus ambitieuse sur les deux premiers exercices. Le taux de succès des appels à projets de l’ANR atteindra ainsi 30 %, contre 16 % actuellement.

De même, l’augmentation du préciput, fixé à 40 %, constitue un effort important pour renforcer l’abondement financier des établissements, afin de soutenir les laboratoires et unités de recherche.

Dans un contexte de baisse du nombre de doctorants, ces nouveaux moyens serviront également l’objectif prioritaire d’améliorer l’attractivité des métiers et de sécuriser les carrières : 92 millions d’euros seront ainsi consacrés dès cette année à la réévaluation des rémunérations.

De plus, une nouvelle voie de recrutement s’ouvre avec les chaires de professeurs juniors. Les ultimes débats ont abouti à la fixation d’un plafond de 15 % de professeurs juniors recrutés par année dans les universités ; il pourra atteindre 20 % dans les organismes de recherche. Ce compromis constitue un équilibre raisonnable, d’autant que ce nouveau mode de recrutement, très attendu dans certains domaines de recherche, doit demeurer une voie secondaire.

Je tiens à saluer les différentes mesures du texte qui renforcent l’intégrité scientifique et préservent les libertés académiques. Si la science a besoin d’un débat permanent pour avancer, celui-ci doit toujours se déployer dans le respect de certaines règles qui garantissent, l’impartialité, l’honnêteté et la rigueur des recherches.

J’en viens aux deux dispositions qui ont provoqué ces derniers jours un certain émoi au sein de la communauté universitaire scientifique et un encombrement important de nos réseaux sociaux.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Fialaire

L’article 3 bis ne prévoit rien d’autre que la possibilité, à titre expérimental et pour une durée de cinq ans, de déroger à la qualification par le CNU pour le recrutement des professeurs des universités. De solides garde-fous ont été mis en place par le Sénat : les établissements doivent par exemple obtenir l’accord de leur conseil d’administration pour y déroger. Avant une éventuelle généralisation, cette expérimentation sera soumise à une évaluation spécifique du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur et devra faire l’objet d’un examen par le Parlement.

À l’inverse, j’appelle à une grande vigilance concernant l’article 20 bis AA, qui instaure un délit d’entrave à la tenue de débats organisés au sein des établissements d’enseignement supérieur.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Fialaire

Cette disposition est insérée dans le code de l’éducation et fait référence au code pénal pour le régime des sanctions applicables.

Notre objectif n’est certainement pas de limiter la liberté d’expression ni celle de manifestation au sein des universités, qui sont des lieux d’échanges par excellence. Madame la ministre, pourriez-vous nous rassurer sur ce point et nous confirmer qu’il s’agit seulement d’empêcher toute intrusion extérieure ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Fialaire

M. Bernard Fialaire. J’aurais fini plus tôt si j’avais un peu de Beaujolais nouveau ! Je suis un élu du Beaujolais, je ne bois pas que de l’eau !

Exclamations amusées.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. Cela ne vous donnera pas droit à 20 % de temps de parole supplémentaire !

Rires.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Fialaire

M. Bernard Fialaire. En conclusion, dans le respect de la liberté de vote du groupe RDSE, la majorité d’entre nous votera ce texte dans la rédaction résultant des travaux de la commission mixte paritaire, qui porte le beau projet de replacer la science au cœur de notre société.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la présidente de la commission des lois de l’Assemblée nationale a regretté le fonctionnement du Conseil constitutionnel et a souhaité que sa saisine par des parlementaires puisse être l’occasion d’un débat contradictoire.

Comme les trois groupes placés à la gauche de cette tribune saisiront les Sages sur ce projet de loi et afin de satisfaire la demande de notre collègue députée, je me permets de vous donner la possibilité, madame la ministre, de défendre, par contumace

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Nous doutons de la sincérité de cette programmation budgétaire, qui reporte aux deux dernières années de la décennie l’essentiel de son effort. Pis, comment accepter que le Parlement se prononce, dans le même temps, sur un projet de loi de programmation dont le budget pour l’année 2021 constitue la première étape et sur le projet de loi de finances pour cette même année ? Ainsi, nous débattons ce jour du projet de loi de programmation alors que l’Assemblée nationale a déjà adopté le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche pour l’année 2021.

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal

Mais pas le Sénat !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

À l’occasion de sa discussion par l’Assemblée nationale, notre collègue Cédric Villani, rapporteur pour avis du budget des grands organismes de recherche, s’étonnait de la stagnation des moyens budgétaires des grands opérateurs de recherche, en contradiction manifeste avec les engagements contenus dans le projet de loi de programmation.

Enfin, la commission mixte paritaire a adopté, à l’article 20 bis AA, une disposition sur le délit d’entrave, qui n’a été discutée dans aucune des deux chambres et pour laquelle je n’ai pu exercer mon droit constitutionnel d’amendement.

Par ailleurs, sur la méthode, je regrette vivement que certaines dispositions de ce texte n’aient fait l’objet d’aucune discussion pendant les deux années de sa préparation. Ainsi, sur la réforme du Conseil national des universités, qui participe avec les chaires de professeurs juniors à l’instauration d’un accès à ce corps laissé à la discrétion des présidents d’université, vous avez préféré la tribune d’un journal du soir à celle du Sénat pour nous informer que vous assumiez la fin du monopole de la qualification par le CNU. Il eût été alors de bonne politique que vous défendissiez vous-même, dans cet hémicycle, cette remise en question majeure d’une mission confiée au CNU par l’ordonnance du 2 novembre 1945 et constitutive d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République.

Je partage l’extrême préoccupation de la communauté de l’enseignement supérieur et de la recherche, notamment des juristes auxquels vous ne pouvez reprocher de ne pas comprendre la loi. Elle a le sentiment d’avoir été obligée de signer un pacte faustien : en échange d’une hausse budgétaire illusoire, il lui est demandé d’accepter une triple soumission, liberticide, utilitariste et entrepreneuriale.

(Sourires.) Dans la solitude du forum, des sénateurs s’écrièrent : « Qu’attendez-vous encore, sénateurs ? Si les [magistrats] ne mettent pas une borne à leur obstination, souffrirez-vous que tout périsse dans une conflagration générale ? […] Est-ce pour les toits et les murailles que vous ferez des lois ? »

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

En 449 avant notre ère, protestant contre le despotisme des magistrats, la plèbe romaine se retira sur le mont Sacré et refusa de participer aux affaires de la cité. §

L’enseignement supérieur et la recherche ne peuvent s’administrer sans la participation volontaire de tous ses acteurs. Une loi ne pourra leur imposer de collaborer au démantèlement de la gestion collégiale, qui garantit leurs libertés universitaires.

Chers collègues sénatrices et sénateurs, alors que la plèbe universitaire vous appelle à la raison, entendez-la et ne faites pas une loi « pour les toits et les murailles ». Refusez de voter ce texte !

Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.

Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Hingray

« Sur mes cahiers d’écolier

« Sur mon pupitre et les arbres

« Sur le sable sur la neige

« J’écris ton nom

« Sur toutes les pages lues

« Sur toutes les pages blanches

« Pierre sang papier ou cendre

« J’écris ton nom »

Liberté, j’écris ton nom. Nous écrivons ton nom.

Non, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je n’ai pas choisi le poème de Paul Éluard pour faire référence à sa période dadaïste ou surréaliste. Je l’ai choisi pour parler du texte qui nous concerne aujourd’hui, même si celui-ci remet en cause certaines conventions et contraintes idéologiques ou politiques et peut donc tout à fait faire référence au dadaïsme, tout comme la manifestation de mardi devant l’Assemblée nationale, en plein confinement, pourrait relever du surréalisme, alors que nos petits commerces sont en train de mourir.

Murmures sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Hingray

Revenons à la liberté, celle de pouvoir s’exprimer librement, d’intervenir dans un amphithéâtre sans avoir à subir le diktat de la pensée unique de certains groupuscules minoritaires. Il s’agit bien là de défendre la liberté d’expression, donc de condamner à un an d’emprisonnement et à 7 500 euros d’amende toute personne qui entrave la prise de parole au sein des universités et d’empêcher la paralysie des établissements d’enseignement supérieur par des agitateurs idéologiques. Il s’agit d’une avancée majeure pour notre liberté, prônée par le président de la commission de la culture, Laurent Lafon, et le groupe centriste, et inscrite définitivement dans le marbre.

Par le biais des libertés académiques, nous mettons enfin le doigt sur la nécessaire réforme de l’université, tout comme l’autonomie des universités et de la gestion des ressources humaines.

En première lecture, nous nous sommes réjouis de l’adoption de notre amendement renforçant l’autonomie des universités en leur donnant plus de moyens – en dehors des domaines de la santé et des agrégations du supérieur – pour développer une véritable politique de ressources humaines, plus particulièrement le recrutement des enseignants-chercheurs en les déliant des décisions du Conseil national des universités.

Cet amendement avait été sous-amendé par notre collègue Stéphane Piednoir pour transformer en simple expérimentation la dérogation à la qualification du CNU pour les maîtres de conférences.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Hingray

Pourtant, ce dispositif a suscité beaucoup d’émoi dans le monde universitaire, poussant même certains mandarins de l’université à m’attaquer personnellement. Preuve en est que, quand on ne peut pas attaquer un message, on s’attaque à son messager – merci ! – et j’ajouterais même : tout comme il est difficile pour un avocat de défendre l’indéfendable ou pour un ministre de s’attaquer à des avantages corporatistes. C’est dans un esprit de dialogue et dans l’intérêt des universités et de leurs enseignants que nous sommes disposés à moduler notre position, comme certains collègues de la commission mixte paritaire l’ont fait en proposant une concertation préalable avec les syndicats, les conférences d’établissements et, naturellement, le CNU pour sa mise en œuvre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Invoquer Paul Éluard pour remettre en cause l’université est tout de même gonflé !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Hingray

Je croyais que cela allait vous plaire, mon cher collègue, vous qui êtes communiste !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Hingray

Certains affirment que cette réforme favoriserait un népotisme local. Pour l’éviter, il est prévu que les recrutements locaux des maîtres de conférences soient limités. Comment le seront-ils ? Nous serons vigilants à ce que le compromis qui sortira de la concertation ne vide pas la réforme de son contenu.

Le poète Paul Éluard §n’était pas seulement dadaïste et surréaliste, il était aussi un chantre de la Résistance ; mais de la résistance qui veut changer le cours des choses et non de celle qui s’oppose au changement et entend conserver les choses en l’état.

Le dialogue parlementaire a porté ses fruits.

Nous nous réjouissons que d’autres de nos amendements aient été pris en compte, plus particulièrement : celui qui valorise et encadre la participation des établissements privés en contrat avec l’État à l’effort national de la recherche ; celui qui permet le regroupement sur un portail unique des appels à projets du domaine de la santé ; celui qui crée une présentation complète et sincère de l’ensemble des dépenses publiques pour évaluer l’effort de la recherche, à savoir les dépenses du ministère, celles du plan de relance, des collectivités territoriales et de l’Union européenne.

C’est pour toutes ces raisons, vous l’aurez compris, madame la ministre, mes chers collègues, que le groupe Union Centriste votera les conclusions de la commission mixte paritaire.

Je terminerai par une note d’espoir, en citant les derniers vers du poème cité en préambule, pour votre plus grand plaisir…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Hingray

« Sur la santé revenue

« Sur le risque disparu

« Sur l’espoir sans souvenir

« J’écris ton nom

« Et par le pouvoir d’un mot

« Je recommence ma vie

« Je suis né pour te connaître

« Pour te nommer

« Liberté. »

Applaudissements sur les travées des groupes UC e t INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 1er février 2019, Édouard Philippe, alors Premier ministre, annonçait la constitution de groupes de travail chargés d’émettre plusieurs rapports sur une loi de programmation de la recherche. Nous sommes vingt et un mois plus tard, le temps moyen de gestation d’un éléphant, et d’aucuns disent que tout cela a accouché d’une souris.

Je ne partage pas cet avis, à l’heure d’examiner les conclusions de la commission mixte paritaire et, donc, de conclure les longs travaux parlementaires sur ce projet de loi ; mais je dois vous faire part d’un sentiment mitigé.

Comme quasiment tous mes collègues, je regrette que la trajectoire budgétaire retenue n’ait pas été celle du Sénat, avec un horizon de sept ans, plus sérieux et correspondant à la durée communément admise et appliquée pour une loi de programmation. Il y a visiblement des verrous qui ne peuvent sauter, malgré toute la pugnacité de notre rapporteure Laure Darcos, dont je salue le travail pour enrichir et améliorer le texte, bien assistée par nos remarquables administrateurs.

Parmi les sujets qui fâchent et bien relayés par les innombrables mails que nous avons tous reçus, je veux évoquer l’article 3 bis et, donc, l’évolution de la mission de qualification du CNU.

À la suite de l’amendement de notre collègue Jean Hingray, j’ai souhaité apporter un certain nombre de garde-fous.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

Pendant les cinq prochaines années, il appartiendra à chaque université de décider, en saisissant son conseil d’administration, de se saisir ou pas d’un outil d’expérimentation, sur un champ de disciplines totalement circonscrit, selon des modalités qui restent à définir, après un travail de concertation que le ministère a promis d’engager rapidement.

À l’issue de cette expérimentation, en tenant compte du rapport qui sera produit par le Hcéres, le Parlement devra se prononcer, en responsabilité, pour décider si cette nouvelle procédure de recrutement doit être pérennisée.

M. Jean-Pierre Sueur s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

Je comprends l’émoi d’une partie de la communauté universitaire, mais force est de constater qu’il ne s’agit nullement d’une brutale mise à mort du CNU, dont l’évolution doit aussi tenir compte de certaines critiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

Pour finir sur ce point, mes chers collègues, je vais vous faire une confidence : j’aime la géométrie, sauf quand elle est variable. Aussi, je nous invite à être collectivement respectueux de l’initiative parlementaire, quelle qu’elle soit, à toute heure de la journée et tous les jours de la semaine, y compris lorsque nous en désapprouvons l’issue.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

Par ailleurs, je me réjouis que cette CMP conclusive permette de maintenir plusieurs dispositions importantes votées par le Sénat. Je veux citer, pêle-mêle : la valorisation du doctorat inscrite dans les conditions pour devenir chef d’un établissement de recherche ; les précisions sur les objectifs de la répartition du nouveau préciput ; la suppression de l’article 24, qui créait des comités territoriaux de recherche en santé dont la légitimité ne faisait pas consensus, c’est le moins qu’on puisse dire, entre les différents acteurs ; la prise en compte de l’intégrité scientifique ; enfin, l’instauration d’un délit d’entrave à la tenue de débats organisés au sein des universités, sur l’initiative de notre président de commission Laurent Lafon.

Je souhaite conclure mon propos en évoquant la question de l’enseignement supérieur privé. Alors que le projet de loi initial, conforté par le vote à l’Assemblée nationale, prévoyait la réforme de l’enseignement supérieur privé par voie d’ordonnance, j’ai souhaité supprimer cette disposition par un amendement adopté au Sénat et conservé en CMP. Il me paraît effectivement essentiel qu’un débat parlementaire approfondi puisse enfin avoir lieu sur ce sujet, et je pense même qu’il pourrait s’agir du bon moment pour prendre en compte la diversité des cursus, qui permet à notre jeunesse de trouver sa voie.

Je profite donc de cette discussion générale et de la présence de Mme la ministre pour insister de nouveau sur ce point. Nous serons vigilants afin de nous assurer que cette méthode de réforme par ordonnance ne fasse pas son apparition dans un futur texte de loi, notamment le projet de loi « confortant les principes républicains », nouveau nom du projet de loi de lutte « contre les séparatismes », lui-même le nouveau nom du projet de loi « laïcité ». Nous le savons, ce texte comportera des dispositions qui touchent à l’enseignement scolaire et à l’enseignement supérieur. À mon sens, il ne serait pas opportun de réintroduire une telle mesure dans un texte si complexe.

Debut de section - PermalienPhoto de Max Brisson

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les sénatrices et les sénateurs Les Républicains l’ont dit régulièrement et le répètent malheureusement à la fin du processus législatif, ce projet de loi est un rendez-vous manqué : un rendez-vous manqué pour donner à la recherche en France les moyens qui lui permettraient de revenir à la hauteur des puissances en pointe dans ces domaines ; un rendez-vous manqué pour répondre aux attentes de la communauté scientifique, exaspérée par des années de désengagement de l’État.

Cette loi de programmation ne bouleversera pas le paysage de la recherche en France. Elle n’aura pas davantage rassemblé la communauté scientifique autour d’une ambition partagée, et c’est le moins que l’on puisse dire. Pour autant, je peux concéder qu’elle permet certaines avancées auxquelles le Sénat a contribué en améliorant le texte par une démarche pragmatique, certes au prix de compromis, mais en maintenant nos priorités en CMP. À cet égard, je veux saluer le travail de notre rapporteure Laure Darcos.

Tout d’abord, sur la révision de la trajectoire budgétaire, je regrette que le Sénat n’ait pas été suivi en CMP pour réduire la durée de la trajectoire à sept ans au lieu de dix. En effet, une trajectoire aussi longue, inhabituelle en matière budgétaire, renvoie sur d’autres l’essentiel de l’effort et l’étale dans le temps, au point qu’avec l’inflation les 25 milliards d’euros annoncés sur dix ans n’en seront finalement que 7 milliards en euros constants.

Il est vrai que le choix d’une programmation sur dix ans vous autorise des marges budgétaires annuelles relativement faibles, et c’est là le problème. Elles sont si faibles qu’elles ne provoqueront pas le sursaut dont la recherche française a besoin. Le choc d’investissement n’aura pas lieu.

Néanmoins, le Sénat a obtenu une augmentation des premières marches budgétaires. Nous serons vigilants quant à leur mise en œuvre. Nous en débattrons lors de l’examen des crédits de la mission ; nous aurons des propositions à vous faire et nous serons attentifs au sort que vous leur réserverez.

Outre la question du financement, le Sénat a permis des avancées concernant l’emploi des enseignants-chercheurs. Oui, nous pensons utile d’offrir un cadre souple et réactif aux jeunes talents tentés par les propositions étrangères, mais nous avons bien compris les craintes d’une rivalité entre les chaires de professeurs juniors et la procédure traditionnelle d’accès au corps des enseignants. Nous avons donc limité la proportion des chaires créées en fixant un plafond à 15 % pour les enseignants et à 20 % pour les directeurs de recherche.

Enfin, ce projet de loi a permis de réaffirmer certains principes fondateurs de notre université. Sur les libertés académiques, des rédactions multiples ayant suscité l’émotion, la CMP a finalement adopté une rédaction retenant ce que nous voulions acter : les libertés académiques sont le gage de l’excellence de l’enseignement supérieur et de la recherche français. Après le vote du Sénat, l’émotion fut certainement surjouée, mais l’essentiel est que le texte fasse aujourd’hui consensus et que soit réaffirmé le caractère inaliénable de l’indépendance intellectuelle des enseignants-chercheurs.

Je salue également, cher Laurent Lafon, l’instauration d’un délit d’entrave à la tenue de débats organisés au sein des universités, où la liberté et l’indépendance intellectuelle doivent être protégées. Cet apport ne constitue en rien une remise en cause des franchises universitaires. Bien au contraire, si les franchises universitaires ont pour but de permettre à chacun de trouver à l’université le lieu de l’expression libre et de la confrontation des idées, alors l’amendement voté par le Sénat, loin de les entraver, les protège.

Debut de section - PermalienPhoto de Max Brisson

Dans une période où la parole scientifique est de plus en plus contestée, la CMP a aussi justement maintenu les apports du Sénat sur la promotion de l’intégrité scientifique.

Pour conclure, je voudrais indiquer que notre groupe fera preuve de la plus grande vigilance, en particulier sur l’évolution des financements, et ce dès le vote du projet de loi de finances pour 2021 et l’examen de la mission « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que sur les annonces de création de 5 000 emplois et la question de la revalorisation des carrières. Nous ne pouvons nous résigner à ce que la France demeure un pays où la rémunération des scientifiques en début de carrière représente 63 % du salaire moyen des pays de l’OCDE.

Malgré les incertitudes qui demeurent sur la portée durable des financements, nous voterons ce texte parce qu’il a été enrichi par les apports du Sénat, mais nous serons extrêmement vigilants quant à son application.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat, lorsqu’il examine après l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

TITRE Ier

ORIENTATIONS STRATÉGIQUES DE LA RECHERCHE ET PROGRAMMATION BUDGÉTAIRE

(Supprimés)

Est approuvé le rapport annexé à la présente loi, qui fixe les orientations relatives à la politique de recherche et les moyens qui lui sont consacrés au cours de la période 2021-2030, avec l’objectif de porter les dépenses intérieures de recherche et développement des administrations et des entreprises à au moins 3 % du produit intérieur brut annuel et les dépenses intérieures de recherche et développement des administrations à au moins 1 % du produit intérieur brut annuel au cours de la décennie suivante, et avec l’objectif d’accroître le rayonnement et de renforcer l’engagement de la France dans l’Europe de la recherche. Ce rapport précise les objectifs de l’État pour revaloriser les métiers et les carrières de la recherche et de l’enseignement supérieur et les traduit en besoins financiers et ressources budgétaires jusqu’en 2030.

