Il s’agit d’un débat difficile à trancher, et plusieurs d’entre nous ont hésité. En effet, nous sommes d’une certaine façon confrontés au supplice de Tantale, parce que les deux causes qui sont en jeu sont justes : d’une part, les collectivités locales et leur autonomie fiscale ; d’autre part, les emplois dans l’industrie manufacturière.
Hier, le Sénat a longuement débattu de l’article 3 de ce projet de loi de finances, et la question de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, a alors été évoquée. Il aurait certainement fallu, monsieur le ministre, ajouter la suppression de la C3S à l’ensemble du dispositif, plutôt que d’en faire une forme de compensation.
De manière plus générale, le mal vient sûrement de plus loin, à savoir de la suppression de la taxe d’habitation que personne n’avait demandée. Au-delà de ce que cette suppression représente en termes de ressources fiscales pour les collectivités, elle vient surtout couper un lien de citoyenneté, mais c’est un autre débat…
En tout cas, je soutiendrai la position du rapporteur général, pour deux raisons.
D’une part, à l’instar de Christine Lavarde et d’autres collègues, il nous proposera dans la suite de nos débats plusieurs amendements, notamment après l’article 22, dont l’adoption permettra de mettre en place des mesures compensatoires sur la CVAE et la CFE, et, par conséquent, de neutraliser l’impact de cette réforme pour les collectivités locales.
D’autre part, la France est, de tous les pays européens, celui qui a connu ces dernières années la plus forte désindustrialisation. En quarante ans, nous avons perdu la moitié de nos emplois industriels, ce qui est terrible en termes de main-d’œuvre, alors même que l’industrie fait la richesse d’une grande nation !
La disparition de ces emplois industriels a un autre effet, qui est moins connu. Comme l’ont montré de jeunes chercheurs de l’école d’économie de Paris, elle entraîne une polarisation du marché du travail : des emplois très qualifiés, payés 50 000 euros, sont remplacés par des emplois moins qualifiés et moins bien rémunérés. C’est cette évolution qui crée dans la société française une tension, un sentiment d’inégalité.
Si nous voulons nous battre pour la réindustrialisation de notre pays, il y a évidemment l’outil des charges sociales, comme le disait Antoine Lefèvre, mais il y a aussi l’outil des impôts de production.
Je n’appuie pas toujours le Gouvernement – il m’arrive même parfois de le critiquer