Intervention de Colette Mélot

Réunion du 10 décembre 2009 à 15h00
Concentration dans le secteur des médias — Suite de la discussion et rejet d'une proposition de loi

Photo de Colette MélotColette Mélot :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souscris à la position de M. le rapporteur, qui a démontré le caractère inadéquat de la proposition de loi que nous examinons.

Notre collègue David Assouline et le parti socialiste s’émeuvent d’une concentration croissante des médias français. Selon les termes de la proposition de loi, le « contrôle » économique de certains médias ferait « nécessairement naître des doutes sur [leur] degré réel de liberté et d’indépendance ». De ce fait, le pluralisme de l’information ne serait pas garanti, aussi bien pour la télévision et la radio que pour le secteur de la presse.

Ce jugement peut surprendre quand on sait que notre pays a adopté un dispositif particulièrement protecteur du pluralisme – d’ailleurs reconnu comme un principe à valeur constitutionnelle – et de l’indépendance des médias.

En ce qui concerne la télévision et la radio, de nombreux articles de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ont fixé des règles anti-concentration précises. Ainsi, la part qu’une même personne peut détenir dans le capital de sociétés de l’audiovisuel est limitée, le cumul d’autorisations de services de radio et de télévision réglementé et la concentration multimédia restreinte. Il faut également souligner que le CSA, in fine, est le garant du respect du pluralisme : il dispose, à cet effet, de pouvoirs d’enquête réels.

En ce qui concerne la presse, on trouve des restrictions à la concentration dans la loi du 30 septembre 1986 précitée, ainsi que dans la loi du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse.

Il existe actuellement une certaine crise de confiance à l’égard de ce secteur, ce qui nous invite à la réflexion. Et je partage le sentiment de M. le rapporteur quand il estime nécessaire de privilégier un renforcement de l’information accessible au grand public sur l’actionnariat des entreprises de presse, dans une démarche de transparence accrue s’accompagnant du respect par la profession de règles déontologiques fondamentales. Telles sont d’ailleurs les préconisations que les états généraux de la presse, réunis l’an dernier, ont formulées, la profession n’ayant pas jugé utile de proposer la modification du dispositif anti-concentration.

Après avoir présenté la réglementation française, je souhaiterais examiner la réalité du paysage médiatique de notre pays aujourd’hui.

En conclusion de son rapport remis en 2005, la commission Lancelot écrit ceci : « La commission n’a pas vu dans l’état actuel de la concentration dans les médias une menace directe pour le pluralisme et la diversité. » Elle relève ainsi que « la liberté de choix [pour le consommateur] a globalement progressé depuis une dizaine d’années ».

Dans le secteur de la télévision, l’offre, qui, comme chacun sait, se réduisait à trois chaînes publiques il y a vingt ans, a littéralement explosé à la suite du lancement de la TNT – dix-huit chaînes – et du développement du câble, du satellite et de l’ADSL. Les téléspectateurs ont aujourd’hui le choix entre plusieurs chaînes d’information en continu.

Ce qui est vrai pour la télévision l’est aussi pour la radio : le paysage radiophonique est également très varié. La moitié des opérateurs privés relèvent du secteur associatif, qui assure une mission de « communication sociale de proximité », pour reprendre les termes de la commission Lancelot, contribuant grandement à la diversité des programmes.

En ce qui concerne la presse, l’offre éditoriale s’est réduite, mais reste très diverse. Il faut souligner l’émergence d’une presse gratuite. Les éditions dominicales rencontrent également un succès grandissant, le nombre de titres de la presse quotidienne du septième jour étant passé de dix-neuf à trente-cinq en dix ans. La révolution technologique a créé un nouveau support, internet, qui donne accès à tout ou partie du contenu des grands journaux étrangers et diversifie considérablement les sources d’information disponibles. La multiplication des blogs contribue également à ce mouvement.

Il ressort de cette analyse que le public est bien en situation d’exercer un choix.

Certes, dans chaque segment, quatre ou cinq groupes se détachent des autres intervenants. Mais, toujours selon la commission Lancelot, « une telle configuration n’est pas nécessairement mauvaise en termes de pluralisme, les poids relatifs des uns et des autres s’y équilibrant davantage que lorsqu’un leader unique domine une concurrence émiettée ».

De plus, je tiens à souligner que M. Assouline semble occulter la réalité économique mondiale.

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