Le montant des dépenses intérieures de recherche et développement des administrations inclut l’ensemble des dépenses afférentes aux travaux de recherche et développement exécutés sur le territoire national par les laboratoires publics, que ces travaux soient financés sur les crédits budgétaires de l’État, notamment ceux retracés à l’article 2 ou ceux du plan de relance, les crédits des programmes d’investissement d’avenir, les crédits attribués par les collectivités territoriales et par l’Union européenne, ou sur toutes autres ressources reçues par les laboratoires publics dans le cadre de leurs relations avec des acteurs publics ou privés. L’évaluation de ce montant et le contour du périmètre des laboratoires publics concernés sont fondés sur des concepts et définitions harmonisés comme le prévoit le règlement d’exécution n° 995/2012 de la Commission européenne du 26 octobre 2012 établissant les modalités de mise en œuvre de la décision n° 1608/2003/CE du Parlement européen et du Conseil relative à la production et au développement de statistiques communautaires de la science et de la technologie.

Lancée le 1er février 2019 par le Premier ministre avec l’ambition de donner à la recherche « du temps, de la visibilité et des moyens », l’élaboration de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) a étroitement associé les acteurs de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (ESRI).

Constitués à l’initiative du Premier ministre et de la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, trois groupes de travail se sont ainsi consacrés au financement de la recherche, à l’attractivité des emplois et des carrières scientifiques et enfin à la recherche partenariale et à l’innovation. Ces groupes ont conduit en 2019 une large concertation faite d’auditions et de contributions écrites, appuyée sur une plateforme en ligne permettant aux acteurs de la recherche d’apporter leur point de vue. Plus de 900 contributions ont ainsi été recueillies et analysées en vue de préparer le projet de loi de programmation pluriannuelle.

Ces travaux ont conduit à établir un diagnostic sans appel : celui d’un besoin critique de cadrage stratégique pluriannuel de la recherche française et de réinvestissement massif dans celle-ci, notamment via une participation accrue aux programmes et outils européens qui y sont dédiés. Cela afin de donner à notre pays la vision et les moyens non seulement de tenir son rang parmi les grandes puissances de la recherche, mais aussi d’affronter les défis sociétaux, scientifiques et technologiques de demain, pour positionner la France parmi les nations les plus puissantes à horizon de dix ans, particulièrement dans un contexte marqué par la pandémie mondiale de la covid-19.

Fort de ce constat, le Président de la République a fixé un cap, qui porterait enfin l’effort de recherche de la Nation à 3 % de notre produit intérieur brut, ce qui nécessite en premier lieu un réinvestissement de l’État en faveur de la recherche publique.

Cet investissement permettra d’engager un choc d’attractivité des carrières scientifiques, fondé sur une revalorisation de l’ensemble des métiers de la recherche qui sera particulièrement attentive aux jeunes scientifiques dont le rôle est essentiel pour porter le nouvel essor de la recherche publique française et son rayonnement dans l’ensemble de la société. Il s’accompagnera d’une consolidation des outils actuels de financement et d’organisation de la recherche, d’un renforcement des dispositifs de diffusion des travaux des chercheurs, tant dans l’économie que dans la société dans son ensemble, et du lancement d’une dynamique forte de simplification touchant les établissements, les laboratoires et les personnels de la recherche.

I. – Une ambition : réinvestir dans la connaissance

Venue à la modernité dans le creuset de l’humanisme et des Lumières, la France a fait du développement et du partage des connaissances un élément central de son identité. La réflexion philosophique et scientifique a nourri une vision singulière de la citoyenneté, qui a participé au rayonnement de notre pays. La France a ainsi incarné, depuis la Révolution française, l’idée d’une émancipation aussi bien politique qu’intellectuelle fondée en raison. Culturellement et scientifiquement, elle a assumé un rôle prééminent.

Ce rayonnement est aujourd’hui remis en cause par la situation objective de notre système public de recherche et d’innovation. Cet affaiblissement de notre capacité collective à répondre aux défis scientifiques contemporains prend place dans un contexte où la science est plus que jamais interpellée pour rendre notre monde intelligible. À tous les niveaux, local, régional, national, européen, global, il nous faut trouver des réponses spécifiques. Nous devons, dans une accélération croissante, apporter des solutions de long terme à des défis inédits dans l’histoire de l’humanité.

La crise sanitaire déclenchée par l’épidémie de covid-19 nous a fait toucher du doigt cette urgence et cette nécessité de ne jamais rompre le fil de la recherche, d’entretenir en continu la production de connaissance afin de nous donner les moyens de répondre rapidement aux enjeux majeurs de nos sociétés tant en matière sanitaire que climatique, alimentaire, énergétique ou numérique.

Ce besoin de science, ressenti avec tant d’acuité partout dans le monde à l’occasion de cette pandémie, est tout aussi impérieux pour faire face aux autres maladies, communes ou rares, émergentes ou réémergentes, pour répondre aux enjeux sanitaires du vieillissement et de la dépendance et pour relever les autres défis du siècle en mobilisant l’ensemble des facettes de la recherche scientifique.

La notion de santé globale illustre cette démarche en étudiant les problématiques de santé à travers l’ensemble du spectre disciplinaire et met également à jour les liens existants entre la santé humaine, animale et environnementale, nous rappelant à quel point les énigmes qui se posent aujourd’hui à l’humanité sont entrelacées.

La crise climatique et écologique nous oblige à lutter contre l’épuisement des ressources, le dangereux déclin de la biodiversité et à faire face aux évolutions des milieux naturels et humains tout en répondant aux besoins d’une population mondiale qui continue à augmenter. Gérer la complexité de ces multiples évolutions vers plus de résilience n’est possible qu’avec les apports de la science.

Le développement des technologies de l’information et de la communication nous a donné de formidables outils de calcul, de communication, d’analyse des données. Nous découvrons encore les possibilités de ceux que nous utilisons, alors même que l’innovation publique et privée ouvre sans cesse de nouvelles perspectives dans ces domaines. Dans le même temps, ces technologies ont ouvert la voie à une manipulation sans précédent de l’information. Elles ont servi de vecteur à une mise en cause du discours scientifique, y compris dans nos démocraties et aux plus hauts niveaux de responsabilité.

Ces changements globaux sont à la fois la source et la conséquence de transformations de nos modes de vie, qui influent à leur tour sur la santé des personnes, sur l’environnement et sur les conditions de notre vie collective. Ici aussi, les défis à affronter sont considérables : il nous faut penser et maîtriser le mieux possible les évolutions de notre société, rester à l’écoute de ses attentes et trouver les chemins qui permettront de renforcer sa cohésion. Il nous faut également continuer à être des pionniers de la connaissance afin de pouvoir librement faire nos choix de société pour l’avenir plutôt que de devoir marcher dans les pas des nations qui nous auraient pris de vitesse. La recherche est l’éclaireur de notre liberté et de notre souveraineté.

À l’heure du changement climatique et de l’érosion de la biodiversité, alors que les crises sociales et économiques se multiplient, la recherche française doit contribuer à l’émergence d’une société plus durable, plus inclusive et plus résiliente par la recherche de solutions adaptées aux territoires et socialement acceptables aux défis économiques, sanitaires et environnementaux. À ce titre, la présente loi doit s’inscrire dans le cadre des objectifs de développement durable auxquels a souscrit la France. Sa mise en œuvre doit être évaluée grâce aux indicateurs définis par la feuille de route de la France afin de s’assurer que la présente loi respecte les objectifs de développement durable.

Ces défis sont vertigineux et engagent l’avenir de la France et de l’Europe pour les prochaines décennies. C’est par la recherche que nous acquerrons les connaissances nécessaires à des décisions collectives pertinentes et à des innovations susceptibles de changer durablement nos manières de produire, de consommer, de nous déplacer, de vivre ensemble. C’est par la recherche que nous pourrons penser, comprendre et surmonter les défis de notre siècle en France, en Europe et dans le monde. Telle est l’ambition de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche.

A. – État des lieux

1. Un risque de décrochage de la France en termes d’investissement

Les grands espoirs que nous plaçons en la recherche et notre volonté de porter une loi ambitieuse s’inscrivent dans un contexte où l’effort de recherche global – public et privé – mesuré par le ratio entre les dépenses intérieures de recherche et développement (DIRD) et le produit intérieur brut (PIB) avoisine 2, 2 % en France et régresse légèrement depuis plusieurs années : 2, 28 % en 2014, 2, 23 % en 2015, 2, 22 % en 2016, 2, 19 % estimé en 2017. Cette trajectoire éloigne la France de « l’objectif de Lisbonne », fixé à 3 %.

En valeur relative, la DIRD française est supérieure à la moyenne de l’UE28 mais inférieure à la moyenne de l’OCDE (2, 37 %).

En % du PIB en 2017

DIRD

États-Unis

Chine

Japon

Allemagne

Corée du Sud

France

Pays-Bas

Italie

Royaume-Uni

UE 28

OCDE

Source : Statistiques de l ’ OCDE de la science et technologie et de la R -D : Principaux indicateurs de la science et de la technologie (https : //data.oecd.org/fr/rd/depenses -interieures -brutes -de -r -d.htm)

L’écart entre la France et les pays les plus ambitieux en matière de recherche et développement (R&D) s’accroît : en Allemagne, l’objectif de 3 % est désormais atteint et le Gouvernement a fixé une nouvelle cible à 3, 5 %. Au Japon, le niveau actuel est à 3, 2 % et la cible à 4, 0 % ; en Corée du Sud la DIRD représente 4, 5 % du PIB et la cible est à 5, 0 %.

Entre 2014 et 2017, alors que le ratio DIRD sur PIB est passé en France de 2, 28 % à 2, 19 %, il est passé pour la moyenne UE 28 de 1, 94 % à 1, 97 % et pour la moyenne OCDE de 2, 35 % à 2, 37 %. La tendance baissière observée en France s’inscrit donc à rebours de la tendance générale qui voit un investissement croissant dans la R&D. L’écart par rapport à certains de nos voisins est très important : en 2016, la France a investi en R&D 42, 6 Md€ de moins que l’Allemagne.

Le retrait par rapport aux pays les plus avancés concerne à la fois la recherche publique et la recherche privée. En 2016, la DIRD représente 2, 22 % du PIB, dont 0, 78 % pour les dépenses de R&D des administrations (DIRDA) et 1, 44 % pour les dépenses de R&D des entreprises (DIRDE).

Entre 2000 et 2016, la DIRDA de la France a été marquée par une faible croissance, de l’ordre de 1, 5 % en volume par an. Cette évolution contraste avec celle de nombreux pays où la DIRDA a augmenté beaucoup plus vite, comme en Allemagne (+ 3, 0 % par an) ou aux États-Unis (+ 2, 8 % par an). Dans l’OCDE et l’UE28, les dépenses de R&D publique ont crû en moyenne de 2, 5 % et 2, 3 % respectivement.

Entre 2000 et 2016, la Corée du Sud, l’Espagne, la Chine, l’Allemagne, les États-Unis et l’UE-28 ont augmenté la part de la DIRDA dans le PIB plus que la France.

Source : Données OCDE (PIST -2018 -1) et MESRI pour la France (hors DIRDA de défense).

L’analyse en valeur montre des écarts encore plus marqués. Entre 2000 et 2016, la Chine, la Corée du Sud, l’Espagne, l’Allemagne, les États-Unis, l’UE-28 et le Royaume-Uni ont augmenté leur DIRDA significativement plus que la France.

Les difficultés économiques que nous traversons à la suite de la crise sanitaire rendent d’autant plus important un réinvestissement massif dans la recherche pour éviter qu’elles ne se traduisent par une forte baisse des budgets de R&D qui obérerait durablement notre avenir.

Source : Données OCDE (PIST -2018 -1) et MESRI pour la France (hors DIRDA de Défense).

Ce constat d’ensemble se fait particulièrement sentir dans le domaine des rémunérations des personnels scientifiques.

Selon les informations citées par le rapport du groupe de travail consacré à l’attractivité des carrières scientifiques, le salaire annuel brut d’entrée moyen des chercheurs en France représentait en 2013, en parité de pouvoir d’achat, 63 % du salaire d’entrée moyen des chercheurs dans les pays de l’OCDE ; le salaire maximum des chercheurs en France représentait 84 % du salaire maximum moyen des pays de l’OCDE. Ce constat a été confirmé par une étude menée par les conseillers scientifiques des ambassades de France dans huit pays clés de la recherche : Allemagne, Australie, États-Unis, Grande-Bretagne, Japon, Pays-Bas, Singapour, Suisse. La situation s’est nettement dégradée depuis 35 ans : en 1985, le salaire brut d’un maître de conférences en début de grille représentait 2, 25 SMIC, il n’est plus que de 1, 53 SMIC en 2018, primes comprises (1, 4 SMIC hors prime de fin d’année).

Cette faiblesse des rémunérations contribue à une perte d’attractivité des carrières scientifiques en France. À titre d’exemple, le nombre de candidats aux concours chercheurs du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) est passé de 8 150 candidats en moyenne au début des années 2010 à moins de 5 800 candidats en 2018 et la part des lauréats étrangers est passée de 32 % à 25 %.

2. Les enjeux du rapport des citoyens à la rationalité scientifique

Le besoin de revaloriser les carrières scientifiques et de réinvestir dans la connaissance est d’autant plus criant que l’on assiste, depuis plusieurs années, à une remise en cause dans les démocraties occidentales de la parole scientifique et des apports de la science. En 2019, dans un sondage portant sur plus de 140 pays, l’Europe de l’Ouest était la zone du monde dans laquelle les bienfaits de la science pour l’économie et leur pays paraissaient les plus douteux, la France occupant la première place sur ce podium du « pessimisme scientifique » au niveau mondial.

Cette perte du crédit de la parole scientifique se fait d’autant plus ressentir que les réseaux sociaux, en particulier, amplifient fortement l’audience de discours contestataires ou complotistes et de fausses informations, notamment sur des sujets comme la vaccination ou le changement climatique. Un article paru dans Nature Communications à l’été 2019 mettait ainsi en évidence la place disproportionnée occupée par quelques grandes voix climato-sceptiques dans les médias anglo-saxons, sans rapport avec les résultats scientifiques de ces pays et la reconnaissance de ces travaux par leurs pairs.

Si des actions vouées à contenir les effets de ces fausses informations peuvent être conduites, à l’instar des lois organique et ordinaire du 22 décembre 2018 relatives à la lutte contre la manipulation de l’information, qui visent à endiguer ce phénomène en période électorale, une politique active en faveur de la parole scientifique doit en parallèle être menée pour lui redonner le crédit qu’elle mérite. Dans un monde où la complexité est bien souvent devenue telle que les problèmes que la science résout sont souvent rendus peu accessibles au grand public, la loi de programmation de la recherche repose sur la conviction que les éléments fondamentaux du raisonnement et de la culture scientifique et technique sont, eux, compréhensibles et transmissibles : la rationalité est l’un des éléments constitutifs de l’unité et de la cohésion nationales.

C’est le cas, d’une part, de la méthode scientifique et de la démarche expérimentale, fondées sur un sens de l’observation, de la preuve, de l’argumentation, dont nous avons collectivement besoin pour construire des repères communs et avancer de concert ; c’est le cas, d’autre part, de la controverse scientifique, dont l’esprit est précisément aux antipodes de formes d’anathèmes sur certains sujets qui émergent parfois dans le débat public. Ces éléments constitutifs de la liberté de la recherche sont au cœur de la loi de programmation, qui entend replacer la science au centre du débat et de la réflexion publique.

Pour y parvenir, il convient d’encourager et de reconnaître pleinement, au même titre que d’autres formes d’engagement des enseignants-chercheurs, des chercheurs et de l’ensemble des personnels, les activités de diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle, de formation ou encore d’expertise qui renforceront le dialogue avec les scientifiques et la place de la science dans la société.

3. Un potentiel d’innovation et de transfert à accroître

Au cours des dix ou vingt dernières années, la recherche française a nettement renforcé son impact économique. Les laboratoires publics français, reconnus dans de nombreux domaines pour leur excellence scientifique, se distinguent également par le nombre de brevets qu’ils déposent. Les mentalités ont évolué et l’intérêt des chercheurs du public pour l’innovation sociale et pour les relations avec les entreprises s’est considérablement accru dans beaucoup de communautés scientifiques. Les équipes d’appui au transfert technologique et aux relations de recherche partenariale avec les entreprises se sont professionnalisées. Une dynamique entrepreneuriale très claire s’est développée et le nombre de créations d’entreprises issues des établissements et des laboratoires de l’ESRI a fortement progressé ; « l’écosystème » qui accompagne cet élan est bien présent, comme le montre par exemple l’essor du capital-risque en France ces dernières années.

Alors que la course internationale à l’innovation ne cesse de s’intensifier et que plusieurs pays progressent plus vite que nous, il est indispensable de poursuivre ces efforts. Les relations entre les laboratoires publics et les entreprises sont encore insuffisantes, qu’il s’agisse du recrutement des docteurs dans les entreprises, du transfert des connaissances et des savoir-faire, des mobilités public-privé ou encore de la recherche partenariale, notamment avec les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI). Il est nécessaire aussi de simplifier les dispositifs d’innovation, insuffisamment efficaces : après une période qui a parfois vu une multiplication des outils, il faut désormais mieux intégrer et articuler les dispositifs existants, en s’appuyant sur ceux qui ont le mieux fait leurs preuves, en donnant toute leur place dans ce chantier aux établissements de l’ESRI.

Il faut aussi continuer à amplifier nos efforts pour aider les acteurs à « transformer l’essai » et leur permettre de porter avec ambition des projets d’ampleur. Mieux « transformer l’essai », au niveau des équipes, signifie qu’il est nécessaire de continuer à favoriser la prise de risques et la culture du transfert et de l’impact : déposer un brevet est une chose qui peut représenter une prouesse scientifique et technologique, le transférer et accompagner le passage de l’invention à une réelle innovation en est une autre. Cette ambition exige également que les activités d’innovation soient pleinement reconnues et récompensées dans les évaluations et les carrières des personnels de la recherche et des personnels hospitalo-universitaires. Elle implique, enfin, de mobiliser et d’accompagner les établissements de l’ESRI pour qu’ils se dotent de politiques d’établissements affirmées en matière d’innovation et bien appuyées sur leurs atouts.

À cet égard, il convient de se déprendre de l’illusion selon laquelle la valorisation de l’actif immatériel de la recherche pourrait constituer une source significative de revenus pour les établissements publics. Il est bien entendu nécessaire, lorsqu’une innovation issue de la sphère publique contribue à créer de la richesse, de veiller à ce qu’un juste retour financier aille aux acteurs qui ont financé la recherche dont l’innovation est issue. Pour autant, ce retour ne peut constituer qu’une ressource complémentaire. Il convient donc également d’assumer, comme y ont invité nombre de rapports récents, que l’objectif principal de la politique de valorisation est de contribuer à la création de richesses et d’emplois sur le territoire national et dans l’espace européen.

B. – Des forces de la recherche française sur lesquelles capitaliser

Cet état des lieux et les retards qu’il souligne ne doivent cependant pas masquer les forces, nombreuses, de la recherche française, dont la qualité ne fait aucun doute. La France est et demeure à l’évidence une grande puissance scientifique, capable de faire avancer l’ensemble du front des connaissances et de faire émerger des ruptures conceptuelles et des innovations qui transformeront le monde de demain.

Les atouts de la France sont nombreux. Elle peut tout d’abord compter sur la qualité de ses formations dans l’enseignement supérieur, très riches et diversifiées, et plus spécifiquement de ses formations à la recherche et par la recherche, appuyées sur un réseau dense de laboratoires et d’écoles doctorales aujourd’hui structurés et organisés autour de pratiques harmonisées. Si le doctorat reste encore insuffisamment reconnu dans notre pays, la qualité et le niveau de nos docteurs sont remarquables et plébiscités à l’étranger. Toutefois, il convient de renforcer le suivi de nos docteurs et de nos post doctorants, formés en France puis partis à l’étranger, en assurant notamment une veille sur l’état d’avancement de leurs travaux, afin de préserver un lien pérenne susceptible de créer les conditions favorables à un partage d’expérience et de connaissances.

