Intervention de Bernard Jomier

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 8 décembre 2020 à 16h00
Examen du rapport

Photo de Bernard JomierBernard Jomier, rapporteur :

La question posée par Arnaud Bazin est essentielle et nous a beaucoup préoccupés. En effet, comment faire pour ne pas répondre en considérant uniquement les caractéristiques de ce virus à transmission respiratoire, qui se transmet plus l'hiver que l'été, et tue davantage les personnes âgées que les autres ? Nous avons réagi de façon insuffisamment rapide parce que notre système est trop peu agile. Il ne s'agit donc pas de créer des silos et nous ne proposons pas, comme nos collègues députés, de créer un ministère de la réponse aux urgences sanitaires. Il nous semble - et je le dis avec humilité - que cela reviendrait à créer un nouveau silo et que l'un des défauts de notre gouvernance est que nous en avons beaucoup. Nous avons donc choisi de privilégier l'interministériel et le transversal, pour mobiliser dans de bonnes conditions l'appareil d'État. Dans le détail du rapport, il n'est pas question uniquement des masques, mais aussi des médicaments antiviraux, par exemple. Mais ce qui compte, c'est que le système soit assez souple. On ne peut pas bâtir un plan Pandémie pour un cas précis, parce qu'on ne peut pas prévoir tous les cas possibles.

La réponse à une telle crise ne peut être seulement d'ordre organisationnel, car il s'agit aussi d'une crise de la décision et du mode de décision. Dans l'avant-propos du rapport, nous écrivons que nous avons construit dans le pays un système de soins efficace, ce qui n'est pas le cas de notre système de santé publique. Ce problème est ancien et relève quasiment d'une question de culture politique, ce qui est difficile à traduire dans un rapport. Notre réponse organisationnelle se lit en creux : nous n'allons créer ni ministère ni agence supplémentaire, car on ne peut pas toujours créer de nouveaux dispositifs.

Par ailleurs, nous rapportons les faiblesses de Santé publique France et les critiques émises à son égard. L'agence est probablement trop récente, sous-dimensionnée, et elle voit ses moyens diminuer, année après année. Sylvie Vermeillet a d'ailleurs rappelé que, en sept ans, le budget consacré à la réponse aux urgences sanitaires avait été divisé par onze !

En ce qui concerne la création de l'instance d'expertise nationale, il s'agit là de répondre à un autre besoin. Il faut comprendre ce qui a poussé le chef de l'État à créer le conseil scientifique. Dans la crise, il s'est retrouvé face à un panorama éclaté, sans bien savoir comment activer toutes ces agences, et il nous faut reconnaître qu'il y a là un problème, même si l'on peut critiquer le conseil scientifique, créé dans un certain manque de transparence et de légitimité démocratique. Cependant, la question de l'articulation de la parole scientifique et de la décision politique se pose dans tous les pays. Les États-Unis et le Canada ont des conseillers scientifiques - tout le monde à présent connaît M. Fauci -, et les Britanniques, quant à eux, ont une instance scientifique. Il faut une enceinte où s'élabore la parole scientifique, qui peut être consultée, et elle ne saurait être cantonnée aux urgences sanitaires. Cette instance doit dépasser ce cadre, être indépendante et transparente, mise en place par le Parlement, et politiques et citoyens doivent pouvoir lui faire confiance.

Nous avons travaillé sur la question du maillage territorial. Le rapport très intéressant de nos collègues de l'Assemblée nationale évoque la création de 100 agences de santé départementales, qui viendraient remplacer l'agence régionale. Je dis non : la région est le bon échelon pour certaines questions, comme l'organisation des soins, ou encore pour les questions de santé environnementale. En revanche, pour ce qui est de l'articulation avec le travail des élus dans une crise de ce type, le département est la bonne échelle. Il faut donc reventiler les moyens et les redistribuer au plus proche du terrain, c'est-à-dire au niveau du département.

Nous évoquons également plusieurs fois l'enjeu de la démocratie sanitaire. Nous partageons le constat selon lequel celle-ci est essentielle, notamment au travers du conseil citoyen.

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