Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, après les interventions de nos collègues, notamment celles de Richard Yung et de Catherine Tasca, il ne me semble pas nécessaire de revenir en détail sur cette proposition de résolution européenne.
En revanche, j’entends insister sur un point, qui est, pour l’ensemble des signataires de ce texte, non seulement central, mais surtout non négociable. Je veux parler de « la primauté des droits sociaux fondamentaux sur les libertés fondamentales du marché intérieur ».
En effet, dans un contexte grave de crise économique et sociale, avec une explosion du taux de chômage européen de 80 % en un an et un nombre de travailleurs européens détachés qui ne cesse de croître à grande vitesse – ils sont plus de 1 million aujourd’hui –, l’objet principal de cette proposition de résolution n’est pas uniquement de réaffirmer une énième fois de façon incantatoire l’importance des droits sociaux fondamentaux, mais bien d’aider à instaurer une véritable hiérarchie des normes faisant passer les droits sociaux fondamentaux avant les droits économiques.
Il ne s’agit en aucun cas de revenir sur les droits économiques et de nier les libertés fondamentales dont ils découlent. Il s’agit de ne plus se tromper sur leurs places respectives dans l’ordre juridique communautaire, et par là même national.
Pour cela, à la suite des arrêts « Laval », « Viking » et « Rüffert » de la Cour de justice des Communautés européennes, il nous faut procéder à une révision de la directive.
Sur ce point, les enjeux sont tels que nous ne pourrons nous contenter d’un simple règlement d’interprétation et d’application, de lignes directrices, ou encore d’une norme, comme certains l’évoquent.
C’est essentiel, tout d’abord, en raison d’un double souci de démocratie.
Quelle que soit la qualité du travail effectué par les juges européens, il n’est pas acceptable qu’ils aient une marge d’interprétation si grande qu’elle leur permette, in fine, de mettre en place une jurisprudence de toute évidence contraire à l’esprit de la construction européenne et à la lettre du traité de Lisbonne.
Il est primordial de redonner la main au législateur européen. C’est exactement ce que nous entendons faire avec cette proposition de résolution. Si les juges ont leur rôle à jouer, c’est le législateur qui doit définir la hiérarchie des normes. En tant que garante de l’intérêt général, c’est à la Commission européenne qu’il revient de combler les lacunes du texte. En tant que représentants directs des citoyens européens, c’est au Parlement européen et au Conseil des ministres d’en décider. Cela ne dépend que de la volonté politique.
Pour que le législateur européen puisse faire son boulot, il faut que les Parlements nationaux fassent le leur en interpellant leurs gouvernements dans ce sens, mais également la Commission européenne, soutenue par ces mêmes gouvernements.
J’attire votre attention sur le fait que ce dysfonctionnement grave est précisément de ceux qui contribuent régulièrement à éloigner l’Europe de ses citoyens. Nous avons là l’occasion d’agir.
Par ailleurs, la révision de la directive est essentielle parce que la relance de l’Europe sociale passe précisément par là.
Il est surprenant de le constater, rares sont ceux à faire le lien entre l’augmentation des troubles sociaux dans l’Union et la panne de l’Europe sociale, comme si la construction du libre-échange européen pouvait se passer du progrès social.
Le désenchantement des citoyens à l’égard de l’Europe va croissant, et pour cause ! Comment convaincre de l’intérêt de l’Europe lorsque celle-ci met en concurrence les travailleurs sur les seules bases de leurs conditions de travail, en encourageant donc le dumping social ?
La droite, majoritaire en Europe, a une responsabilité toute particulière. Nous savons bien que Barroso et la droite européenne, dans son ensemble, sont contre la révision de cette directive, car ils sont fondamentalement contre l’avancée de l’Europe sociale. Nous le savons sans l’ombre d’un doute parce que nous avons trop souvent vu à l’œuvre le procédé qu’ils utilisent.
Ils commencent tous leurs discours en rappelant toute l’importance des droits sociaux et en soulignant à quel point il est important de les protéger. En réalité, ils refusent de mettre en œuvre leurs paroles, ce qui revient finalement à « casser » purement et simplement les droits sociaux en les subordonnant aux droits économiques.
Combien de fois avons-nous vu à l’œuvre, dans cet hémicycle, avec ce gouvernement, le procédé qui consiste à faussement célébrer ce que l’on s’apprête à détruire ?
Quand le juge européen en vient à conditionner le droit de grève à la liberté d’installation et à la liberté de circulation, ce n’est pas une petite régression : c’est une tentative de déconstruction massive des valeurs qui fondent tout le projet européen !
Parce que l’Europe n’a jamais été un projet de marché économique et ne peut se contenter de l’être, l’heure n’est plus à la simple réaffirmation des droits sociaux : il faut les imposer au sommet de la hiérarchie des normes.
Enfin, j’attire votre attention sur le fait qu’en subordonnant le droit de grève au respect des principes du marché intérieur, le juge européen se retrouve avec un pouvoir d’interdiction de la grève que même le juge national ne possède pas.
Dans les nombreux pays de l’Union où le droit de grève à valeur constitutionnelle, comme c’est le cas en France, aucun juge n’a le pouvoir d’interdire la grève ; il a seulement le pouvoir de l’encadrer dans certains cas.
Mes chers collègues, avec cette proposition de résolution, le groupe socialiste vous invite à redonner le pouvoir au législateur européen, à jouer pleinement votre rôle d’élus nationaux d’un pays membre de l’Union, à relancer l’Europe sociale en imposant ses acquis et donc à tirer vers le haut le projet européen appelant à l’instauration d’une « clause de progrès social ».
Pour finir, je tiens à vous informer que notre démarche ne sera pas isolée. Ce sujet sera l’un des thèmes principaux de l’audition du nouveau commissaire européen à l’emploi devant le Parlement.
Puisque le PSE encourage à faire déposer le texte de cette proposition de résolution dans tous les Parlements nationaux des États membres de l’Union, mes chers collègues, saisissez l’occasion de passer pour la droite la plus progressiste d’Europe et votez cette proposition de résolution !