À titre d’exemple, la recherche en sciences du vivant et en santé représente plus du tiers de la production scientifique mondiale et l’innovation en santé est un des moteurs de l’économie mondiale. En France, cette recherche repose à la fois sur une recherche libre, dirigée par les chercheurs eux-mêmes, ainsi que sur une recherche davantage programmée par l’État qui a démontré son efficacité dans certains domaines comme le cancer, les maladies infectieuses et les maladies rares grâce aux plans successifs portés au plus haut niveau. Elle comprend par ailleurs un volet clinique indispensable, au contact des patients et des professionnels de santé, le plus souvent dans un contexte hospitalo-universitaire et qui est essentiel pour développer, valider et intégrer les innovations dans la pratique clinique au bénéfice des patients que ces innovations soient diagnostiques, thérapeutiques, technologiques ou encore organisationnelles.

Les femmes et les hommes qui font vivre notre système de recherche sont notre principal atout. La France attire toujours des scientifiques brillants en leur offrant relativement tôt des postes stables, là où certains de nos voisins comme l’Allemagne ou l’Italie recrutent des titulaires bien plus tard. Alors que la concurrence internationale ne cesse de s’accroître, le CNRS compte ainsi près de 700 chercheurs permanents allemands ou italiens dans son effectif. La liberté académique que nous offrons à nos scientifiques est un facteur essentiel de leur créativité, à condition de leur donner aussi les moyens de fonctionnement et le temps nécessaire à l’expression de celle-ci, ce que la loi de programmation ambitionne précisément de faire.

Si la France a une grande tradition de recherche en sciences humaines et sociales, son internationalisation est aujourd’hui un enjeu majeur. Mieux exporter son originalité notamment à travers le renforcement de réseaux européens, inciter à la mobilité internationale, ou encore construire les conditions d’une plus grande attractivité de talents internationaux constituent autant de leviers que la loi de programmation mettra en place en partenariat avec la diversité des acteurs impliqués.

Le système de recherche français s’appuie aussi sur une richesse insuffisamment soulignée et pourtant essentielle : ses personnels ingénieurs et techniciens et ses personnels administratifs, notamment dans les laboratoires. En particulier, la compétence des ingénieurs et techniciens en fait des piliers et des mémoires du savoir-faire scientifique et technologique de notre recherche : ils constituent des éléments clés de nos forces scientifiques. Leur rôle est particulièrement important dans le développement et le fonctionnement des grands instruments et des grandes infrastructures de recherche.

Ces grandes infrastructures de recherche constituent aussi un atout essentiel de notre pays, en particulier en physique et en sciences de la Terre et de l’Univers où la France est historiquement très investie, souvent avec ses partenaires européens (CERN, observatoires, spatial, etc.). Elles permettent de lever des verrous de connaissance et sont génératrices d’innovations technologiques. Le renforcement des moyens alloués à la recherche doit permettre de développer ces infrastructures et d’en créer aussi dans les autres champs de la connaissance où ces instruments sont également déterminants (sciences du vivant, santé, alimentation, biodiversité, données, etc.) et sont souvent moins présents en France que dans les pays voisins.

L’organisation duale de notre système de recherche est originale, avec les organismes de recherche et les universités et écoles qui partagent des laboratoires mixtes, mais aussi avec d’autres établissements qui participent à la recherche. Il est à noter que les écoles ne sont pas toutes sous tutelle du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. C’est notamment le cas des écoles supérieures d’art, sous tutelle du ministère de la culture et dont les activités de recherche se développent, le plus souvent en collaboration avec des universités. Historiquement, les organismes comme le CNRS ont été l’instrument d’une reconstruction volontariste de notre système de recherche après la Seconde Guerre mondiale. Depuis quelques années, les universités autonomes montent en puissance et s’organisent en ensembles omnidisciplinaires. Ce qui peut apparaître comme une complexité est en réalité aujourd’hui un atout qui permet de combiner des politiques nationales de recherche portées par les organismes avec des stratégies de site, articulées avec la formation et les écosystèmes territoriaux, portées par les universités avec leurs partenaires, dont les organismes et les centres hospitalo-universitaires. Notre système offre ainsi des carrières diversifiées, consacrées à la recherche ou partagées entre formation et recherche, avec des métiers de chercheur ou d’ingénieur, ou encore partagées avec des activités de soins dans le champ de la santé. Avec ses particularités, il a aujourd’hui trouvé un équilibre qui fonctionne.

Enfin, sur le plan international, notre pays dispose d’un réseau d’implantations scientifiques à l’étranger, reconnues à l’échelle mondiale comme des références de premier plan dans leurs domaines destinées à promouvoir la mobilité internationale des chercheurs et des enseignants-chercheurs : Instituts français et unités mixtes de recherche à l’étranger, notamment pour les sciences humaines et sociales, Institut de recherche pour le développement (IRD) et Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) pour les sciences du développement durable dans les pays du sud, réseau international des Instituts Pasteur, réseau international de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), notamment au travers de l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS) pour la recherche en santé face aux fléaux sanitaires, etc. Le réseau diplomatique au service de la recherche et des partenariats scientifiques internationaux, singularité française, est un des leviers essentiels de son influence, comme le rappelle chaque année le classement Softpower 30. Dédié à la coopération scientifique et universitaire, ce réseau est un point d’appui pour promouvoir la science française à l’étranger, pour accompagner les chercheurs et les institutions scientifiques dans la prospection et la finalisation des partenariats internationaux de haut niveau et pour financer des mobilités de chercheurs étrangers vers la France et de chercheurs français à l’étranger.

C. – Des ambitions pour la science française

Pour capitaliser sur ses forces et permettre à son système de recherche d’exprimer tout son potentiel, la France doit réinvestir dans la connaissance et le savoir. C’est à ce prix qu’elle sera au rendez-vous des grands défis scientifiques et qu’elle pourra répondre aux nombreuses attentes de la société. Les grandes découvertes sont impossibles à anticiper et la recherche doit s’attacher à repousser les limites dans tous les domaines de la science, sans a priori. Au demeurant, certains de ces défis sont globaux et leur traitement ne peut se limiter à l’échelle du territoire national ou européen, mais lient dans une communauté de destin les pays du nord et du sud dont les modes de collaboration scientifique doivent évoluer.

Sans prétention à l’exhaustivité, on peut cependant citer, à titre d’illustrations, quelques grands défis scientifiques ou sociétaux très importants auxquels la recherche française aura l’ambition d’apporter des contributions fortes dans les prochaines années, certains à l’impact sociétal immédiat, d’autres plus fondamentaux mais pas moins transformants à moyen ou long terme pour nos sociétés.

1. Résoudre les grandes questions ouvertes de la science

La recherche avance souvent en répondant à des énigmes restées sans réponse. Un exemple en est le grand théorème de Fermat qui a suscité de nombreuses tentatives de démonstration avant d’être établi de manière définitive plus de trois siècles après avoir été énoncé. Il n’est pas rare que la résolution de ces grandes questions se traduise ensuite par des innovations importantes et inattendues. Par essence, établir une liste de ces grandes questions est un exercice difficile, mais il est intéressant d’en donner quelques exemples issus de domaines très différents.

a) La complexité algorithmique : qu’est-ce qui est accessible au calcul ?

Un exemple de question théorique avec des applications importantes se cache derrière la question absconse : « Est-ce que P = NP ? ». Il s’agit d’une des grandes conjectures mathématiques et informatiques. De manière imagée, la question est la suivante : est-ce que les problèmes pour lesquels on peut vérifier rapidement qu’une solution est correcte (les problèmes NP, « faciles à vérifier ») sont aussi des problèmes dont on peut calculer rapidement une solution (les problèmes P, « faciles à résoudre ») ?

Cette conjecture a de nombreuses implications en cryptographie, en économie, etc. Si P = NP, alors on pourra trouver des solutions économiques à de nombreux problèmes difficiles d’optimisation ; sinon, ils resteront largement inaccessibles, même avec des supercalculateurs.

b) Progresser sur le chemin des origines de la vie et de celles de l’espèce humaine

Identifier les premières molécules qui ont réussi, sur Terre, à s’auto-organiser puis à se répliquer est une question qui fascine la communauté scientifique internationale depuis les expériences fondatrices des années 1950. Comment une « soupe primordiale » constituée de molécules relativement simples s’est progressivement complexifiée ? Comment s’est déterminée l’asymétrie homogène (la chiralité) qui caractérise la plupart des molécules constitutives des organismes vivants actuels ?

La recherche sur l’origine de l’espèce humaine est une autre question ouverte d’intérêt majeur. La rareté des fossiles fait qu’une grande partie de notre histoire demeure mystérieuse, de la séparation entre l’homme et les grands singes il y a environ 7 millions d’années à l’origine de notre espèce, Homo sapiens, vieille de quelques centaines de milliers d’années. La France possède aujourd’hui les plus grands laboratoires de paléogénétique, capables de faire parler l’ADN ancien et de reconstituer notre évolution.

c) D’autres « Terres » dans l’univers ?

La découverte d’exoplanètes par centaines a permis de démontrer la probabilité « d’autres terres » dont les conditions pourraient être favorables à l’émergence de la vie, voire à l’existence de formes de vie extraterrestre. L’astronomie, la physique, la chimie, la géologie et la biologie peuvent contribuer, en avançant ensemble, à produire les réponses expliquant comment les étoiles primordiales et les supernovae ont ensemencé l’univers en atomes, puis en molécules de plus en plus complexes qui se combinent lors de la formation des systèmes planétaires.

2. Répondre aux enjeux de santé des populations

Au-delà des grandes interrogations qui traversent l’histoire des sciences, la recherche a aussi vocation à répondre aux questions qui se posent à nos sociétés contemporaines et à éclairer nos politiques publiques. Un des défis scientifiques majeurs de notre époque est celui de notre santé et de notre adaptation aux modifications environnementales, au réchauffement climatique, à la raréfaction des ressources et à certaines pollutions. Nous devons mieux caractériser notre exposition aux composantes de l’environnement (l’exposome) tout au long de la vie ainsi que ses interactions potentielles sur le génome et l’épigénome des individus. Il s’agit de mieux comprendre les impacts du changement climatique et de nos modes de vie sur les maladies infectieuses émergentes ou réémergentes et sur les maladies chroniques, pour anticiper ces changements et, si possible, les prévenir afin de ne pas les subir. Nous devons ainsi mieux prendre en compte le risque épidémique dans un monde globalisé. Il s’agit également de reconsidérer les relations entre alimentation et santé dans une perspective de transition vers des systèmes alimentaires sains et durables. De même, l’utilisation de plus en plus massive des outils numériques appelle à évaluer les conséquences de ces pratiques sur le développement humain et sur la santé tout au long de la vie.

L’allongement de la durée de vie de la population et la transition démographique nécessitent quant à eux une meilleure compréhension fondamentale des mécanismes du vieillissement. Ces connaissances nouvelles doivent ouvrir la voie à une médecine prédictive, personnalisée et participative. Investir dans le « bien vieillir », la prévention de la perte d’autonomie et l’adaptation de l’environnement au handicap, c’est non seulement renforcer la solidarité et la cohésion sociale, mais c’est aussi se donner les moyens d’une « silver economy » à la française, où l’innovation est accessible à tous et adaptée aux besoins de nos concitoyens.

De même, la période des « 1 000 premiers jours » est primordiale car elle engendre des répercussions sur la santé tout au long de la vie. Explorer les fondements d’un bon développement physique, socio-émotionnel et cognitif du jeune enfant est aussi un investissement social.

La modélisation et l’analyse des données de santé, combinées aux données relatives à l’alimentation, à l’environnement et au mode de vie ainsi que d’autres facteurs, notamment l’exposition aux perturbateurs endocriniens, doivent nous aider à comprendre et prédire l’évolution des causes de morbidité et de mortalité à dix ou vingt ans. Parmi celles-ci, les maladies cardiovasculaires et neurovasculaires, les maladies mentales, l’antibiorésistance, l’impact des risques environnementaux sur la santé humaine ou encore le risque infectieux de manière générale seront les grands sujets de demain à côté des cancers qui demeureront une cause majeure de morbi-mortalité.

Pour plusieurs de ces sujets, un programme de recherche pourra être mis en place pour comprendre tant les mécanismes que les moyens de les prendre en charge. Un pilotage sera institué via un comité opérationnel de la recherche en santé, présidé par les ministères chargés de la santé et de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, au sein d’une recherche en biologie santé davantage intégrée, pour mieux coordonner l’ensemble des acteurs de ce secteur très particulier. Ce pilotage est étroitement lié à une rénovation des modalités de programmation et de gestion des différents appels à projets en recherche biomédicale. Une attention spécifique sera apportée à l’étude du risque épidémiologique, notamment au moyen de l’exploitation scientifique des données de santé par l’intelligence artificielle. De même, une attention spécifique sera apportée à l’étude des questions de santé qui touchent particulièrement les femmes, et qui aujourd’hui ne font pas suffisamment l’objet de recherche. Enfin, une attention spécifique sera également apportée à l’étude des maladies vectorielles à tiques, véritable enjeu de santé publique nécessitant une réelle concertation entre les acteurs de la recherche en santé.

La progression des connaissances scientifiques sur ces enjeux doit s’accompagner d’une meilleure représentativité des femmes dans les échantillonnages scientifiques. Encore trop peu nombreuses dans les tests cliniques, les femmes se voient proposer des médicaments qui ne sont pas toujours adaptés à leur physiologie et sont sous-représentées dans les essais effectués, par exemple pour les maladies cardiovasculaires et dans certains types de cancer. La recherche biologique a connu des avancées majeures démontrant la différenciation sexuelle ; les symptômes et les effets des traitements ne sont pas toujours identiques d’un sexe à l’autre.

Au cœur de nos sociétés, les maladies psychiatriques représentent presque 20 % des dépenses de santé mais la recherche sur ces pathologies reste le parent pauvre des neurosciences. Il est temps d’étudier les maladies psychiatriques en mobilisant les éclairages des sciences humaines et sociales mais aussi toutes les approches modernes des neurosciences, notamment les techniques de la génétique, de l’imagerie, de la pharmacologie et les études sur les comportements.

2 bis. Soutenir le développement et renforcer la visibilité en France des alternatives à l’utilisation d’animaux à des fins scientifiques et éducatives.

La directive 2010/63/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 septembre 2010 relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques fixe le principe des « trois R » (réduction, remplacement et raffinement). Le remplacement vise à substituer au recours à un modèle animal des approches et méthodes ne faisant pas appel au modèle animal, comme des approches in vitro ou des modélisations mathématiques ou informatiques. Par réduction, on entend la diminution du nombre d’animaux utilisés notamment par l’application de méthodes statistiques et par le partage de données et de résultats susceptibles d’éviter la répétition des expériences. Le concept de raffinement s’attache à l’optimisation des conditions d’hébergement et des conditions expérimentales pour en réduire les effets négatifs sur les animaux.

La création d’un centre national dédié au principe des « trois R », adossé à la recherche publique et notamment à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, au Centre national de la recherche scientifique et à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, doté de moyens adaptés, permettra de développer l’offre de formation sur ce thème, de favoriser l’ingénierie de projet conforme à ce principe, d’inciter à l’échange de lignées d’animaux et des résultats négatifs de la recherche pour éviter toute répétition inutile de projets, de favoriser le financement de recherches sur le développement des méthodes alternatives et d’assurer une communication transparente sur l’utilisation d’animaux à des fins scientifiques. Le centre contribuera, en coordination étroite avec la Commission nationale pour la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques, à la consolidation d’un dialogue national constructif autour de cette préoccupation sociétale de plus en plus forte.

Ce centre devra être doté de moyens adaptés, avec un statut juridique et une organisation précise qui seront arrêtés en concertation avec les établissements, publics et privés, amenés à y contribuer et à y apporter leur expertise.

3. Bâtir une société plus inclusive

Les sciences et la recherche éclairent aussi les évolutions et les questions qui concernent notre pacte social, fondateur de notre démocratie et garant de notre vivre-ensemble.

a) Penser les inégalités et les différences pour refaire société

Les pays d’Europe, en particulier la France, ont choisi de s’engager résolument dans la construction d’un État social après la Seconde Guerre mondiale. Cependant, si les finalités sont partagées, ni les moyens ni les résultats ne sont aujourd’hui totalement consensuels. Des contestations s’élèvent. Des mouvements anti démocratiques apparaissent. Les inégalités sociales, ethniques, territoriales, entre les sexes ou entre les genres restent prégnantes et s’accroissent ici ou là. Malgré un enrichissement continu des sociétés dans leur ensemble, une part importante de la population se sent marginalisée. Il y a beaucoup à faire pour être collectivement fidèles à la promesse au cœur de notre pacte social.

Dans un contexte où les inégalités sociales sont au cœur des débats politiques, les recherches sur ces questions sont primordiales. La notion d’inclusion elle-même, d’abord utilisée dans les secteurs de la santé, du handicap et de l’école, invite à aborder ensemble des phénomènes très variés. Ceci ouvre des perspectives de recherche sur l’articulation des différences sociales et culturelles, mais aussi des différences de comportements, de préférences et de compétences. Penser en termes d’inclusion conduit à mesurer les inégalités mais aussi à penser les différences en termes de dispositifs, de processus d’autonomisation et de politiques : des mécanismes de participation peuvent être conçus et expérimentés dans la cité, à l’école, dans le monde du travail, etc.

L’inclusion numérique est également un domaine dans lequel les perspectives de recherche et d’innovations sont importantes, eu égard au réel besoin d’outils innovants permettant de rendre le numérique accessible sur l’ensemble du territoire et à chaque individu ou lui permettant d’être accompagné dans un parcours de montée en compétences numériques. À l’heure de la transition numérique du service public, la recherche, notamment pluridisciplinaire, devra être partie prenante dans ces transformations afin de garantir l’accès et l’appropriation de chaque citoyen.

De nombreuses inégalités se nouent dès l’âge scolaire. L’échec des politiques publiques face au problème persistant des inégalités dans l’éducation appelle une mobilisation de la recherche, en articulation avec les acteurs sociaux, afin de repenser une ou des éducations plus égales, plus justes, contribuant plus efficacement à l’épanouissement des hommes et des femmes et au bon fonctionnement de la société. La recherche française dans ce domaine peut faire appel à de nombreuses disciplines fortes en sciences du langage, en économie, histoire et sociologie de l’éducation, en sciences cognitives et en neurosciences. L’intégration des résultats des différentes disciplines permettra une analyse systématique de l’évaluation et de la réforme de politiques publiques. Les travaux explorant des formes d’éducation plurielle et alternative à l’école et hors de l’école ou portant sur le rôle de l’éducation dans certains contextes socio professionnels auront des conséquences concrètes. Les débouchés seront matériels et technologiques, mais aussi visibles en termes d’innovations sociales et pédagogiques, y compris hors les murs de l’école, dans les lieux publics et les institutions culturelles.

Enfin, cet objectif d’inclusion a pour vocation première de donner une place aux différences au sein d’un espace public et dans le cadre de pratiques communes qui reconnaissent la diversité et rendent possibles des formes nouvelles de partage de l’universel. À cet égard, l’essor des études sur les aires culturelles sous toutes leurs formes, comme les renouvellements des questionnements de la philosophie, de l’histoire ou de la sociologie, pour ne citer qu’elles, constituent des dynamiques remarquables.

b) S’ouvrir à une compréhension nouvelle des comportements pour mieux accueillir et accompagner chacun

La recherche en sciences du comportement connaît aujourd’hui un essor considérable. Les compétences de la psychologie expérimentale, de la psychologie sociale et cognitive, de la linguistique et la psycholinguistique, des sciences cognitives, des neurosciences les plus intégratives, de l’économie, de la sociologie et de la science politique, de la philosophie et de l’éthique, de l’histoire, de l’informatique, des mathématiques et des sciences du numérique sont aujourd’hui convoquées.

Les mutations actuelles de la science économique sont un exemple frappant de ces évolutions. Des notions traditionnelles comme celles de « préférences » et de « rationalité » font l’objet de nouvelles définitions qui englobent leur dimension individuelle aussi bien que collective. Par exemple, l’articulation des préférences et aspirations individuelles entre générations à l’intérieur de la famille, tout autant que l’émergence des préférences sociales vis-à-vis des générations futures, deviennent des sujets d’étude majeurs. Non moins important est le réexamen de la notion de rationalité, dans son acception strictement individuelle, mais également en termes d’organisation collective des activités de marché et de différentes voies possibles de l’évolution de nos échanges économiques.

Plus généralement, les analyses des politiques publiques et de la prise de décision, les questions de santé publique, les défis du changement climatique, de la sauvegarde de la biodiversité et de la raréfaction des ressources ainsi que les nouvelles préoccupations pour la sécurité humaine, imposent le développement de recherches sur les comportements collectifs, dans leurs mutations comme dans leurs effets. C’est un enjeu considérable, alors que les comportements et les modalités de leurs changements sont transformés par le développement exponentiel du numérique et l’apparition constamment renouvelée des objets connectés, l’émergence des nouveaux usages et des nouveaux modes d’interaction sociale qu’ils suscitent, le déploiement de capteurs comportementaux et physiologiques qui renseignent l’individu en temps réel sur son état et ses performances, etc.

