Une autre limite de la mobilisation sanitaire extraordinaire a été le remarquable manque de coordination en matière de recherche clinique. Certes, l'effort a été d'une ampleur inédite à travers le monde et particulièrement en France, grâce à l'adaptation des procédures, à des moyens financiers spécifiques et à la mobilisation de l'ensemble de la communauté scientifique. Nous en constatons d'ailleurs les résultats en matière de recherche vaccinale ; cela permet d'envisager peut-être à court terme une sortie du tunnel.
Toutefois, la mobilisation pour la recherche scientifique en France s'est faite en ordre dispersé. La multiplication des projets de recherche, qui a rendu l'inclusion de patients plus difficile, a entrainé une concurrence, une illisibilité et des contradictions entre les travaux. S'est ajoutée à cela la cacophonie des prises de paroles des scientifiques et des revirements sur la stratégie thérapeutique. Une meilleure coordination des travaux de recherche en période de crise sanitaire, en identifiant des projets prioritaires vers lesquels flécher les financements exceptionnels, permettrait de fédérer la communauté scientifique et de renforcer la robustesse des travaux.
Une autre politique qui a manqué de cohérence est la stratégie « Tester, tracer, isoler » visant à casser les chaînes de contamination, sur laquelle tous nos espoirs reposaient en sortie de confinement le 11 mai. Ces espoirs se sont vite envolés, au point qu'il n'est plus vraiment question dans le discours gouvernemental de ces trois piliers pourtant « classiques » de la lutte contre les maladies infectieuses.
Revenons d'abord sur la question des tests. Deux phases sont à distinguer. La première est celle du « retard à l'allumage », de la montée en charge lente des capacités à tester, alors même que l'institut Pasteur avait élaboré très tôt la technique de détection du nouveau coronavirus par PCR. La parcimonie des tests disponibles lors du pic épidémique a été, avec la pénurie de masques, au coeur des débats du printemps. Elle a conduit à une approche très - trop - restrictive du dépistage.
Notre rapport en analyse les raisons. Par analogie avec la grippe, l'intérêt d'un dépistage à grande échelle n'a pas été anticipé ; la participation effective du réseau des laboratoires de ville à compter de mars s'est ensuite heurtée à plusieurs freins comme le sous-investissement chronique en biologie moléculaire, ou encore les tensions extrêmes sur le marché international ; enfin, une navigation à vue, une méconnaissance du réseau par les agences régionales de santé (ARS) et des cloisonnements n'ont pas facilité les coopérations au niveau territorial ou retardé la sollicitation d'autres acteurs, tels que les laboratoires vétérinaires ou de recherche.
La seconde phase a été portée par un effort d'investissement conséquent des acteurs et le saut quantitatif dans les capacités à tester qu'il a permis de réaliser. Toutefois, l'affichage d'un nombre de tests toujours plus élevé a occulté, pendant l'été et au mois de septembre, l'embolisation des laboratoires et la dérive constatée dans certaines régions dans les délais d'accès aux tests et de rendu de résultats.