Nous reviendrons tout à l'heure sur la communication alambiquée qui a entouré le port du masque par le grand public, mais s'agissant des soignants et des principaux concernés lors de la première vague, la pénurie a été dans un premier temps dissimulée. Nous avons tous en mémoire le désarroi que cela a pu susciter chez ceux qui étaient exposés en première ligne et ne voyaient rien venir sur le terrain.
En outre, les responsables publics ont, à plusieurs reprises, proposé une réécriture de l'histoire les dédouanant, par exemple en indiquant que la faiblesse du stock résulterait du choix de constituer désormais un « stock tournant », décision qui n'explique pourtant en rien un tel effondrement des stocks.
Pour autant, il faut reconnaître que l'État a fait feu de tout bois pour pallier la pénurie. La réquisition, dont s'est prévalu le ministre de la santé, n'a eu toutefois qu'une efficacité très faible et a contribué à tendre le dialogue entre le Gouvernement et les collectivités territoriales, quand elle n'a pas tout simplement « bloqué la machine » des approvisionnements. Quant aux commandes passées majoritairement à l'international, retardées sur un marché très tendu, elles ont été payées à prix d'or. Si le choix avait été fait en octobre 2018 de reconstituer les stocks de masques chirurgicaux à hauteur de 1 milliard d'unités, le coût budgétaire aurait ainsi été de 27 millions d'euros, contre 450 millions d'euros durant la crise. Nos propositions sur ce sujet visent à appliquer ce qui aurait dû l'être jusqu'alors, notamment s'assurer de la constitution d'un « stock de crise » au plus près des besoins.
J'en viens à présent à un autre volet, celui de notre organisation sanitaire et médico-sociale. J'en profite pour remercier les soignants qui ont pris sur leur temps pour venir témoigner devant notre commission d'enquête et nous éclairer sur leur vécu de la crise. Comme toute crise, et sans doute ici dans des proportions décuplées, la mise sous tension extrême du système de soins et d'abord de l'hôpital a révélé des forces et des faiblesses souvent bien connues.
La principale force de l'hôpital, c'est bien entendu l'extraordinaire résilience de ses personnels, alors même qu'il était fragilisé depuis plusieurs années. Libérés de carcans administratifs et de la contrainte budgétaire, ces acteurs ont montré une mobilisation exemplaire ; cela a permis de réorganiser complètement les prises en charge lors de l'activation du Plan blanc et de doubler les capacités d'accueil en réanimation en l'espace d'un mois.
Sa principale faiblesse, c'est sans doute le piège de l'hospitalo-centrisme, qui a marginalisé les soignants de ville dans la prise en charge des patients infectés par la covid-19 et a contribué à trop longtemps délaisser le secteur médico-social et celui du domicile. Les soignants nous l'ont dit : « La place des soins primaires dans le dispositif n'a tout simplement pas été pensée. » Si la pénurie d'équipements de protection individuelle a porté préjudice à leur intervention précoce, la consigne officielle invitant les patients à contacter le Samu Centre 15 n'a pas aidé ; elle s'est accompagnée d'une saturation des appels, qui a pâti des carences de la coordination des différents acteurs de l'urgence.