4. Bâtir un monde habitable respectueux du vivant

a) Protéger et valoriser la biodiversité, accompagner la transition de l’agriculture

Au-delà d’un impératif d’étude de nos sociétés et des « rapports des êtres humains entre eux », il faut aussi renouveler nos savoirs sur « l’être humain dans son environnement ». Il est nécessaire que nous puissions mieux appréhender notre environnement et soutenir une recherche systématique sur la diversité des organismes vivants dans tous les milieux, des plus communs aux plus extrêmes. Il s’agit d’abord de comprendre la richesse et l’équilibre des écosystèmes pour les préserver. Mais c’est aussi une opportunité pour identifier des processus biologiques utilisables et améliorables. L’enjeu est de faire évoluer nos sociétés vers une économie plus vertueuse, utilisant des biotechnologies ou des approches systémiques innovantes pour une agriculture sans pesticides, la remédiation des milieux pollués, des alternatives aux plastiques, des ressources renouvelables, etc.

La question de nos rapports à l’environnement et à la biodiversité se pose d’une manière spécifique dans les champs de l’alimentation et de l’agriculture. La pression climatique sur les productions agricoles et sur l’environnement prend deux formes majeures : tendances climatiques de long terme (augmentation de la température) et événements extrêmes plus fréquents et intenses (sécheresses, tempêtes, crues, etc.). Toutes les espèces sont ainsi confrontées à une accélération des changements de leur environnement. La sécurité alimentaire et la santé des populations, l’intégrité de la biosphère (interactions entre le vivant et la planète) dépendent de la compréhension et de la préservation des dynamiques d’évolution du vivant.

Pour adapter les agricultures à ces situations, il est nécessaire de sélectionner des végétaux et des animaux qui puissent résister à ces aléas, mais aussi d’intégrer davantage de diversité dans les systèmes de production agricole. Renforcer la compréhension fine des processus biologiques et écologiques à l’œuvre au sein des écosystèmes agricoles est indispensable pour concevoir et mettre en œuvre des dispositifs et des outils répondant aux principes de l’agro écologie. La recherche en matière de transition agro écologique doit adopter une approche intégrée, systémique et unifiée de la santé humaine, animale et environnementale telle qu’elle s’exprime à travers le concept « Une seule santé » afin de prendre en compte nos relations d’interdépendance. Il faut par ailleurs développer des technologies nouvelles d’aide à la décision, comme la télédétection, les capteurs et tous les outils d’intégration et d’analyse de l’information, afin d’aller vers une agriculture toujours plus précise et de faciliter le travail quotidien des éleveurs et des cultivateurs.

Une augmentation de la production d’aliments, tout en réduisant les gaspillages, sera nécessaire à l’échelle mondiale pour nourrir 10 milliards de personnes en 2050. Pour y parvenir tout en atténuant leur empreinte environnementale, les systèmes alimentaires devront équilibrer leur bilan carbone, réduire leur utilisation d’intrants fossiles et leurs émissions de gaz à effet de serre, augmenter leur capacité de séquestration du carbone atmosphérique dans les sols et renforcer l’autonomie protéique des territoires.

La réduction des pollutions chimiques liées à l’agriculture passe enfin par des alternatives à l’usage des pesticides, des anti-infectieux, des plastiques et par l’évolution des procédés mis en œuvre tout au long de la chaîne alimentaire depuis la production jusqu’à la consommation, de même que le progrès des techniques de dépollution et de remédiation des sols et des eaux. Il s’agit d’une transformation profonde des systèmes agricoles et alimentaires qui doit être accompagnée par une très forte mobilisation pluridisciplinaire et interdisciplinaire.

b) Affronter le changement climatique, décarboner les activités humaines, gérer les ressources marines et forestières et favoriser l’accès de tous à une eau potable et à l’assainissement.

Limiter l’impact des sociétés humaines sur le réchauffement climatique, lutter contre ce réchauffement climatique, atténuer ses effets et s’y adapter requièrent une excellente compréhension de la « machine climatique » mais aussi une évaluation précise des différents impacts climatiques et des incertitudes associées. Les principaux verrous relèvent, d’une part, de l’observation et l’acquisition de données et, d’autre part, de la modélisation, à différentes échelles d’espace et de temps, qui mobilise des volumes gigantesques de données hétérogènes. Le passage des modèles aux petites échelles plus adaptées à l’étude des impacts du changement climatique sur les territoires est un véritable défi. Pour développer des solutions réellement opérationnelles permettant d’instaurer les transitions nécessaires (notamment écologiques, sociales, énergétiques, agro écologiques, etc.), pour produire et stocker efficacement des énergies totalement décarbonées et pour créer des réseaux de distribution intelligents, il sera nécessaire de mobiliser des programmes de recherche transdisciplinaires, allant des sciences du climat à l’écologie et aux sciences sociales et politiques, en passant par les sciences de l’ingénieur.

L’océan est un régulateur des changements et de la variabilité du système climatique dont dépendent l’économie, la nutrition, la santé et le bien-être, l’approvisionnement en eau et l’énergie sur l’ensemble du globe. Il abrite une incroyable biodiversité marine, d’espèces connues et encore inconnues que nous nous devons de préserver. La perte de cette riche biodiversité signifierait également une perte de gènes et de molécules potentiellement précieuses pour la recherche médicale. L’observation et la compréhension de l’océan, qui constitue le plus vaste écosystème de notre planète, sont donc des enjeux majeurs. La France, deuxième État par sa zone économique marine exclusive (11 millions de km2), est fortement concernée par la connaissance, l’utilisation durable et la conservation des océans. À ce titre, la France participe à la Décennie de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) pour les sciences océaniques. Les sciences océaniques sont au cœur de l’engagement français, à la fois dans les négociations internationales sur le climat dans le prolongement de la COP21 à Paris, mais également la feuille de route de la France pour l’Agenda 2030.

En 2050, 5, 7 milliards d’êtres humains pourraient vivre dans des régions où l’eau manque, au moins un mois par an (ONU, 2018). Or l’eau douce ne représente que 2, 5 % de l’eau sur notre planète et 70 % de cette eau est stockée dans des glaciers menacés par le changement climatique. Cette menace exige de mettre au point de nouvelles façons de désaliniser l’eau de mer, moins consommatrices d’énergie, de recycler l’eau pour la consommation humaine (ou pour l’irrigation des cultures, qui représente 70 % de l’utilisation de cette eau douce). Loin d’être un continent aride, l’Europe est cependant également touchée par cette problématique. L’indice d’exploitation de l’eau dans des pays européens montre bien combien les pressions exercées sur les ressources en eau douce sont de plus en plus fortes. L’Agence européenne pour l’environnement estime que près d’un tiers du territoire de l’Union européenne est exposé à des conditions de stress hydrique, de manière permanente ou provisoire, touchant plus de cent millions d’individus en Europe. Des progrès considérables en matière de lutte contre la raréfaction d’eau et la sécheresse sont à réaliser. La France peut et doit être au premier plan dans la recherche de solutions.

L’atténuation et l’adaptation aux changements climatiques ainsi que la préservation des ressources en eau dans un contexte d’intensification des pénuries imposent la construction d’une société et d’une économie résilientes. Il en découle notamment une nécessité de préserver la capacité naturelle de nos territoires à stocker et à épurer la ressource en eau, de même qu’à conserver le carbone séquestré dans les sols. La plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité relève, à ce titre, que les zones humides fournissent une quantité disproportionnée de services écosystémiques essentiels, en particulier ceux associés à la filtration et à l’approvisionnement en eau douce et à la protection des littoraux. L’Agence européenne pour l’environnement souligne l’urgence à préserver et restaurer les milieux humides qui jouent également un rôle clé dans la sauvegarde de la biodiversité et permettent une protection contre les risques naturels tout en participant à l’amélioration de la santé, de la sécurité alimentaire ou encore au développement socio-économique. Malgré leur importance, 67 % des zones humides métropolitaines ont disparu depuis le début du XXe siècle, dont la moitié entre 1960 et 1990. Pour préserver les services inestimables rendus par les marais, les roselières, les prairies, les tourbières ou encore les étangs (liste non exhaustive), une connaissance fine de ces milieux s’impose. Bien gérées et restaurées, les zones humides sont des solutions fondées sur la nature permettant de répondre aux plus grands défis de l’humanité. Le développement et le déploiement de ces solutions fondées sur la nature, à l’échelle du territoire national, représentent un enjeu fondamental pour notre pays.

La recherche dédiée aux mondes polaires constitue un enjeu majeur du XXIe siècle, tant scientifique que géostratégique, pour lequel la France possède de nombreux atouts en raison de la qualité et de la visibilité de sa recherche et de son activité diplomatique dans le domaine. Moteurs de la dynamique du climat, réservoirs exceptionnels de biodiversité, récepteurs des pollutions liées à l’activité humaine, territoires de populations humaines autochtones, les pôles concentrent un faisceau d’enjeux et de problématiques qui appellent un renforcement de la stratégie scientifique polaire de la France, notamment au travers d’une augmentation de la capacité océanographique polaire du pays.

La forêt est également un régulateur important des changements climatiques en ce qu’elle se caractérise par des écosystèmes complexes qui sont la source de multiples biens et services indispensables à nos sociétés, dont la fourniture de bois, matériau biosourcé et renouvelable. La France est un grand pays forestier, avec 40 % du territoire national boisé. L’hexagone abrite ainsi la première forêt feuillue d’Europe et les outre-mer des biomes hétérogènes, avec notamment 8 millions d’hectares de forêt équatoriale en Guyane, dans le bassin amazonien, seul grand massif tropical de l’Union européenne. La connaissance et le suivi à long terme des écosystèmes forestiers, la gestion durable des forêts et les utilisations du bois sont des enjeux majeurs pour la France.

5. Construire un monde où la technique est au service de l’homme

La dernière décennie a vu une « mise en données » du monde. Les données sont désormais au centre d’une majorité de processus de décision. Cette révolution dans la place des données et de leur analyse par intelligence artificielle a été permise par des travaux de recherche à la fois sur la gestion des masses de données, sur la modélisation aléatoire pour tenir compte des incertitudes et sur les algorithmes de traitement, d’analyse et de visualisation. Les algorithmes les plus performants aujourd’hui manquent cependant de fondements théoriques, sont difficiles à interpréter et sont vulnérables aux attaques. Leur exploitation dans des processus de décision parfois critiques pose des questions de pertinence, de confiance, d’explicabilité, d’interprétabilité, de stabilité et de robustesse qui sont autant de défis scientifiques majeurs. Ces déploiements de l’intelligence artificielle cristallisent aussi des questions interdisciplinaires autour de l’appropriation des méthodes et outils numériques, de la responsabilité relative aux décisions prises à l’aide d’algorithmes ou à partir de données, de la reproductibilité des expériences, de l’analyse critique de leurs biais éventuels, de leur impact psychosocial, de l’interprétation scientifique et des questions éthiques associées, notamment du respect des fondements de notre démocratie et de la liberté individuelle.

La numérisation appelle à construire les conditions d’une souveraineté et d’une sûreté numériques et donc à accentuer les recherches sur la sécurisation des calculs, des échanges et des données. Ces recherches exigeantes, en particulier en cryptologie et cybersécurité, combinent des approches formelles traditionnelles et les apports de l’intelligence artificielle pour explorer les grands volumes de données de sécurité afin de repérer les schémas suspects et d’orchestrer les contremesures.

La puissance de calcul des ordinateurs classiques, qui a crû de manière exponentielle depuis les années 1960, plafonne aujourd’hui. La « seconde révolution quantique » peut conduire dans les années à venir à des ordinateurs d’un type nouveau, à la puissance inégalée. Cette recherche pluridisciplinaire associe notamment la recherche en physique, en informatique, en mathématiques et en sciences de l’ingénieur. L’ordinateur quantique suscite des efforts de recherche considérables aussi bien dans le milieu académique qu’au sein de grands groupes industriels, avec l’objectif de développer des technologies innovantes en complète rupture avec les progrès attendus des technologies classiques.

Si elle advient, cette technologie quantique sera une rupture au moins aussi importante que ne l’a été l’ordinateur classique, permettant la résolution de problèmes d’optimisation complexes avec des applications à la recherche de nouveaux matériaux, de nouveaux médicaments, etc. Comme cette nouvelle puissance de calcul permettra de casser les codes cryptographiques qui sécurisent aujourd’hui toutes nos communications sensibles, il est nécessaire de travailler dès maintenant à la cryptographie du futur qui résistera à l’ordinateur quantique, et plus largement au développement de nouveaux algorithmes « quantiques ».

La rencontre de la médecine, des mathématiques et de l’informatique prépare une révolution dans le pronostic, le diagnostic et la mise au point de nouveaux traitements médicaux. En combinant intelligence artificielle, modélisation et assimilation de données (cliniques, biologiques, génomiques, imagerie, etc.), nous sommes à l’aube de pouvoir construire des jumeaux numériques d’êtres vivants. Ceux-ci permettront par exemple de personnaliser un traitement contre le cancer ou de tester divers scénarios chirurgicaux. Le jumeau numérique d’un animal de laboratoire permettra aussi de réaliser certains essais par simulation numérique, limitant ainsi le recours à l’expérimentation animale. Ces nouvelles approches vont également renouveler notre manière d’appréhender notre connaissance du vivant et nous aider à mieux interagir avec notre environnement.

Les technologies spatiales jouent également un rôle crucial concernant les données, par leurs capacités de transmission, et parce qu’elles permettent de fournir des données particulièrement précieuses pour les études environnementales, le climat, l’agriculture ou encore les questions de mobilité qui sont autant d’enjeux majeurs pour le futur. Plus largement, la recherche spatiale contribue à l’avancée des connaissances en sciences de la Terre et de l’Univers et permet des découvertes qui nourrissent d’autres domaines comme la médecine, la physique ou la chimie. Les verrous technologiques que le spatial permet de lever trouvent ensuite une application dans de nombreux secteurs de l’industrie.

Pour être en capacité d’explorer l’univers, mais également pour des questions de souveraineté, il est indispensable pour la France et pour l’Europe, confrontées à une compétition internationale croissante, d’être en capacité de se maintenir au meilleur niveau de recherche et d’innovation spatiales. Cela passe entre autres par une amélioration continue de notre programme Ariane, dont la sixième version est en phase de finalisation, un maintien de notre avance technologique dans les domaines des satellites et notre participation à de grands programmes internationaux (ISS, Mars 2020, Chang’e 6…). La recherche scientifique, technologique et l’innovation françaises dans le domaine spatial, soutenues et coordonnées par le Centre national d’études spatiales (CNES), dans le cadre de programmes développés en lien étroit avec les unités de recherche publique et l’industrie, assurent à la France une renommée internationale et une forte visibilité dans ce domaine.

Plus largement, les ambitions de la science française s’inscrivent et contribuent à répondre aux grands enjeux de société des objectifs du développement durable des Nations Unies et à la feuille de route française de l’Agenda 2030, à travers un continuum s’étendant de la formation à la recherche fondamentale et appliquée en passant par des collaborations interdisciplinaires et intersectorielles sur des champs transverses.

Dans les appels à projets de recherche nationaux et régionaux, les objectifs du développement durable des Nations Unies sont systématiquement valorisés par les bailleurs (Agence nationale de la recherche, régions, etc.), en particulier par un marquage approprié signalant la contribution à ces objectifs.

Les établissements publics ayant une mission de recherche rendront régulièrement compte à leurs tutelles des actions qu’ils mènent et contribuent à l’atteinte des objectifs du développement durable des Nations Unies. Ils pourront, pour cela, s’appuyer notamment sur le « référentiel DD&RS », grille d’autoévaluation permettant de déterminer le niveau de performance des actions menées en matière de développement durable et de responsabilité sociétale.

Afin d’accompagner l’émergence d’une nouvelle génération de chercheurs sensibilisés aux enjeux des objectifs du développement durable des Nations Unies, les écoles doctorales seront incitées à intégrer un module spécifique de formation aux objectifs de développement durable.

II. – Une loi pour les femmes et les hommes qui font la recherche

Le domaine de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation a connu, depuis les années 2000 de nombreuses réformes de structures, avec notamment la naissance et la montée en puissance, parfois irrégulière, des agences de financement, et avec la mise en œuvre, parfois désordonnée, de regroupements d’établissements. Les personnels de la recherche ont eu souvent, et à juste titre, le sentiment d’une complexité croissante de l’environnement dans lequel ils exercent leurs métiers et d’un alourdissement des tâches administratives qui empiètent sur le temps qu’ils consacrent à leurs missions principales : la recherche, la formation, l’innovation.

La loi de programmation pluriannuelle de la recherche prend en compte ces constats. Cette loi n’engage pas de changements de structures. Tout en consolidant l’organisation existante, elle met l’accent d’abord et avant tout sur les personnels de la recherche, avec le souci de revaloriser leurs rémunérations et de rendre leurs métiers plus attractifs et avec l’objectif de leur redonner du temps pour leurs missions essentielles. Elle porte une attention particulière aux jeunes scientifiques ainsi qu’à la simplification du fonctionnement et de la vie des unités de recherche.

A. – Revaloriser les rémunérations des scientifiques et mieux reconnaître la diversité de leurs compétences

Le constat de la faiblesse des rémunérations dans l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation tient à la configuration particulière de ses corps de fonctionnaires, dont la rémunération, comme pour tous les corps de la fonction publique, est principalement déterminée par trois composantes : la valeur du point d’indice, fixée transversalement à l’échelle de la fonction publique, les grilles, qui déterminent la progression des carrières, et les régimes indemnitaires (primes). C’est sur ce dernier point que les corps de l’ESRI se distinguent : en effet, là où les différents corps de la fonction publique ont globalement fait l’objet d’un travail de réalignement des grilles dans le cadre du « protocole Parcours, carrières et rémunérations » (PPCR), les régimes indemnitaires de l’ESRI sont restés parmi les plus bas et les moins bien distribués de toute la fonction publique. Sur la progression de carrière, le principe du déroulement d’une carrière complète sur deux grades prévus dans le PPCR doit être respecté au sein des établissements de l’ESRI.

Au sein même de l’ESRI, des différences peu justifiables existent entre les universités et les organismes de recherche, entre les corps scientifiques (professeurs des universités et maîtres de conférences par rapport aux directeurs et chargés de recherche) et entre les corps techniques (ingénieurs, techniciens et administratifs ; ingénieurs et personnels techniques de recherche et de formation) pour des personnels qui travaillent ensemble dans les mêmes laboratoires. Pour faciliter les mobilités entre universités et organismes, l’objectif sera donc de faire converger les montants moyens de primes entre les différents types de personnels afin de remédier à ces disparités historiques mais peu justifiées aujourd’hui. À cette fin, dès l’année 2021, 92 M€ supplémentaires y seront consacrés ainsi que des montants analogues les années suivantes dans le cadre de la programmation pluriannuelle de la recherche…

Ces revalorisations toucheront ainsi tous les personnels et interviendront de façon différenciée. D’une part, l’ensemble des métiers ont vocation à être revalorisés dans ce cadre mais le gain sera plus élevé pour les enseignants-chercheurs et les chercheurs dont le niveau de rémunération est aujourd’hui loin des standards internationaux que pour les personnels ingénieurs, techniciens administratifs et bibliothécaires, dont la situation actuelle est proportionnellement moins défavorable. D’autre part, cette revalorisation a vocation à être plus particulièrement ciblée sur les débuts de carrières, sur lesquels on observe un déficit d’attractivité plus marqué (cf. infra). Cette revalorisation permettra notamment une majoration plus marquée pour les chargés de recherche et les maîtres de conférences. Ces derniers seront admis, dans les conférences internationales tenues en langue anglaise, à faire usage de la dénomination d’associate professor pour désigner leurs fonctions.

Par ailleurs, les conditions d’emploi et de rémunération des chargés d’enseignement vacataires (CEV) et des agents temporaires vacataires (ATV) feront l’objet d’un examen avec les organisations syndicales, les représentants des employeurs et les associations représentant les jeunes chercheurs et les candidats aux métiers de l’enseignement supérieur.

Par ailleurs, la convergence indemnitaire ainsi engagée permettra de procéder à une refonte des régimes indemnitaires existants, afin de les réorganiser autour d’un régime avec trois composantes :

– une composante de base revalorisée ;

– une composante correspondant à une mission renforcée, au choix, sur laquelle l’agent s’engage pour une durée pluriannuelle (par exemple : innovation, direction d’études, direction de laboratoire ou d’unité, etc.), en vue de mieux reconnaître l’engagement professionnel ;

– une composante individuelle, constituée des primes existantes (prime d’encadrement doctoral et de recherche), à laquelle pourront s’ajouter des dispositifs comparables comme la prime de reconnaissance de l’investissement pédagogique.

