Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes donc réunis aujourd'hui pour parler d’Europe sociale, et plus particulièrement de la question des travailleurs communautaires soumis au statut du détachement, c'est-à-dire travaillant dans un autre pays que dans leur État d’origine. Le sujet est d’importance, puisque l’on estime leur nombre à environ un million. Ils sont l’un des signes les plus tangibles de la communautarisation du marché du travail.
Certains événements qui ont fait l’actualité cette année sont liés à cette question du détachement des travailleurs.
Au mois de février, une série de grèves sauvages ont éclaté dans le secteur de l’énergie au Royaume-Uni. Des milliers de travailleurs intérimaires ont protesté contre l’embauche, à des conditions différentes de celles qui étaient stipulées dans la convention collective du secteur, de travailleurs italiens et portugais par une entreprise sous-traitante chargée de l’agrandissement d’une raffinerie appartenant au groupe pétrolier Total. Cette affaire a fait l’objet d’une exploitation à caractère nationaliste de la part du Parti national britannique, qui appartient à l’extrême droite.
Les problèmes liés à l’application des règles touchant au détachement des travailleurs dans l’Union ne datent pas d’aujourd’hui. Ils ont surgi dès les années quatre-vingt, au moment de l’adhésion de l’Espagne et du Portugal, et ont d’abord concerné le secteur de la construction. Plusieurs affaires ont suscité des craintes de dumping social.
Il y a près de vingt ans, en 1990, la Cour de justice des communautés européennes, la CJCE, a rendu un arrêt relatif à une entreprise portugaise, Rush Portuguesa, en France qui a poussé la Commission européenne, alors dirigée par Jacques Delors, à présenter l’année suivante une proposition de directive sur le détachement des travailleurs. C’est ce texte, adopté en 1996, qui fait l’objet de la proposition de résolution européenne que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui.
Cette directive est censée offrir aux travailleurs et aux employeurs une plus grande sécurité juridique en conciliant, d’une part, l’exercice par les entreprises établies dans un État membre de leur liberté de fournir des services dans toute l’Union européenne, qui est un droit fondamental, et, d’autre part, la protection des droits et des conditions de travail des travailleurs détachés dans un autre État membre pour fournir ces services.
L’entrée en vigueur de la directive sur le détachement des travailleurs n’a pas dissipé les craintes de dumping social. J’en veux pour preuve le débat sur le fameux projet de directive Bolkestein et le mythe du « plombier polonais », qui ont beaucoup pesé sur le résultat du référendum de 2005.