Intervention de Joël Guerriau

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 2 décembre 2020 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2021 — Mission « défense » - programme 212 « soutien de la politique de défense » - examen du rapport pour avis

Photo de Joël GuerriauJoël Guerriau, co-rapporteur :

Je me suis intéressé aux méthodes innovantes de communication et de ciblage du public qui ont été utilisées pour augmenter le recrutement. La dernière campagne de recrutement de l'armée de terre est exemplaire. En misant sur le big data et l'intelligence artificielle, elle repère sur les réseaux sociaux les profils pertinents, leur adresse des messages et des micro-vidéos ciblées, et, apprenant de ses erreurs, elle améliore en permanence ses méthodes de ciblage en fonction des retours...

Par ailleurs, la mise en place du logiciel de recrutement interarmées SPARTA devrait faciliter le suivi des candidatures par les recruteurs, améliorant les conditions de leur discernement tout en raccourcissant la procédure.

Pour aider encore à la réduire, nous préconisons dans notre rapport de pérenniser la simplification du contrôle médical mise en oeuvre pendant la crise, avec une visite au lieu de deux.

J'en viens aux pensions militaires, qui viennent de faire l'objet d'un rapport remarqué du HCECM, le Haut comité d'évaluation de la condition militaire. Ce rapport permet de mesurer combien les pensions sont importantes et centrales dans la condition militaire. Toute réforme doit être entreprise avec la plus grande prudence car c'est en fait tout l'édifice des carrières militaires qui sera fragilisé.

Les pensions militaires servent aussi des objectifs de défense, en maintenant la jeunesse des armées.

Les règles sont en effet particulières, avec la possibilité d'une liquidation immédiate au bout de 27 ans pour les officiers de carrière et de 17 ans pour les non officiers. Après respectivement 29 ans et 19 ans, les pensions sont ainsi servies sans décote. Les pensions restent proportionnelles à la durée de cotisation, mais celle-ci peut être largement majorée par des bonifications spécifiques.

Au total, dans son agencement actuel, ce système encourage les reconversions en milieu de carrière. Les pensions sont liquidées à 45 ans en moyenne. Ces conditions servent ainsi la démographie d'une armée d'emploi, qui doit en outre s'accorder avec la « haute intensité ».

Or, de 2003 à 2016, sous l'impact des réformes paramétriques successives, l'âge moyen des militaires s'est accru de presque 3 ans. Le retour à un schéma d'emploi positif depuis 2016 a porté un coup d'arrêt à ce vieillissement, mais la tendance à entrer plus tard sur le marché du travail, jointe à l'impact du chômage sur les reconversions de milieu de carrière, incitent à la vigilance.

Dès lors, toute évolution doit être envisagée avec prudence. Par exemple, dans la réforme envisagée par le gouvernement, les primes seraient intégrées dans la base de calcul, moyennant quoi le système « à points » tiendrait compte, au lieu des dernières rémunérations, de toutes celles perçues au cours de la carrière.

Difficile, dans ces conditions, de présumer d'un équilibre final qui dépendrait à la fois : du rendement du système, de la traduction des bonifications et de la décote dans ce système, de la part que représentent les primes dans la rémunération - qui diffèrent selon les cadres au sein des armées et sont elles-mêmes en plein devenir avec la nouvelle politique de rémunération des militaires - , enfin, du profil de carrière, plus ou moins ascendant...

Sont aussi à surveiller les modalités des pensions de réversion : elles impactent la condition militaire, dès lors que des risques particuliers sont encourus.

Ce sujet suscite une très grande inquiétude chez les militaires. La commission devra continuer d'exercer une vigilance particulière. Comptez sur vos deux rapporteurs pour suivre ce dossier de près.

En conclusion, nous proposons un avis favorable à l'adoption de ces crédits du programme 212.

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