Un travail sera également engagé sur les rémunérations des personnels des établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) de recherche pour définir de façon adaptée à chaque établissement une trajectoire de revalorisation de ces rémunérations ainsi que les orientations qui y seront liées. Par ailleurs, pour les personnels d’établissements d’enseignement supérieur et de recherche qui relèvent d’autres ministères, une revalorisation sera également mise en place dans les mêmes conditions que pour les agents relevant du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.

Enfin, l’attractivité des carrières et des statuts hospitalo-universitaires doit être renforcée en s’appuyant sur trois axes principaux :

– l’amélioration du début de carrière des personnels hospitalo-universitaires (HU) notamment par le biais de chaires de professeur junior (« tenure track ») en complément des autres voies d’entrée dans la carrière par concours ;

– la refonte des statuts hospitalo-universitaires pour prendre en compte les besoins de souplesse et d’accom

DIRD

États-Unis

Chine

Japon

Allemagne

Corée du Sud

France

Pays-Bas

Italie

Royaume-Uni

UE 28

OCDE

Source : Statistiques de l ’ OCDE de la science et technologie et de la R -D : Principaux indicateurs de la science et de la technologie (https : //data.oecd.org/fr/rd/depenses -interieures -brutes -de -r -d.htm)

L’écart entre la France et les pays les plus ambitieux en matière de recherche et développement (R&D) s’accroît : en Allemagne, l’objectif de 3 % est désormais atteint et le Gouvernement a fixé une nouvelle cible à 3, 5 %. Au Japon, le niveau actuel est à 3, 2 % et la cible à 4, 0 % ; en Corée du Sud la DIRD représente 4, 5 % du PIB et la cible est à 5, 0 %.

Entre 2014 et 2017, alors que le ratio DIRD sur PIB est passé en France de 2, 28 % à 2, 19 %, il est passé pour la moyenne UE 28 de 1, 94 % à 1, 97 % et pour la moyenne OCDE de 2, 35 % à 2, 37 %. La tendance baissière observée en France s’inscrit donc à rebours de la tendance générale qui voit un investissement croissant dans la R&D. L’écart par rapport à certains de nos voisins est très important : en 2016, la France a investi en R&D 42, 6 Md€ de moins que l’Allemagne.

Le retrait par rapport aux pays les plus avancés concerne à la fois la recherche publique et la recherche privée. En 2016, la DIRD représente 2, 22 % du PIB, dont 0, 78 % pour les dépenses de R&D des administrations (DIRDA) et 1, 44 % pour les dépenses de R&D des entreprises (DIRDE).

Entre 2000 et 2016, la DIRDA de la France a été marquée par une faible croissance, de l’ordre de 1, 5 % en volume par an. Cette évolution contraste avec celle de nombreux pays où la DIRDA a augmenté beaucoup plus vite, comme en Allemagne (+ 3, 0 % par an) ou aux États-Unis (+ 2, 8 % par an). Dans l’OCDE et l’UE28, les dépenses de R&D publique ont crû en moyenne de 2, 5 % et 2, 3 % respectivement.

Entre 2000 et 2016, la Corée du Sud, l’Espagne, la Chine, l’Allemagne, les États-Unis et l’UE-28 ont augmenté la part de la DIRDA dans le PIB plus que la France.

en équivalents temps plein travaillés, et en écart par rapport à 2020

L e graphique illustrant l’évolution de la part de la DIRDA dans le PIB de différents pays en 2000 et 2016 est visible à la page 6 du rapport annexé publié à l’adresse suivante : https://www.senat.fr/leg/pjl20-117-rapport-annexe.pdf

Outre cette évolution prévue pour les effectifs sous plafond, l’accroissement prévisionnel entre 2020 et 2030 des effectifs contractuels hors plafond des établissements de l’ESRI s’élève à 15 000 environ.

En complément de ces évolutions quantitatives, le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation portera une attention particulière au déroulement des carrières des fonctionnaires des corps de l’enseignement supérieur et de la recherche.

En particulier, les flux annuels de recrutements de chargés de recherche en directeurs de recherche, les flux de recrutements de maîtres de conférences en professeurs et les flux de promotions annuels dans les corps de chercheurs et d’enseignants-chercheurs seront augmentés afin que les nouvelles voies de recrutement ouvertes par la présente loi de programmation pluriannuelle de la recherche ne pénalisent pas le déroulement de carrière des maîtres de conférences et des chargés de recherche. Une attention analogue sera portée aux carrières des ingénieurs, techniciens et administratifs.

Afin d’assurer que les évolutions prévues dans ces trajectoires d’emplois de la LPPR seront mises en œuvre par les établissements, un pilotage sera conduit dans le cadre du dialogue de gestion annuel. Il sera ainsi demandé à chaque établissement de construire un plan pluriannuel de recrutement s’inscrivant dans les perspectives fixées dans le cadre de la LPPR et de mener une réflexion sur les procédures suivies. Les moyens supplémentaires liés à la trajectoire d’emplois définie par le Gouvernement feront l’objet d’attributions aux établissements dans le cadre du dialogue de gestion annuel, sur la base des éléments présentés par chacun d’eux et des comptes rendus annuels qu’ils produiront sur les départs et les recrutements. Ces éléments seront vérifiés lors des examens des budgets initiaux et rectificatifs.

De façon transversale, une attention particulière sera portée à l’appropriation de ces orientations et de chacun de ces nouveaux dispositifs afin de s’assurer qu’ils contribuent à la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes. Les débuts de carrière, et notamment la période de 30 à 40 ans pendant laquelle se jouent les entrées en carrière scientifique, étant particulièrement critiques en termes de décrochage des carrières féminines par rapport aux carrières masculines, il convient de veiller tout particulièrement à ce que les nouvelles voies de recrutement leur bénéficient, avec une clause de réexamen régulière, dans le cadre du dialogue stratégique et de gestion entre l’établissement et le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, pour vérifier l’atteinte par les établissements d’objectifs en matière d’égalité.

D. – Faire de la recherche française une terre d’accueil pour la diversité des talents

1. Ouvrir de nouvelles voies de recrutement en complément des recrutements statutaires

En complément des voies de recrutement existantes et en plus des postes ouverts pour les chargés de recherche et les maîtres de conférences, une voie d’accès spécifique sera créée pour des postes participant à la stratégie scientifique et d’attractivité des établissements. Cette nouvelle voie de « pré-titularisation conditionnelle » correspond au principal mode de recrutement sur le marché de l’emploi scientifique mondial, connu sous le nom de « tenure track », qui peut se traduire par « parcours de titularisation ». Elle vise à offrir à des jeunes scientifiques, sélectionnés après un appel à candidatures largement ouvert, une entrée en carrière avec un contrat doté d’un environnement financier attribué par l’ANR, permettant d’accéder, à l’issue d’une période maximale de six ans, à une titularisation dans le corps des professeurs des universités ou des directeurs de recherche. Ces recrutements viendront conforter, le plus souvent possible, des orientations scientifiques partagées entre établissements d’enseignement supérieur et organismes dans le cadre des politiques de site. Au terme de la période de programmation, 300 chaires de professeur ou de directeur de recherche junior environ seront ouvertes chaque année en complément des recrutements de chargés de recherche et de maîtres de conférences. Ce dispositif sera également accessible aux personnels hospitalo-universitaires.

Un dispositif analogue permettant de doter d’un environnement financier certains chercheurs nouvellement recrutés après une large publicité internationale sur des postes qui revêtent un caractère stratégique sera également mis en place pour les EPIC de recherche.

En complément, pour les personnels recrutés spécifiquement pour l’accomplissement d’un projet de recherche, un contrat à durée indéterminée de mission scientifique sera créé qui permettra d’allonger les contrats actuels, souvent très courts, pour les faire coïncider avec des projets de recherche qui ont vocation à s’inscrire dans la durée tout en réduisant la précarité des personnels concernés.

Enfin, les initiatives des établissements visant à favoriser l’accueil en France de chercheurs qui souhaitent revenir dans notre pays après une carrière de premier plan à l’international seront soutenues. Les cofinancements de l’État et des collectivités territoriales ou d’autres acteurs seront recherchés afin de proposer à ces scientifiques de renom un cadre stable (CDI) accompagné d’un environnement attractif, dans le cadre des politiques de site.

Ces mêmes dispositifs pourront être mobilisés pour attirer sur notre sol les scientifiques étrangers les plus éminents, dont il importe de repenser l’accueil sous toutes ses facettes.

2. Développer et sécuriser les dispositifs d’accueil des chercheurs internationaux

La capacité de la France à attirer les plus grands talents scientifiques du monde participe naturellement de son rayonnement scientifique et international. Cette attractivité est un des moyens les plus efficaces de participer activement au partage des savoirs à l’échelle mondiale, si nécessaire face aux enjeux globaux qui s’imposent à nous et aux tentations de fermeture et d’obscurantisme.

La concurrence internationale pour attirer des talents scientifiques rend nécessaire la prise en compte de l’ensemble des dimensions du séjour pour les faire venir (accompagnement à prévoir avant le départ, à l’arrivée et pendant le séjour) et, le cas échéant, les retenir.

Ainsi, les bourses du Gouvernement délivrées par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, dont un quart du budget est consacré aux doctorants et jeunes chercheurs (plus de 15 M€ par an), ont vu leur budget stabilisé afin de maintenir leur contribution à l’attractivité scientifique.

Des progrès ont été accomplis ces dernières années pour améliorer l’attractivité de nos laboratoires auprès des étudiants et chercheurs étrangers, notamment par la mise en place de titres de séjour pluriannuel et le développement de guichets spécifiques qui accélèrent la délivrance des cartes de séjour et améliorent l’environnement de l’accueil. En particulier, afin d’améliorer encore davantage les conditions de délivrance des titres de séjour relevant des dispositifs d’attractivité de la France (notamment le passeport talent chercheur), une circulaire a été adressée aux préfectures à la fin de 2019 portant des consignes très claires tant en termes de simplification de l’instruction de ces demandes que de conditions d’accueil à mettre en place.

Toutefois, des marges d’amélioration subsistent encore quant aux conditions actuelles d’accueil des chercheurs internationaux dans notre pays.

En premier lieu, depuis plusieurs années, des établissements français de l’ESRI, tous statuts confondus (EPSCP, EPST, EPIC, fondations reconnues d’utilité publique), rencontrent des difficultés pour accueillir des doctorants bénéficiaires d’une bourse attribuée sur critère scientifique, que les bourses soient financées par des institutions ou gouvernements étrangers ou par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE). La LPPR vient donc consolider le cadre juridique de ces accueils pour sécuriser ces échanges internationaux indispensables au dynamisme de notre recherche.

Par ailleurs, pour simplifier encore les démarches pratiques, un projet spécifique de dématérialisation porté par le ministère de l’intérieur doit se concrétiser début 2021. Il offrira aux chercheurs la possibilité de faire leur démarche en ligne sans passer par le guichet des préfectures.

E. – Simplifier la vie des laboratoires pour redonner du temps aux scientifiques

La concertation conduite par le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation pour la préparation du projet de loi de programmation a fait apparaître à quel point les chercheurs et enseignants-chercheurs voient leurs missions de recherche, de formation et de transfert bridées du fait de tâches administratives envahissantes, de contraintes multiples et de procédures tatillonnes sur des sujets pourtant indispensables à la vie des laboratoires (accueil de chercheurs étrangers, de stagiaires, achats, remboursement des frais de missions etc.). Alléger les charges administratives qui pèsent sur les laboratoires est l’un des objectifs centraux de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche, ce qui implique notamment de clarifier le cadre juridique des unités de recherche et d’engager dans la durée un chantier d’amélioration continue du fonctionnement et de la vie des laboratoires.

1. Clarifier le cadre juridique des unités mixtes de recherche

Simplifier le fonctionnement des unités de recherche constitue un défi majeur du système d’enseignement supérieur et de recherche français, pointé à de multiples occasions par divers rapports. Les unités mixtes de recherche (UMR) représentent plus de la moitié des unités de recherche de l’ESRI, et celles-ci peuvent relever de nombreuses configurations différentes. Ce paysage complexe est décrit dans le tableau suivant, extrait du rapport d’information n° 1213 déposé par la commission des finances de l’Assemblée nationale en juillet 2018, en conclusion des travaux de la Mission d’évaluation et de contrôle (MEC) sur l’évaluation du financement public de la recherche dans les universités.

Unités de recherche et types d’établissements auxquelles elles sont rattachées *

Établissements d’enseignement supérieur sous tutelle MESRI

Établissements d’enseignement supérieur (autres tutelles)

CNRS

Autres organismes nationaux

Autres établissements

Associations

Établissements d’enseignement supérieur sous tutelle MESRI

Établissements d’enseignement supérieur (autres tutelles)

CNRS

Autres organismes nationaux

Autres établissements

Associations

* Une même unité peut être comptée plusieurs fois si elle est mixte entre trois types d ’ établissements ou plus.

Les dispositions de l’article 11 du projet de loi de programmation posent les bases législatives qui permettront de clarifier et d’unifier la place des unités de recherche dans l’ensemble des établissements publics d’enseignement supérieur et de recherche auxquels elles sont rattachées. Cet article pose les principes d’une déconcentration de la gestion au niveau de l’unité et consolide l’autorité fonctionnelle des dirigeants des établissements publics sur le responsable de l’unité. Ce nouveau cadre juridique permettra d’apporter une réponse concrète à plusieurs des difficultés qui se posent dans la vie quotidienne des laboratoires ; il sera décliné pour toutes les formes d’organisations de la recherche entre les établissements, qu’il s’agisse par exemple des UMR ou des « équipes-projets de recherche ».

2. Donner du temps aux enseignants-chercheurs pour leurs travaux de recherche

Outre la clarification des règles applicables aux laboratoires, il convient d’être attentif au quotidien de ceux qui les font vivre et de reconnaître d’emblée la spécificité des missions d’enseignant-chercheur. Les charges pédagogiques et administratives sont souvent très lourdes dans les universités et elles peuvent accaparer le temps des enseignants-chercheurs, en particulier dans les sciences humaines et sociales. Il est donc essentiel que ces derniers puissent bénéficier plus régulièrement de temps réservés pour se consacrer pleinement à leurs recherches.

Ainsi, à compter de l’année universitaire 2021-2022, les possibilités d’accueil en délégation au CNRS des enseignants-chercheurs du domaine des sciences de l’homme et de la société augmenteront-elles de 50 %, passant ainsi à 300. De même, à compter de l’année universitaire 2022-2023, les capacités d’accueil de l’Institut universitaire de France seront également augmentées afin d’atteindre 200 postes d’ici 2030. Il s’agit d’une première pierre d’une démarche globale visant à donner du temps aux enseignants-chercheurs : le nombre de congés pour recherche ou conversion thématique (CRCT) en sciences humaines et sociales sera également augmenté. Un nouveau dispositif de semestres à l’étranger contribuera à libérer du temps et internationaliser les recherches en sciences humaines et sociales : la mobilité des doctorants et des enseignants-chercheurs dans les meilleurs départements étrangers facilitera la création de réseaux internationaux et les publications en langue anglaise. Ces mesures permettront concrètement d’accroître la disponibilité des enseignants-chercheurs pour réaliser leurs recherches ; elles viendront compléter l’ensemble des démarches engagées depuis deux ans pour reconnaître l’engagement pédagogique des enseignants-chercheurs. L’allègement des tâches administratives des enseignants-chercheurs en sciences humaines et sociales passe non seulement par le renforcement des services administratifs mais aussi, dans le cadre de la politique de site, par la mutualisation de certaines fonctions support au sein d’unités de service comme les maisons des sciences de l’homme.

3. Harmoniser les pratiques entre les agences de financement

Alors que les agences de financement (ANR, mais aussi Ademe, etc.) ont pris une place croissante dans le financement de la recherche et de l’innovation, leurs pratiques sont insuffisamment harmonisées, ce qui engendre de réelles surcharges pour les scientifiques, les laboratoires et les établissements. Une harmonisation est indispensable, pour rapprocher le mieux possible les formats des dossiers, les modalités de leur traitement, les règles de suivi des projets, voire les calendriers des différents guichets de financement. Un portail unique présentant l’ensemble des appels à projets sera mis en place, à l’instar de ce qui existe dans d’autres pays, et il sera progressivement enrichi de nouveaux outils et services à l’attention des porteurs de projets et des bénéficiaires.

En particulier, dans le domaine de la santé, les appels à projets relevant notamment de l’Institut national du cancer, de l’Agence nationale de la recherche sur le sida et les hépatites virales au sein de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, du Programme hospitalier de recherche clinique ont vocation à figurer dans ce portail unique aux côtés des appels à projets de l’Agence nationale de la recherche dans le domaine de la biologie et de la santé. Ce travail sera accompagné d’un rapprochement des modalités de gestion scientifique et financière des projets de recherche financés dans le cadre des agences et programmes nationaux, notamment pour faciliter l’accompagnement de projets alliant recherche translationnelle et recherche clinique.

Le pilotage de ce rapprochement sera réalisé conjointement par le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation et par le ministère des solidarités et de la santé.

4. Lever en continu les sujets de complexité de la vie des laboratoires et des scientifiques

Certains des sujets de complexité de la vie des enseignants-chercheurs et des chercheurs ont une dimension législative et la loi de programmation s’applique à les lever, qu’il s’agisse des conditions de fonctionnement et de gestion des UMR ou de l’accueil dans les laboratoires des doctorants et chercheurs étrangers. Mais beaucoup de ces sujets ne sont pas législatifs : la mise en œuvre des orientations de cette loi doit permettre de poser les jalons d’un chantier d’amélioration continue de la vie des laboratoires et des scientifiques, en cherchant à lever une à une les difficultés les plus couramment identifiées.

Dans cette optique, un premier groupe de travail « usagers » constitué avec des responsables de laboratoires a permis d’identifier une première liste de sujets de complexité ou de difficultés, qui donneront chacun lieu à une démarche d’allègement et d’amélioration. Un chantier expérimental d’harmonisation des règles de gestion a également été mené à la fin de 2019 et au début de 2020 avec une grande université et les quatre EPST partenaires, avec l’accompagnement du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Ces travaux seront poursuivis dans la durée car la simplification de la vie des laboratoires est une ardente obligation pour les établissements de l’ESRI et pour le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Ces travaux feront l’objet d’un suivi régulier, avec un groupe « usagers » : un baromètre de la simplification de la vie des laboratoires sera mis en place et les résultats seront publiés.

En complément de ces travaux sur le fonctionnement et les règles de gestion des unités de recherche, la démarche de travail sur les outils de systèmes d’information et de partage des données sera poursuivie, en y impliquant étroitement les établissements.

III. – Des évolutions indispensables pour notre recherche et notre pays

A. – Accroître significativement les moyens pour la recherche et l’innovation

1. Accroître de 1 Md€ les financements compétitifs de l’Agence nationale de la recherche (ANR) pour être au niveau des standards internationaux

À travers la LPPR, l’État entend insuffler une dynamique nouvelle à la recherche française. Pour ce faire, en complément des financements « de base » des laboratoires, dont les montants seront augmentés en moyenne de 10 % en 2021 et de 25 % à partir de 2023, le financement par appels à projets est un outil majeur et l’Agence nationale de la recherche (ANR) sera l’opérateur principal sur lequel s’appuyer efficacement pour développer ces financements.

Parce qu’il permet une allocation des moyens selon des critères transparents et rationnels, le financement par appels à projets est un vecteur puissant d’un réinvestissement dans la recherche et l’innovation. Toutefois, ce modèle de financement n’est véritablement efficace que s’il se situe à un niveau suffisant, permettant de financer effectivement les projets de qualité et de soutenir les établissements qui créent les conditions de leur émergence.

Ceci n’est clairement pas le cas aujourd’hui en France. Les comparaisons internationales montrent que les moyens actuels de l’ANR sont très insuffisants. En 2018, l’ANR a consacré 518 M€ aux appels à projets de recherche, soit un peu plus de 0, 022 % du PIB. Le standard pour les agences équivalentes est proche de trois à quatre fois ce chiffre : 0, 08 % du PIB pour la Deutsche Forschungsgemeinschaft (DFG) en Allemagne et le Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS) en Suisse, 0, 07 % du PIB pour la Nederlandse Organisatie voor Wetenschappelijk Onderzoek (NWO) aux Pays-Bas. Même en montants absolus, le niveau d’engagement de l’ANR en France est actuellement inférieur à celui de la Suisse ou des Pays-Bas.

Cette insuffisance de financement conduit à une faiblesse des taux de succès aux appels à projets (AAP) qui fragilise la confiance dans ce mode de financement. Vers 2014, lorsque le taux de succès aux appels à projets de l’ANR a été au plus bas (11 %), l’écart perçu entre le temps de préparation d’un projet et l’espoir d’un financement était devenu dissuasif ; de nombreux projets jugés excellents n’étaient pas financés, avec des conséquences sévères sur la mobilisation des communautés scientifiques et l’émergence chez les chercheurs d’un sentiment d’injustice : avec des taux aussi faibles, il n’est pas possible de discriminer de façon sérieuse entre les projets excellents, et la sélection finale est inévitablement peu fondée. Ce taux de succès trop bas conduit également à privilégier des projets consensuels, au détriment de projets plus risqués, potentiellement disruptifs. Malgré une remontée du taux de succès, le niveau actuel à 16 % (2018) ne suffit pas à pleinement rétablir la confiance, ni surtout à financer tous les projets excellents.

La hausse du taux de succès est indispensable pour soutenir la recherche et l’innovation de qualité, en particulier les projets les plus risqués et originaux. Le taux de succès « cible » se situe à 30 %, ce qui nécessite une augmentation substantielle des moyens de l’ANR.

Cette augmentation des moyens de l’ANR doit également se traduire par une meilleure prise en compte de la diversité des besoins des disciplines et des projets de recherche. Il est impératif que ses modes d’intervention permettent de financer effectivement les bons projets, qu’ils s’inscrivent dans des démarches connues ou qu’ils soient disruptifs, dans tous les domaines scientifiques et de façon adaptée aux besoins de chacun, ce qui peut impliquer notamment une variabilité dans les montants alloués aux projets afin de mieux prendre en compte les projets peu coûteux comme ceux qui nécessitent des financements élevés. Une offre de financement adaptée à la demande profitera à l’ensemble des disciplines, particulièrement aux sciences humaines et sociales. Par ailleurs, la durée des projets de l’ANR doit effectivement permettre de se concentrer sur le projet de recherche pendant plusieurs années, afin d’éviter de multiplier les dépôts de projets.

Aujourd’hui, le niveau moyen de financement d’un projet multi-équipes sélectionné par l’ANR est proche de 350 k€ sur trois ans. Ce niveau est insuffisant pour bien soutenir les projets les plus ambitieux et impose aux chercheurs de multiplier les dossiers de demandes, au détriment du temps consacré à la recherche. Un accroissement de la durée des financements, et donc de leurs montants moyens, tout en conservant des formes d’appels à projets adaptées à chaque domaine de recherche, permettra de se rapprocher des standards internationaux et de mieux couvrir les besoins des laboratoires sur la durée.

Dans cette perspective, l’agence continuera à consacrer une part substantielle de ses moyens au soutien de projets de recherche non ciblés et s’adressant à toutes les communautés scientifiques et à tous les acteurs publics ou privés impliqués dans la recherche française, en veillant à adapter ses formes d’intervention aux besoins de tous les domaines de recherche, et à les articuler avec les programmes européens pour favoriser la participation des équipes françaises à ces derniers. Elle poursuivra son soutien spécifique à des projets proposés par des jeunes chercheurs ainsi qu’à des actions de recherche technologique et partenariale. Elle sera un outil central pour contribuer à l’ouverture de la science vers la société, et pour contribuer à accroître l’apport de la recherche à l’ensemble des politiques publiques portées par l’État et les collectivités territoriales. Dans cette optique, l’élaboration de la programmation annuelle des appels à projets de l’ANR fera l’objet d’un travail interministériel renforcé, animé par le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation et articulé avec les travaux auxquels participent les alliances de recherche.

Dès 2021, l’ANR renforcera sa stratégie globale de réalisation et de diffusion d’études d’impact transverses, à la fois sur l’analyse de son offre de recherche et sur l’étude de l’effet des financements sur la production scientifique nationale (et sur la valeur économique produite). Produire de telles études permettra de mieux étayer ses propositions concernant la programmation, analyser les points forts et les points faibles de la recherche française en vue des décisions interministérielles et viendra enrichir la prospective scientifique.

Des moyens spécifiques seront consacrés à la recherche sur les cancers pédiatriques. Les parlementaires, associés à l’élaboration des actions destinées à mieux comprendre ces cancers et à améliorer les chances de guérison, seront tenus informés des progrès réalisés.

2. Mobiliser indirectement les financements de l’ANR pour soutenir les laboratoires et les établissements

Le préciput, part du financement qui revient non pas au porteur du projet mais aux établissements qui y participent, représente un complément de financement important pour ces établissements, permettant notamment de couvrir les coûts indirects induits par le projet.

Ce mécanisme est utilisé à l’échelle mondiale comme levier de financement des laboratoires et des établissements : aux États-Unis, les taux de préciput sont fixés au plan fédéral et peuvent atteindre des niveaux très élevés, jusqu’à 90 % dans les universités les plus prestigieuses. En Allemagne, ce taux est de 22 % pour la DFG qui finance les projets au coût complet. En France il est d’environ 19 %, mais il n’est calculé que sur le coût marginal des projets, ce qui correspond au mode de financement par l’ANR (sauf cas particulier) ; ce faible niveau de préciput ne permet pas de couvrir l’ensemble des coûts indirects, avec la conséquence paradoxale que ce sont les établissements les plus performants qui sont pénalisés par ce déficit de financement car ce sont eux qui gèrent le plus de projets lauréats.

Un niveau de préciput sensiblement plus important est nécessaire pour induire un processus vertueux. Il permettra de couvrir réellement les coûts d’environnement tout en donnant aux laboratoires et aux établissements une capacité supplémentaire pour mettre en œuvre leur politique scientifique et financer des actions dans le cadre de leurs priorités : soutien à l’écosystème local, politique d’attractivité et d’émergence, financement d’équipements scientifiques ou encore de personnels de soutien, etc. Un taux de préciput cible fixé à 40 % répond à ces enjeux et permettra ainsi d’associer le financement sur projet et le financement de base des laboratoires.

3. Investir pour porter les équipements et infrastructures de recherche au meilleur niveau international

L’utilisation d’équipements et d’infrastructures de qualité, régulièrement renouvelés, conformes aux standards internationaux, est devenue dans tous les domaines scientifiques une condition impérative de compétitivité et de rayonnement au niveau international. Ces équipements et infrastructures sont à la base de grandes découvertes scientifiques, et constituent un élément essentiel de l’efficacité et de l’attractivité de la recherche d’un pays. Outre les équipements et infrastructures de pointe indispensables pour l’exploration de la matière dans les domaines de la physique, la chimie, les sciences de la terre et les sciences de la vie, les besoins de plateformes liés à l’essor du numérique, au calcul, à l’utilisation des grandes masses de données et à l’ouverture des données de la recherche concernent tous les domaines scientifiques.

Il est donc indispensable d’investir pour porter et maintenir les équipements et infrastructures de recherche au meilleur niveau international. Les moyens mis en place seront dédiés d’une part au financement des équipements mi-lourds des laboratoires de recherche, d’autre part aux investissements pour les jouvences, les renouvellements et les projets nouveaux concernant les infrastructures de recherche nationales.

Les infrastructures et les données numériques doivent faire l’objet d’une attention particulière et leur soutien sera renforcé pour répondre aux besoins et garantir la place de la France dans le calcul intensif et dans le stockage des données. Cela s’accompagnera d’une politique de formation à l’ouverture et à la qualité des données et à la sécurité des systèmes d’information. La préservation de notre souveraineté, de notre autonomie et la protection de l’ensemble de nos infrastructures scientifiques est en effet un enjeu primordial. L’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information remettra tous les deux ans au ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, par le biais de son observatoire de la résilience de l’internet français, une évaluation des pratiques des établissements de l’enseignement supérieur et de la recherche.

4. Accélérer l’effort de recherche grâce aux programmes prioritaires de recherche

Créés dans le cadre du troisième programme d’investissements d’avenir (PIA3), les programmes prioritaires de recherche (PPR) ont permis à l’État de mettre en œuvre un ensemble d’actions de recherche et d’innovation concrétisant des priorités stratégiques, grâce à un pilotage et des outils adaptés à chaque PPR, dont la coordination opérationnelle est confiée à un ou plusieurs organismes de recherche. Il s’agit donc d’un véritable outil stratégique permettant de traduire des priorités nationales en programmation opérationnelle et marquant la volonté de réunir toutes les forces vives de la recherche autour d’un grand objectif, à l’instar des premiers PPR engagés :

– « Make our planet great again » (MOPGA), avec une coordination par le CNRS ;

– intelligence artificielle, avec une coordination par Inria ;

– cultiver et protéger autrement, avec une coordination par l’Institut national pour la recherche agronomique (INRA) devenu l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) ;

– sport de très haute performance, avec une coordination par le CNRS ;

– antibiorésistance, avec une coordination par l’Inserm ;

– maladies rares, avec une coordination par l’Inserm.

Ce cadre a permis de mettre en place pour chaque PPR un copilotage effectif d’objets prioritaires de recherche par le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation et le ou les autres ministères concernés. En lien avec les stratégies de transition portées par l’État et les priorités définies au sein du Pacte productif, ces actions seront amplifiées dans les prochaines années et un cadre de travail interministériel sera mis en place pour préparer leur programmation.

B. – Amplifier les interactions entre la recherche et l’ensemble de la société

La loi de programmation pluriannuelle de la recherche porte aussi une ambition majeure : rendre possible l’avènement d’une science plus ouverte vers les citoyens pour reconsolider le lien démocratique au plus près des territoires et au service de la société française et européenne, capable d’irriguer l’ensemble des activités de la Nation pour renforcer la compétitivité de notre économie.

Cette ambition doit être concrétisée, à l’échelle nationale comme régionale, par une association étroite de l’ensemble des parties prenantes s’attachant à une cohérence entre les stratégies européenne et française menées en faveur du développement de la recherche et de l’innovation, ainsi que sur leurs résultats.

Les apports de la recherche sont multiples : des nouveaux savoirs indispensables pour former au meilleur niveau les jeunes générations ; des démarches et des connaissances pour comprendre les transformations du monde et pour relever les défis auxquels sont confrontées nos sociétés et notre planète ; des expertises et des innovations sociales utiles pour les politiques publiques de l’État et des collectivités territoriales ; des compétences et des savoir-faire pour affronter les questions nouvelles et imaginer des solutions innovantes dans l’ensemble de nos activités, publiques et privées ; des innovations technologiques qui sont une part essentielle de la compétitivité de nos entreprises et qui feront les champions industriels de demain. La recherche a aussi une contribution unique au rayonnement européen et international de la France, à son attractivité ainsi qu’à nos échanges culturels, intellectuels, scientifiques et économiques avec les pays voisins et dans le monde entier.

Tous ces apports, venant de tous les domaines et toutes les communautés scientifiques, doivent être et seront amplifiés sur la période 2021-2030, et c’est ici que l’investissement majeur réalisé par l’État en faveur de la recherche prend tout son sens.

Renforcer la place de la science dans la société

Au-delà de la réponse aux grands défis auxquels nous faisons face, rénover la place de la science dans la société est également un impératif pour l’avenir de notre démocratie. La science est un des socles de notre modèle républicain et cette fonction lui confère les plus grandes responsabilités : elle suppose de porter la plus grande attention à l’exemplarité, l’impartialité et la représentativité de la communauté scientifique ainsi qu’aux questions d’intégrité scientifique et de déontologie, sur lesquelles se noue le pacte de confiance entre la recherche et la société. Elle implique aussi une évolution de la posture des scientifiques dans leur relation avec les citoyens : ils ne peuvent plus se contenter d’affirmer une parole scientifique qui serait reçue comme une vérité « descendante » par des citoyens passifs, ils doivent s’engager dans un véritable dialogue où s’expriment non seulement les savoirs scientifiques mais aussi les analyses de leurs limites, les doutes ou les questions qu’ils soulèvent. Pour les scientifiques, ce nouveau mode de relation, plus riche et plus interactif, exige de se mettre davantage à l’écoute des attentes et des questions de la société ; pour les citoyens, il suppose d’avoir accès à une information de qualité qui leur permet de comprendre les avancées scientifiques et technologiques, de discuter de leurs enjeux et d’y participer.

Le partage de la culture scientifique, technique et industrielle est donc un enjeu plus fort que jamais. De nombreux publics s’intéressent aujourd’hui à la science grâce aux multiples actions de l’État, des régions, des établissements de recherche et d’enseignement supérieur, des associations ou des médias, mais aussi d’autres lieux de diffusion et de médiation des savoirs comme les musées des sciences notamment. Dans la perspective de réinvestissement dans la recherche portée par la LPPR, des initiatives nouvelles et ambitieuses seront mises en place, avec ces acteurs, en réaffirmant l’importance de l’action de médiation humaine portée notamment par les lieux de diffusion et de médiations des savoirs et par une indispensable diversité d’acteurs associatifs qu’il faudra soutenir. Les actions suivantes seront lancées dans les premières années de la LPPR :

– créer, à l’instar d’autres pays (Allemagne, Australie, Japon, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni), une dynamique d’actions ou un réseau « Science et médias », qui pourrait être territorialisé par un nombre limité d’initiatives organisées autour de l’université locale et de ses partenaires, pour développer les relations et permettre la mise en contact rapide entre journalistes et chercheurs, favoriser l’accès des citoyens à une information scientifique fiable et accroître l’apport d’éclairages scientifiques dans les débats publics sur les grands sujets actuels. Pour accompagner et soutenir les créations de contenus, l’Agence nationale de la recherche renforcera ses partenariats avec les acteurs publics de l’audiovisuel (Radio France, France Médias Monde, France Télévisions, Centre national du cinéma et de l’image animée, Institut national de l’audiovisuel) afin de collaborer sur des actions et appels à projets communs de diffusion dans la société de la culture et des métiers scientifiques, de vulgarisation des connaissances scientifiques et de médiatisation de la controverse scientifique ;

– développer des opérations de proximité du type « un chercheur ou une chercheuse par classe » permettant de sensibiliser les jeunes scolaires aux enjeux et aux apports de la science, via des partenariats mobilisateurs entre les établissements de l’ESRI et l’éducation nationale ou encore l’enseignement agricole, avec une attention particulière aux écoles, collèges et lycées des zones rurales et périurbaines ;

– développer les dispositifs d’interface Sciences-Société telles que les Boutiques des Sciences ;

– consacrer au moins 1 % du budget d’intervention de l’ANR au partage de la culture scientifique, via des appels à projets dédiés mais aussi en finançant un volet « recherche participative » ou un volet « culture scientifique » dans le cadre des projets de recherche « volontaires », en partenariat avec les acteurs de la culture scientifique, technique et industrielle, et en soutenant des programmes de médiation scientifique et des initiatives remarquables d’associations de la société civile participant à des projets de recherche financés par l’ANR. L’ANR et le Fonds pour le développement de la vie associative détermineront, au titre d’une expérimentation de soutien aux associations de diffusion, de partage et de médiation de la culture scientifique, une convention partenariale afin de collaborer sur des actions et appels à projet communs ;

– inscrire dans les référentiels l’engagement dans la culture scientifique, technologique et industrielle comme un critère de progression professionnelle pour les enseignants-chercheurs, afin de valoriser leur engagement dans la médiation des sciences pour le grand public ;

– ouvrir de nouvelles capacités d’accueil, notamment dédiées à la médiation scientifique, au sein de l’Institut universitaire de France afin de participer à l’amélioration du dialogue entre la recherche scientifique et technologique et l’ensemble de la société.

Dans le cadre de la présente programmation, le CNRS décernera chaque année une médaille récompensant un chercheur s’étant illustré dans le domaine de la médiation scientifique. Il décernera également un prix annuel récompensant un chercheur dont les travaux sur la médiation scientifique auront été reconnus.

Dans le cadre de la présente programmation, l’INRAE, en lien avec le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, décernera chaque année un prix pour récompenser les travaux d’un chercheur ou d’une équipe portant sur la recherche participative.

Dans le cadre de la présente programmation, afin d’accompagner l’émergence d’une nouvelle génération de chercheurs et d’enseignants-chercheurs sensibilisés aux enjeux de la médiation scientifique et, plus largement, de toutes les formes de dialogue et de partenariat entre le monde académique et scientifique et la société civile, les écoles doctorales seront incitées à proposer des modules spécifiques de formation pour leurs doctorants afin de les accompagner dans la transmission et la diffusion de leur démarche scientifique et des résultats de leurs recherches. Ces modules pourront ainsi faciliter la présentation de travaux complexes à destination d’un public non spécialiste, contribuer à développer le dialogue et la transmission des connaissances et appuyer plus directement les décideurs publics, les associations et les entreprises. Ils pourront également former à la traduction en application industrielle et au transfert de technologie ainsi qu’à l’entrepreneuriat.

Le Gouvernement proposera, avant le 31 décembre 2022, aux organismes de recherche, aux conférences d’établissements et aux mouvements associatifs une charte d’engagements réciproques afin de dynamiser les coopérations aussi bien à l’échelle nationale que territoriale. Cette charte facilitera ainsi la diffusion des outils et des dispositifs mis en œuvre à travers la présente programmation au service d’un meilleur dialogue entre la science et la société.

À moyen terme, d’autres actions seront également mises en place :

– développer les projets de « sciences participatives » auxquels contribuent des citoyens, parfois de façon massive, et les projets de recherche ou de diffusion de la culture scientifique menés en coopération entre associations et établissements de l’ESRI ;

– développer des projets de science citoyenne co-élaborés par des chercheurs et des publics d’horizons divers associant des citoyens à la définition de sujets d’investigation et les confronter à la pratique de la recherche en laboratoire, de l’expérimentation jusqu’à la présentation des résultats ;

– créer un concours « Mes recherches en 4 minutes » – sur le modèle de « Ma thèse en 180 secondes » – pour développer les présentations « grand public » des travaux de recherche ;

– développer des recherches sur les relations entre science et société afin de mieux appréhender les évolutions du rapport que les citoyens entretiennent à la science, des usages qui en sont faits et des réceptions des discours scientifiques ;

– mettre en place un débat citoyen périodique sur les orientations prioritaires de la politique de recherche nationale ;

– développer les formations des chercheurs au dialogue avec des non-spécialistes ou des spécialistes d’autres sciences, à la « controverse scientifique », et à l’apport d’expertise auprès de décideurs politiques, en vue notamment de développer ces expertises ;

– développer les relations de l’ESRI avec les lieux de diffusion et de médiation des savoirs, les associations et musées de sciences, les écoles d’art et le monde de l’art et de la culture ainsi que, le cas échéant, avec les collectivités territoriales qui les portent ou qui contribuent à leur financement ;

– développer les relations de l’ESRI avec le Conseil économique, social et environnemental afin de contribuer, par l’expertise scientifique, à l’éclairage des pouvoirs publics et du débat citoyen ;

– conforter le rôle d’Universcience (l’établissement public du palais de la Découverte et de la Cité des sciences et de l’industrie) comme opérateur de diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle, en étroite relation avec le monde de la recherche et de la culture, notamment grâce au développement des outils de médiation numérique ;

– permettre à tous les élèves, au cours de leur scolarité, de découvrir au moins un établissement dédié à la culture scientifique, technique et industrielle ;

– lancer une campagne nationale d’information sur les filières et métiers des sciences, technologies, ingénieries et mathématiques (STEM) et leur utilité sociale à destination des filles en priorité, mais aussi leurs familles, et plus largement le grand public, en réfutant les idées fausses couramment admises et en valorisant les parcours atypiques ;

– développer le mentorat, les actions de marrainage et de parrainage, en soutenant notamment les associations qui les mettent en œuvre.

Le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, notamment grâce aux rapports annuels remis par les établissements, recense les bonnes pratiques en matière d’égalité entre les femmes et les hommes et organise la communication de celles-ci.

De nombreuses autres mesures mentionnées dans le présent rapport contribueront aussi à l’ouverture de la communauté scientifique vers l’ensemble des acteurs de la société, notamment les entreprises et les collectivités publiques. On peut citer notamment les dispositions visant à accroître les financements et la qualité de la formation doctorale et à favoriser l’insertion professionnelle des docteurs, ou celles qui pousseront chaque grand pôle universitaire à intensifier ses relations avec les acteurs économiques de son territoire et à mettre en valeur ses compétences et expertises. De nouveau, il faut souligner que ces mesures concernent toutes les communautés scientifiques, des sciences de l’homme et de la société jusqu’aux sciences exactes.

En coopération avec l’ensemble des acteurs de leurs écosystèmes territoriaux, il appartient notamment aux établissements publics de contribuer à l’effort commun d’innovation au service de la transition sociale, écologique et économique. La multiplication de laboratoires vivants enracinés dans les territoires est un accélérateur pour l’Université comme pour les entreprises, associations et collectivités partenaires.

Sur un autre plan, la politique de science ouverte, qui promeut la diffusion libre des publications et, autant que possible, des données de la recherche, est un des leviers de cette refondation de la place des chercheurs dans la société. Elle saisit toutes les opportunités offertes par le numérique pour libérer le potentiel scientifique, économique, politique et culturel de la recherche et elle permet l’accès de tous – citoyens, étudiants, associations, entreprises, etc. – aux savoirs issus de la recherche. Le plan national de science ouverte porté par le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation avec les établissements de l’ESRI, appuyé sur le fonds national de la science ouverte lancé en 2019, a donné une impulsion dont les premiers effets sont déjà bien visibles ; il sera poursuivi, amplifié et complété par une politique de soutien à l’édition car la vitalité de l’édition scientifique est une des conditions de la vitalité de la recherche. Par ailleurs, des travaux seront engagés pour faciliter l’accès à certaines données détenues par des personnes morales de droit privé qui pourraient être d’intérêt pour l’ensemble de la recherche publique et qui seraient ainsi considérées comme des données d’intérêt général.

2. Densifier les relations de la recherche publique avec les entreprises

Comme tous les pays qui choisissent de renforcer leur investissement dans la recherche publique, la France en attend, en retour, un accroissement de la contribution de la science à la compétitivité des entreprises – petites, moyennes et grandes – et à la création de valeur et d’emplois. Si des progrès sensibles ont été réalisés au cours des dix dernières années, notamment en matière de création de structures innovantes, renforcer l’impact de la recherche et de l’enseignement supérieur publics sur l’innovation, au service de la société et des entreprises, reste une priorité majeure du Gouvernement. Il faut répondre à trois urgences :

– augmenter très significativement l’ampleur et la profondeur des interactions entre la recherche publique et les entreprises ;

– simplifier, fluidifier et accélérer le transfert des savoir-faire et des technologies vers les entreprises afin de révéler tout le potentiel de recherche partenariale et d’innovation de l’ESRI ;

– et favoriser la création de nouveaux leaders industriels fondée sur les découvertes et technologies de rupture issues de la recherche, comme d’autres pays l’ont fait, mieux que nous, depuis deux ou trois décennies.

Dans cette optique, la présence de docteurs dans la sphère privée est décisive pour poser les fondements d’une culture d’innovation plus ambitieuse dans nos entreprises et de relations accrues entre le monde économique et la recherche publique. L’augmentation du recrutement de docteurs au sein des entreprises sera favorisée par la création d’un « contrat doctoral » dans le code du travail – en complément des mesures non législatives prises pour améliorer « l’employabilité » des docteurs formés dans les laboratoires publics.

Par ailleurs, les dispositions de la « loi Allègre » de 1999 sont élargies pour ouvrir le champ des situations où les personnels de la recherche publique peuvent être autorisés à apporter leur concours à une entreprise valorisant des travaux de la recherche publique. Plusieurs autres dispositions facilitent les mobilités public-public et public-privé des personnels de la recherche et ouvrent largement les possibilités de cumul d’activités à temps partiel, par exemple entre un laboratoire public et une entreprise.

Outre ces mesures législatives, une part des moyens nouveaux apportés par la LPPR durant la période 2021-2030 sera dédié à l’innovation. Ceci inclut en premier lieu toutes les actions de mobilisation focalisées sur un objectif ambitieux : créer cinq cents start -up de haute technologie par an à partir de 2030, à comparer à environ cent soixante-dix aujourd’hui. L’entrepreneuriat étudiant et la création de start -up, notamment les start -up de haute technologie, seront des priorités de chaque établissement de l’ESRI. L’accroissement des moyens dévolus à la maturation et à l’accompagnement des projets permettra d’accompagner cette dynamique.

Un effort résolu est aussi entrepris, avec les organismes et les universités et écoles, pour augmenter l’efficacité et l’agilité du transfert des connaissances et des technologies de la recherche publique vers les entreprises. Dans ce registre, une action emblématique sera la labellisation d’au moins quinze « pôles universitaires d’innovation » (PUI) : ce label, qui tiendra compte des spécificités et contraintes territoriales, consacrera la mise en place, à l’échelle d’un grand site universitaire, sans création de nouvelle structure, d’une organisation à même de rendre plus lisible l’offre de transfert de connaissances et de technologies et de fluidifier les relations et les partenariats public-privé, notamment en réduisant les délais de contractualisation et de transfert. Ces PUI permettront ainsi aux sites universitaires de se doter d’une stratégie consolidée en vue d’organiser de manière opérationnelle les échanges avec le monde économique de leur territoire, en associant étroitement les acteurs du site engagés dans les activités de transfert et de recherche partenariale : universités, organismes, société d’accélération du transfert technologique, incubateur, institut de recherche technologique, etc. Une autre mesure emblématique sera la création, au sein de l’Institut universitaire de France (IUF), d’une voie « Innovation » qui permettra de « donner du temps » à des enseignants-chercheurs qui sont engagés dans un projet d’innovation ou de création d’entreprise ou qui développent des recherches en partenariat avec une ou plusieurs entreprises, ou bien encore dans des nouvelles formes de recherche participatives à intérêt sociétal.

Dans le même temps, les entreprises – et les laboratoires – seront incitées à investir dans des activités de recherche partenariale, via un renforcement des dispositifs qui ont fait la preuve de leur pertinence et de leur efficacité. Le nombre des conventions CIFRE, qui soutiennent les travaux d’un doctorant accueilli dans une entreprise, une collectivité territoriale, une fondation reconnue d’utilité publique ou une association, en lien avec un laboratoire public, sera augmenté de 50 % d’ici à 2027. À ce titre, un effort particulier sera réalisé pour améliorer le recours au dispositif des CIFRE par les associations, les collectivités territoriales, le secteur marchand à but non lucratif comme l’économie sociale et solidaire ou encore pour les groupements professionnels qui ne représentent aujourd’hui que 6 % du total des structures d’accueil. Le nombre des chaires industrielles financées par l’ANR pour soutenir l’investissement en R&D du secteur privé en lien avec le secteur académique, sera également doublé. Il en sera de même pour le programme « Labcom » financé par l’ANR, qui permet de soutenir la création de laboratoires communs entre un laboratoire public et une PME ou une ETI. Le dispositif des instituts Carnot, qui distingue des laboratoires publics pour le haut niveau et le professionnalisme de leurs travaux de recherche contractuelle avec des entreprises, fera l’objet d’un effort similaire : le montant des crédits dédiés au financement incitatif qui leur est attribué sera plus que doublé au cours de la période de la LPPR. Une réflexion sera aussi engagée en vue de renforcer de façon sélective, en lien avec les régions, les plateformes technologiques publiques et de développer leurs liens avec les PME et les ETI. Des indicateurs de suivi de ces dispositifs seront définis. Des outils de simplification seront définis, tels que des cahiers des charges types pour la valorisation ou des modèles de clauses types dans les contrats de partenariat. Des formules de financement à la carte, telles que des coupons, pourront être définies pour soutenir le développement des missions d’expertise de doctorants auprès de petites et moyennes entreprises.

D’autres actions visent à encourager les rencontres et le dialogue entre les laboratoires et les entreprises, pour développer la connaissance mutuelle, les collaborations ainsi que les projets et programmes partagés. Un nouveau dispositif de « convention industrielle de mobilité en entreprise des chercheurs » (CIMEC) sera lancé : jouant en quelque sorte pour les chercheurs le rôle que jouent les conventions CIFRE pour les doctorants, les CIMEC favoriseront la mobilité des chercheurs et enseignants-chercheurs désireux de travailler à temps partiel en entreprise dans le cadre d’un partenariat avec un laboratoire public. Sur un autre plan, un représentant de haut niveau du monde académique, missionné conjointement par le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation et le ministère de l’économie et des finances (MEF), siège désormais au sein du bureau de chaque comité stratégique de filière du Conseil national de l’industrie, afin de contribuer à développer les relations et coopérations entre chaque filière industrielle et les laboratoires académiques.

Ces actions destinées à développer l’innovation et accroître l’impact économique de la recherche publique devront aussi s’inscrire dans une perspective européenne, voire internationale. La participation des acteurs français, publics et privés, au programme-cadre de recherche et d’innovation Horizon Europe mis en place par la Commission européenne pour la période 2021-2027, qui inclura plusieurs nouveaux instruments dédiés à l’innovation sociétale et à la croissance des entreprises innovantes, constitue à cet égard un enjeu majeur et un rendez-vous à ne pas manquer (voir infra).

Toutes ces actions soutenues dans le cadre de la LPPR permettront donc de renforcer les capacités d’innovation et la compétitivité des entreprises françaises en augmentant leurs interactions avec la recherche publique. Elles amélioreront l’efficacité des dispositifs de transfert, de recherche partenariale, de mobilité des chercheurs et de soutien à la création de start -up issues de la recherche publique. Leur mise en œuvre sera articulée avec celle des autres programmes et actions mis en place par le gouvernement, notamment avec les stratégies de transition (écologique, énergétique, numérique, etc.), le Pacte Productif 2025, les grands défis d’innovation de rupture et les autres actions soutenues dans le cadre des programmes d’investissements d’avenir (PIA) et les actions d’investissement dans le domaine de l’innovation portées par BpiFrance. La synergie entre toutes ces actions, dans le cadre d’un pilotage interministériel renforcé, doit permettre de mieux appuyer nos stratégies de politique industrielle sur les atouts de notre recherche, de choisir les domaines sur lesquels nous pouvons investir avec ambition pour bâtir à partir de nos forces de recherche scientifiques et technologiques de vrais succès industriels, et de se doter d’outils permettant de financer des projets à forte intensité technologique susceptibles d’apporter des innovations de rupture.

Cette priorité de renforcer les relations de la recherche avec les entreprises vaut également pour les acteurs de l’économie sociale et solidaire. L’économie sociale et solidaire regorge, en effet, de structures très innovantes dans des secteurs directement reliés à la science et à la recherche, en particulier dans les domaines de la transition énergétique, de la lutte contre le réchauffement climatique et de la protection de la biodiversité.

3. Mieux reconnaître les activités d’innovation et de diffusion de la culture scientifique dans les carrières des personnels

Pour que les personnels de la recherche soient également incités à s’investir davantage dans des activités d’innovation ou dans les relations avec la société, il est indispensable que leur évaluation prenne en compte ces activités et permette de les reconnaître dans leurs carrières.

Plus largement, l’évaluation doit reconnaître l’ensemble des missions de l’ESRI : l’implication dans les recherches fondamentales et l’avancement des connaissances bien sûr, mais aussi dans l’enseignement et la formation ; dans l’interdisciplinarité et les recherches liées aux défis sociétaux ; dans les projets européens ou les partenariats internationaux stratégiques ; dans les projets d’innovation, le développement de technologies et leur transfert, la création de start -up ou les coopérations avec les entreprises ; dans le dialogue avec la société et la diffusion de l’information et de la culture scientifique et technique, l’expertise en appui aux politiques publiques ; dans la co-construction de problématiques de recherche avec le grand public et la recherche participative ; dans des fonctions collectives ou managériales.

Les derniers contrats quinquennaux signés par le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation avec des organismes incluent un engagement de reconnaissance de toutes ces activités dans le cadre de l’évaluation des personnels : cet engagement s’appuie sur un dispositif qui verra chaque candidat à une promotion présenter son « profil » et mettre en avant ses principales contributions au titre des diverses missions de l’ESRI afin que son évaluation en tienne bien compte. Cette politique sera poursuivie et amplifiée.

C. – Accroître notre engagement dans l’Europe de la recherche et de l’innovation

L’Europe est l’espace où s’inscrit l’avenir de la recherche française. Le partage des connaissances et la promesse de progrès et d’émancipation pour tous portée par la science participent du projet européen. Les actions bilatérales ou multilatérales entre les États, les collectivités et les institutions publiques ou privées et, surtout, les programmes de recherche et d’innovation mis en place par la Commission européenne ont en effet considérablement accru les coopérations entre les acteurs du continent dans ces domaines depuis trente ans. De plus, il est évident que, sur de nombreux sujets, c’est uniquement à l’échelle de l’Europe que nous pouvons espérer rivaliser avec les géants de la recherche que sont les États-Unis et la Chine.

La LPPR ne saurait donc revitaliser durablement la recherche française sans lui donner un élan pour accroître son ouverture et son engagement européens. En particulier, notre participation aux programmes que la Commission européenne s’apprête à lancer pour les années 2021-2027 constitue un enjeu stratégique pour la recherche française au cours de cette période. Dans les domaines de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, ces programmes portent des initiatives nouvelles de grande ampleur dont plusieurs, comme les Universités européennes ou le Conseil européen de l’innovation, ont été lancées à l’initiative ou avec un soutien fort de la France.

Le programme-cadre de recherche et d’innovation (PCRI) représente une part croissante du financement des équipes de R&D françaises publiques et privées, soit en moyenne près d’un milliard d’euros par an depuis le lancement du programme Horizon 2020 en 2014, ce qui positionne la France au rang de troisième bénéficiaire de ce programme derrière le Royaume-Uni et l’Allemagne. Cependant, le taux de participation de la France (c’est-à-dire la part des financements obtenus) est de 11 % en moyenne depuis le début d’Horizon 2020, bien en-deçà de son potentiel estimé au regard de sa part de la R&D européenne (17 %), de son pourcentage de brevets déposés à l’Office européen des brevets parmi les brevets européens (16 %) ou encore de la part de la contribution française au budget européen (16 %). Or, la France présente un taux de succès de 16 %, le plus élevé des pays de l’Union européenne, mais ce bon taux de succès ne permet pas de compenser la faiblesse relative des dépôts de projets (la France représente seulement 8, 5 % des dépôts). Il y a donc un enjeu majeur, pour le prochain programme Horizon Europe, à renforcer les candidatures tout en maintenant un bon taux de succès.

Un plan d’action national d’amélioration de la participation française aux programmes européens de recherche et d’innovation a ainsi été élaboré en 2017-2018 et mis en œuvre depuis 2019 avec un pilotage confié au ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Il se compose d’un ensemble très complet de mesures réparties sur trois grands axes :

– inciter davantage les acteurs français à participer au PCRI et à coordonner des projets ;

– mieux les accompagner pendant toutes les étapes de préparation, de dépôt et de réalisation des projets ;

– et renforcer les capacités d’influence française sur le PCRI et sa mise en œuvre.

La mise en œuvre de ce plan d’action est une des premières priorités du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, en lien avec le MEF et les autres ministères concernés ; elle implique aussi le renforcement de la collaboration État-Régions sur les enjeux des politiques européennes de R&D. Elle doit permettre d’entraîner tous les établissements du dispositif national de l’ESRI, mais la mobilisation et l’accompagnement des entreprises privées sont aussi des enjeux essentiels.

En complément de cet engagement dans les programmes de la Commission européenne, d’autres dynamiques sont à renforcer et plusieurs dispositions prévues dans la LPPR vont avoir des effets positifs importants sur l’intégration des équipes françaises dans l’espace européen de la recherche avec pour objectif de rapprocher le taux de participation française de sa part de R&D européenne (17 %).

Le renforcement des financements et l’alignement des taux de succès de l’ANR avec les autres agences européennes vont faciliter la mise en œuvre d’ap

Source : Données OCDE (PIST -2018 -1) et MESRI pour la France (hors DIRDA de défense).

L’analyse en valeur montre des écarts encore plus marqués. Entre 2000 et 2016, la Chine, la Corée du Sud, l’Espagne, l’Allemagne, les États-Unis, l’UE-28 et le Royaume-Uni ont augmenté leur DIRDA significativement plus que la France.

Les difficultés économiques que nous traversons à la suite de la crise sanitaire rendent d’autant plus important un réinvestissement massif dans la recherche pour éviter qu’elles ne se traduisent par une forte baisse des budgets de R&D qui obérerait durablement notre avenir.

Photo de Roger Karoutchi

Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.

Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…

Le vote est réservé.

Photo de Roger Karoutchi

Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je donne la parole à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

Photo de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le vote qui va avoir lieu est grave et important.

J’aborderai le seul article 3 bis et la question du Conseil national des universités. Ce qui est soumis à notre vote remet en cause une certaine idée française de l’université. Le CNU représente l’examen par les pairs des compétences des enseignants-chercheurs par rapport à la qualité de leurs travaux, par rapport à leurs qualifications, notamment à celle de diriger des recherches. Il peut certes être amélioré, réformé, mais il est proposé ici de mettre fin à une part essentielle de ses attributions, de mettre fin à une certaine idée de la cohérence du service public des universités, de la qualité des enseignements offerts sur l’ensemble de notre territoire.

D’autres modèles existent de par le monde, mais nous tenons au nôtre, et nous ne sommes pas les seuls. Écoutez, madame la ministre, ce que disent un grand nombre d’universitaires attachés au maintien de cette cohérence nationale. Les propos que vous avez tenus ce matin m’ont beaucoup frappé : vous avez dit que cette mesure garantirait enfin la qualité des recrutements, l’autonomie des universités. Les universités sont-elles bridées aujourd’hui parce qu’elles doivent recruter des maîtres de conférence, des professeurs qui ont été reconnus par leurs pairs au sein de leur discipline ? Vous pensez que oui, nous pensons que non.

Avec cette disposition, vous mettez clairement en cause une certaine idée de notre université. Nous y sommes totalement opposés. C’est pourquoi, comme l’a dit excellemment Mme Sylvie Robert, nous saisirons le Conseil constitutionnel.

Photo de Roger Karoutchi

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

Photo de David Assouline

Ce texte devait être le rendez-vous de l’engagement de notre nation pour la recherche. Le débat a suscité beaucoup d’espoirs, parce que le rayonnement économique, culturel, démocratique d’une nation comme la France, sa réussite sont liés à la recherche et non à la puissance militaire. Tout va se jouer là, avec les mutations technologiques qui sont à l’œuvre.

Indépendamment de nos sensibilités politiques, nous pourrions considérer que nous sommes à un moment de notre histoire où nous devons « mettre le paquet » ensemble, comme nous avons su le faire par exemple lors des périodes de reconstruction. L’enjeu est majeur : pour la seule année 2017, et la tendance s’est encore accentuée, Amazon a consacré 22, 6 milliards de dollars à la recherche et développement, Google 16, 6 milliards, Microsoft 12, 3 milliards, Apple 11, 6 milliards ! Faites le calcul : nous, sur dix ans, nous envisageons d’y consacrer 25 milliards d’euros, voire 7 milliards en euros constants, comme l’a démontré notre collègue, mais je ne veux même pas entrer dans cette polémique… Observez l’écart avec les Gafam : ces firmes privées ont une puissance gigantesque !

C’est une question de souveraineté et, franchement, le compte n’y est pas. Je ne vous jette pas la pierre, car cela fait plus de vingt ans que les politiques ne sont pas à la hauteur, malgré les efforts de certains parlementaires, y compris quand leurs amis sont au Gouvernement. Quoi qu’il en soit, vous prétendiez rompre avec cette inertie : ce n’est pas le cas, c’est un rendez-vous manqué.

Je ne développerai pas non plus l’incroyable recul au sujet du CNU.

Photo de David Assouline

M. David Assouline. Heureusement, il y aura d’autres rendez-vous nationaux, et j’espère que nous rectifierons cette trajectoire budgétaire avant dix ans.

Photo de Roger Karoutchi

La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.

Photo de Thomas Dossus

Cette loi aurait pu être une étape pour relancer la recherche française et la sortir du décrochage, mais la durée évidemment trop longue de la programmation, tout le monde l’a souligné, laisse à nos successeurs le gros des efforts budgétaires ; c’est un peu facile.

En revanche, tout ce qui fragilise ou précarise les emplois des chercheurs a bien été retenu en CMP, notamment l’affaiblissement de la qualification par le CNU des candidats aux fonctions de professeur ou de maître de conférences. Évidemment, vous mettez en cause le statut national des enseignements-chercheurs.

Je veux d’ailleurs féliciter M. Hingray, qui a été le seul à assumer cette réforme du système de recrutement dans son intervention, comme la criminalisation du mouvement social et de la pensée minoritaire.

Photo de Stéphane Piednoir

Pas du tout ! Il faut tout écouter dans un débat !

Photo de Thomas Dossus

Mise en concurrence et précarisation, votre dogmatisme libéral est pleinement le moteur de cette loi. Conformément à l’adage « tout ressemble à un clou pour qui ne possède qu’un marteau », le Gouvernement n’a qu’une seule réponse face aux mouvements sociaux : la répression.

Je voterai donc contre ce texte, qui n’est pas à la hauteur de l’enjeu financier et qui plonge l’université dans la compétition permanente.

Photo de Roger Karoutchi

La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

Photo de Pierre Ouzoulias

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis 1873 et le rétablissement de la République, il existe une tradition républicaine qui protège l’indépendance des universitaires de l’arbitraire du pouvoir.

Au sortir de la dernière guerre, nous avons ensemble, par le programme du Conseil national de la Résistance, réaffirmé ce principe par l’ordonnance du 2 novembre 1945. Il s’agissait alors de rompre avec la reprise en main du contrôle du recrutement et des carrières des universitaires par le gouvernement de Vichy. La qualification nationale par une institution indépendante organisée par cette ordonnance peut être considérée, à ce titre, comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République et, donc, comme un principe de valeur constitutionnelle.

Photo de Roger Karoutchi

Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.

Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…

Le vote est réservé.

Photo de Pierre Ouzoulias

Il donne à notre système universitaire son caractère national et républicain, qui le distingue radicalement du système anglo-saxon, dans lequel les universités sont des entreprises et les étudiants leurs clients.

L’expérimentation qui vous est proposée peut sembler de faible portée. Détrompez-vous, chers collègues, elle est le prodrome d’un basculement de notre modèle républicain vers un modèle anglo-saxon, contraire à toutes nos traditions. Je vous demande solennellement de défendre l’université républicaine. Je vous demande de défendre les principes de la République. C’est notre idéal et, comme l’écrivait le poète Paul Éluard : « Laissez-moi seul juger de ce qui m’aide à vivre. »

Vote sur l’ensemble

Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST. – M. Jean Hingray applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je donne la parole à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

C’est ça, le débat contre le séparatisme !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le vote qui va avoir lieu est grave et important.

J’aborderai le seul article 3 bis et la question du Conseil national des universités. Ce qui est soumis à notre vote remet en cause une certaine idée française de l’université. Le CNU représente l’examen par les pairs des compétences des enseignants-chercheurs par rapport à la qualité de leurs travaux, par rapport à leurs qualifications, notamment à celle de diriger des recherches. Il peut certes être amélioré, réformé, mais il est proposé ici de mettre fin à une part essentielle de ses attributions, de mettre fin à une certaine idée de la cohérence du service public des universités, de la qualité des enseignements offerts sur l’ensemble de notre territoire.

D’autres modèles existent de par le monde, mais nous tenons au nôtre, et nous ne sommes pas les seuls. Écoutez, madame la ministre, ce que disent un grand nombre d’universitaires attachés au maintien de cette cohérence nationale. Les propos que vous avez tenus ce matin m’ont beaucoup frappé : vous avez dit que cette mesure garantirait enfin la qualité des recrutements, l’autonomie des universités. Les universités sont-elles bridées aujourd’hui parce qu’elles doivent recruter des maîtres de conférence, des professeurs qui ont été reconnus par leurs pairs au sein de leur discipline ? Vous pensez que oui, nous pensons que non.

Avec cette disposition, vous mettez clairement en cause une certaine idée de notre université. Nous y sommes totalement opposés. C’est pourquoi, comme l’a dit excellemment Mme Sylvie Robert, nous saisirons le Conseil constitutionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Julien Bargeton, pour explication de vote.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Bargeton

Je ne pense pas que cette loi remette en cause le modèle français. Ses apports, importants, ont été enrichis par le Sénat : elle prévoit une trajectoire budgétaire ambitieuse, améliore les carrières, cela a été insuffisamment souligné, renforce l’attractivité de la recherche française et modernise les outils de financement. Elle ne constitue pas un basculement vers je ne sais quel néolibéralisme, qui me paraît être une approche caricaturale.

Je voudrais tout de même rappeler quelques éléments. Entre 2010 et 2015, le budget de l’Agence nationale de la recherche a baissé de 40 %. On peut vouloir plus encore, mais voilà la réalité ! Toujours entre 2010 et 2015, les chercheurs français étaient payés 40 % de moins que la moyenne de l’OCDE. Telle est la réalité ! La loi prend acte de ce décrochage, cela a été dit, et apporte une pierre déterminante à l’édifice pour le corriger. Si elle opérait un basculement dans un autre système que nous ne voulons pas, nous ne serions pas si nombreux dans cet hémicycle à nous y retrouver.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Ce texte devait être le rendez-vous de l’engagement de notre nation pour la recherche. Le débat a suscité beaucoup d’espoirs, parce que le rayonnement économique, culturel, démocratique d’une nation comme la France, sa réussite sont liés à la recherche et non à la puissance militaire. Tout va se jouer là, avec les mutations technologiques qui sont à l’œuvre.

Indépendamment de nos sensibilités politiques, nous pourrions considérer que nous sommes à un moment de notre histoire où nous devons « mettre le paquet » ensemble, comme nous avons su le faire par exemple lors des périodes de reconstruction. L’enjeu est majeur : pour la seule année 2017, et la tendance s’est encore accentuée, Amazon a consacré 22, 6 milliards de dollars à la recherche et développement, Google 16, 6 milliards, Microsoft 12, 3 milliards, Apple 11, 6 milliards ! Faites le calcul : nous, sur dix ans, nous envisageons d’y consacrer 25 milliards d’euros, voire 7 milliards en euros constants, comme l’a démontré notre collègue, mais je ne veux même pas entrer dans cette polémique… Observez l’écart avec les Gafam : ces firmes privées ont une puissance gigantesque !

C’est une question de souveraineté et, franchement, le compte n’y est pas. Je ne vous jette pas la pierre, car cela fait plus de vingt ans que les politiques ne sont pas à la hauteur, malgré les efforts de certains parlementaires, y compris quand leurs amis sont au Gouvernement. Quoi qu’il en soit, vous prétendiez rompre avec cette inertie : ce n’est pas le cas, c’est un rendez-vous manqué.

Je ne développerai pas non plus l’incroyable recul au sujet du CNU.

Debut de section - PermalienPhoto de Max Brisson

J’apprécie Pierre Ouzoulias lorsque, à l’Assemblée nationale, hier, il évoque la Révolution française. Nous avons pu nous retrouver à parler de l’Assemblée nationale constituante et de la Convention. J’ai plus de mal lorsqu’il évoque 1873, mais surtout Vichy. Tout cela manque un peu de raison et cette dramaturgie, cher Pierre Ouzoulias, ne correspond pas aux relations que nous avons habituellement dans cet hémicycle.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

M. David Assouline. Heureusement, il y aura d’autres rendez-vous nationaux, et j’espère que nous rectifierons cette trajectoire budgétaire avant dix ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Max Brisson

J’aimerais d’ailleurs que tous ceux qui se sont élevés contre cet article l’aient vraiment lu…

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Ne nous faites pas le coup de Darmanin ! Nous savons lire !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Max Brisson

Regardons les choses telles qu’elles sont : il s’agit d’une expérimentation, d’une méthode extrêmement encadrée à la fois par l’amendement de Stéphane Piednoir et par les travaux de la CMP. Cela ne mérite certainement pas cette dramaturgie ! Je suis attaché au CNU, à la tradition républicaine de notre université, mais je suis hostile à la défense des corporatismes et, puisque vous évoquez Vichy, je suis hostile à la défense des corporations lorsqu’elles camouflent un réel conservatisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

Cette loi aurait pu être une étape pour relancer la recherche française et la sortir du décrochage, mais la durée évidemment trop longue de la programmation, tout le monde l’a souligné, laisse à nos successeurs le gros des efforts budgétaires ; c’est un peu facile.

En revanche, tout ce qui fragilise ou précarise les emplois des chercheurs a bien été retenu en CMP, notamment l’affaiblissement de la qualification par le CNU des candidats aux fonctions de professeur ou de maître de conférences. Évidemment, vous mettez en cause le statut national des enseignements-chercheurs.

Je veux d’ailleurs féliciter M. Hingray, qui a été le seul à assumer cette réforme du système de recrutement dans son intervention, comme la criminalisation du mouvement social et de la pensée minoritaire.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Carrément ? Vous nous traitez de vichystes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

Pas du tout ! Il faut tout écouter dans un débat !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Emmanuel Capus, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

Mise en concurrence et précarisation, votre dogmatisme libéral est pleinement le moteur de cette loi. Conformément à l’adage « tout ressemble à un clou pour qui ne possède qu’un marteau », le Gouvernement n’a qu’une seule réponse face aux mouvements sociaux : la répression.

Je voterai donc contre ce texte, qui n’est pas à la hauteur de l’enjeu financier et qui plonge l’université dans la compétition permanente.

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

Je m’étonne de l’inconstance de certains sénateurs, notamment sur la procédure de qualification.

Je rappelle qu’un amendement adopté par le Sénat le 16 juin 2013 visait à supprimer cette procédure, reprenant la proposition n° 126 du rapport final des Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Les auteurs de cet amendement de suppression étaient Mme Bouchoux, qui n’est plus sénatrice désormais – elle est conseillère municipale d’Angers –, Mme Blandin, Mme Benbassa et l’ensemble des membres du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis 1873 et le rétablissement de la République, il existe une tradition républicaine qui protège l’indépendance des universitaires de l’arbitraire du pouvoir.

Au sortir de la dernière guerre, nous avons ensemble, par le programme du Conseil national de la Résistance, réaffirmé ce principe par l’ordonnance du 2 novembre 1945. Il s’agissait alors de rompre avec la reprise en main du contrôle du recrutement et des carrières des universitaires par le gouvernement de Vichy. La qualification nationale par une institution indépendante organisée par cette ordonnance peut être considérée, à ce titre, comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République et, donc, comme un principe de valeur constitutionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

Parler aujourd’hui d’une mesure néolibérale ou je ne sais quoi, c’est sans doute un peu trop résumer le débat.

Je tenais à rappeler ce point de détail.

M. Jean Hingray applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Il donne à notre système universitaire son caractère national et républicain, qui le distingue radicalement du système anglo-saxon, dans lequel les universités sont des entreprises et les étudiants leurs clients.

L’expérimentation qui vous est proposée peut sembler de faible portée. Détrompez-vous, chers collègues, elle est le prodrome d’un basculement de notre modèle républicain vers un modèle anglo-saxon, contraire à toutes nos traditions. Je vous demande solennellement de défendre l’université républicaine. Je vous demande de défendre les principes de la République. C’est notre idéal et, comme l’écrivait le poète Paul Éluard : « Laissez-moi seul juger de ce qui m’aide à vivre. »

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.

Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST. – M. Jean Hingray applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Ce temps de débat nous permettra de mieux éclairer la demande de scrutin public que nos collègues du groupe CRCE et nous-mêmes avons formulée.

Madame la ministre, chacun a pu apprécier la conviction avec laquelle vous avez défendu votre texte ce matin, ce qui nous laisse à penser que vous n’êtes pas nécessairement convaincue des choix de la CMP, malheureusement conclusive.

Les trois groupes de gauche vont déposer un recours commun devant le Conseil constitutionnel. Je ne sais pas quel sort lui sera réservé, mais les juristes, y compris ceux qui ne combattent pas votre texte, nous disent qu’il y a vraiment du grain à moudre.

Je regrette que vous vous obstiniez tout le temps à avoir raison contre tout le monde !

Si les universitaires étaient vent debout contre ce texte, il fallait essayer de les écouter. Vous ne l’avez pas fait, et vous en porterez la responsabilité.

Nous n’avons pas la même lecture du mot « compromis », mes chers collègues. Ce n’est pas un compromis, c’est une mauvaise loi, ou plutôt un simple projet de loi, en espérant que la censure du Conseil constitutionnel permette d’aboutir à la vraie loi de recherche qu’attendent les universitaires.

Ces derniers ne sont pas conservateurs, encore moins « vichystes » - j’ose à peine reprendre cette comparaison utilisée par M. Brisson…

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

C’est ça, le débat contre le séparatisme !

Debut de section - PermalienPhoto de Max Brisson

M. Max Brisson. C’est Pierre Ouzoulias qui a évoqué Vichy !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Julien Bargeton, pour explication de vote.

M. Stéphane Piednoir le confirme.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Bargeton

Je ne pense pas que cette loi remette en cause le modèle français. Ses apports, importants, ont été enrichis par le Sénat : elle prévoit une trajectoire budgétaire ambitieuse, améliore les carrières, cela a été insuffisamment souligné, renforce l’attractivité de la recherche française et modernise les outils de financement. Elle ne constitue pas un basculement vers je ne sais quel néolibéralisme, qui me paraît être une approche caricaturale.

Je voudrais tout de même rappeler quelques éléments. Entre 2010 et 2015, le budget de l’Agence nationale de la recherche a baissé de 40 %. On peut vouloir plus encore, mais voilà la réalité ! Toujours entre 2010 et 2015, les chercheurs français étaient payés 40 % de moins que la moyenne de l’OCDE. Telle est la réalité ! La loi prend acte de ce décrochage, cela a été dit, et apporte une pierre déterminante à l’édifice pour le corriger. Si elle opérait un basculement dans un autre système que nous ne voulons pas, nous ne serions pas si nombreux dans cet hémicycle à nous y retrouver.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Mais c’est bien vous, monsieur Brisson, qui avez procédé à un raccourci historique totalement scandaleux.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Max Brisson

J’apprécie Pierre Ouzoulias lorsque, à l’Assemblée nationale, hier, il évoque la Révolution française. Nous avons pu nous retrouver à parler de l’Assemblée nationale constituante et de la Convention. J’ai plus de mal lorsqu’il évoque 1873, mais surtout Vichy. Tout cela manque un peu de raison et cette dramaturgie, cher Pierre Ouzoulias, ne correspond pas aux relations que nous avons habituellement dans cet hémicycle.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Je vous le dis comme je le pense.

Les universitaires demandent simplement de la reconnaissance.

Quoi qu’il en soit, laissons le Conseil constitutionnel faire son travail sans aucune pression, notamment pour contrecarrer la dérive autoritaire que les textes du Gouvernement portent de plus en plus souvent.

Je pourrais évoquer également les textes sur la sécurité globale ou le séparatisme, mais nous aurons largement l’occasion d’y revenir dans cet hémicycle pour défendre les droits de l’homme garantis par la Déclaration de 1789.

Debut de section - PermalienPhoto de Max Brisson

J’aimerais d’ailleurs que tous ceux qui se sont élevés contre cet article l’aient vraiment lu…

M. Jean-Pierre Sueur applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Ne nous faites pas le coup de Darmanin ! Nous savons lire !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Jean-François Rapin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Max Brisson

Regardons les choses telles qu’elles sont : il s’agit d’une expérimentation, d’une méthode extrêmement encadrée à la fois par l’amendement de Stéphane Piednoir et par les travaux de la CMP. Cela ne mérite certainement pas cette dramaturgie ! Je suis attaché au CNU, à la tradition républicaine de notre université, mais je suis hostile à la défense des corporatismes et, puisque vous évoquez Vichy, je suis hostile à la défense des corporations lorsqu’elles camouflent un réel conservatisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

Nous entendons l’amertume des uns, l’opposition des autres – l’ambition aussi de certains –, mais le groupe Les Républicains votera finalement pour ce texte. Je n’aurais pas voulu que le Sénat soit le fossoyeur des budgets 2021 et 2022 de la recherche, et je vous le prouverai bientôt, mes chers collègues, lors de l’examen du projet de loi de finances.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Carrément ? Vous nous traitez de vichystes ?

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Comment pourrait-il en être le fossoyeur puisque c’est l’Assemblée nationale qui a le dernier mot ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Emmanuel Capus, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

Je regrette toutefois que la temporalité des deux textes – PLF et LPR – ne nous ait pas permis de prendre des décisions plus averties et réfléchies.

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

Je m’étonne de l’inconstance de certains sénateurs, notamment sur la procédure de qualification.

Je rappelle qu’un amendement adopté par le Sénat le 16 juin 2013 visait à supprimer cette procédure, reprenant la proposition n° 126 du rapport final des Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Les auteurs de cet amendement de suppression étaient Mme Bouchoux, qui n’est plus sénatrice désormais – elle est conseillère municipale d’Angers –, Mme Blandin, Mme Benbassa et l’ensemble des membres du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Personne ne demande plus la parole ?…

Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble du projet de loi.

J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, l’autre, du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

Parler aujourd’hui d’une mesure néolibérale ou je ne sais quoi, c’est sans doute un peu trop résumer le débat.

Je tenais à rappeler ce point de détail.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

M. Jean Hingray applaudit.

Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 28 :

Le Sénat a adopté définitivement.

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Ce temps de débat nous permettra de mieux éclairer la demande de scrutin public que nos collègues du groupe CRCE et nous-mêmes avons formulée.

Madame la ministre, chacun a pu apprécier la conviction avec laquelle vous avez défendu votre texte ce matin, ce qui nous laisse à penser que vous n’êtes pas nécessairement convaincue des choix de la CMP, malheureusement conclusive.

Les trois groupes de gauche vont déposer un recours commun devant le Conseil constitutionnel. Je ne sais pas quel sort lui sera réservé, mais les juristes, y compris ceux qui ne combattent pas votre texte, nous disent qu’il y a vraiment du grain à moudre.

Je regrette que vous vous obstiniez tout le temps à avoir raison contre tout le monde !

Si les universitaires étaient vent debout contre ce texte, il fallait essayer de les écouter. Vous ne l’avez pas fait, et vous en porterez la responsabilité.

Nous n’avons pas la même lecture du mot « compromis », mes chers collègues. Ce n’est pas un compromis, c’est une mauvaise loi, ou plutôt un simple projet de loi, en espérant que la censure du Conseil constitutionnel permette d’aboutir à la vraie loi de recherche qu’attendent les universitaires.

Ces derniers ne sont pas conservateurs, encore moins « vichystes » - j’ose à peine reprendre cette comparaison utilisée par M. Brisson…

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal

Je voulais vous remercier, monsieur le président, ainsi que les vice-présidents qui ont animé les débats. Je remercie aussi le président de la commission, la rapporteure, les rapporteurs pour avis, les sénatrices et sénateurs qui ont travaillé sur ce texte, les fonctionnaires du Sénat et les collaborateurs parlementaires.

Je vous adresse aussi par anticipation les remerciements de tous les doctorants, qui vont désormais pouvoir être financés à travers des contrats doctoraux, des postdoctorants, qui verront leur situation sécurisée, de toutes les personnes en CDD qui pourront bénéficier d’un CDI – cela facilitera leur vie –, des 250 000 personnels titulaires et contractuels qui font vivre notre recherche en France – dès l’année prochaine, ils verront leur rémunération augmenter – et de l’ensemble de la recherche française.

Ce n’est peut-être pas encore suffisant, mais 400 millions d’euros dès l’année prochaine, c’est jusqu’à huit fois plus que l’effort réalisé lors de précédents quinquennats.

Merci de permettre à tous nos chercheurs de retrouver des moyens à la hauteur de ce qu’ils apportent à notre société !

Debut de section - PermalienPhoto de Max Brisson

M. Max Brisson. C’est Pierre Ouzoulias qui a évoqué Vichy !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.

La séance est suspendue.

M. Stéphane Piednoir le confirme.

La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à seize heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Mais c’est bien vous, monsieur Brisson, qui avez procédé à un raccourci historique totalement scandaleux.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Je vous le dis comme je le pense.

Les universitaires demandent simplement de la reconnaissance.

Quoi qu’il en soit, laissons le Conseil constitutionnel faire son travail sans aucune pression, notamment pour contrecarrer la dérive autoritaire que les textes du Gouvernement portent de plus en plus souvent.

Je pourrais évoquer également les textes sur la sécurité globale ou le séparatisme, mais nous aurons largement l’occasion d’y revenir dans cet hémicycle pour défendre les droits de l’homme garantis par la Déclaration de 1789.

M. Jean-Pierre Sueur applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Jean-François Rapin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

Nous entendons l’amertume des uns, l’opposition des autres – l’ambition aussi de certains –, mais le groupe Les Républicains votera finalement pour ce texte. Je n’aurais pas voulu que le Sénat soit le fossoyeur des budgets 2021 et 2022 de la recherche, et je vous le prouverai bientôt, mes chers collègues, lors de l’examen du projet de loi de finances.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Comment pourrait-il en être le fossoyeur puisque c’est l’Assemblée nationale qui a le dernier mot ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

Je regrette toutefois que la temporalité des deux textes – PLF et LPR – ne nous ait pas permis de prendre des décisions plus averties et réfléchies.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Personne ne demande plus la parole ?…

Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble du projet de loi.

J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, l’autre, du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 28 :

Le Sénat a adopté définitivement.

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal

Je voulais vous remercier, monsieur le président, ainsi que les vice-présidents qui ont animé les débats. Je remercie aussi le président de la commission, la rapporteure, les rapporteurs pour avis, les sénatrices et sénateurs qui ont travaillé sur ce texte, les fonctionnaires du Sénat et les collaborateurs parlementaires.

Je vous adresse aussi par anticipation les remerciements de tous les doctorants, qui vont désormais pouvoir être financés à travers des contrats doctoraux, des postdoctorants, qui verront leur situation sécurisée, de toutes les personnes en CDD qui pourront bénéficier d’un CDI – cela facilitera leur vie –, des 250 000 personnels titulaires et contractuels qui font vivre notre recherche en France – dès l’année prochaine, ils verront leur rémunération augmenter – et de l’ensemble de la recherche française.

Ce n’est peut-être pas encore suffisant, mais 400 millions d’euros dès l’année prochaine, c’est jusqu’à huit fois plus que l’effort réalisé lors de précédents quinquennats.

Merci de permettre à tous nos chercheurs de retrouver des moyens à la hauteur de ce qu’ils apportent à notre société !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à seize heures.