Intervention de Olivier Cigolotti

Réunion du 25 novembre 2020 à 15h00
Nécessité de reconnaître la république du haut-karabagh — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Olivier CigolottiOlivier Cigolotti :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’actualité nous oblige, cet après-midi, à examiner une proposition de résolution portant sur la nécessité de reconnaître la République du Haut-Karabagh.

Signée par une majorité des présidents de groupe de la Haute Assemblée, cette proposition de résolution fait l’objet d’un assez large consensus sur nos travées.

Il apparaît cependant important de rappeler quelques éléments de contexte historique.

À l’époque bolchevique, Moscou a fait du Haut-Karabagh une région autonome au sein de la République socialiste soviétique d’Azerbaïdjan, et ce malgré les promesses qui avaient été faites à l’Arménie.

Avec la chute de l’URSS, le réveil des revendications ethniques et religieuses a été brutal.

Durant ces dernières décennies, Azéris et Arméniens se sont observés, invectivés, affrontés, parfois séparés par quelques centaines de mètres seulement. Aujourd’hui, la situation demeure très préoccupante.

Après six semaines d’affrontements intenses marqués par de graves exactions, la fin des hostilités opposant l’Arménie et l’Azerbaïdjan dans cette région du Haut-Karabagh a été signée entre ces deux pays le 9 novembre dernier.

Ce cessez-le-feu, réalisé sous l’égide de la Russie, semble, à ce jour, faire autorité.

Le Haut-Karabagh est l’une de ces régions du Caucase du Sud trop longtemps considéré comme le théâtre d’un conflit gelé, au même titre que celui qui oppose l’Ossétie du Sud et la Géorgie.

Les tensions ont malheureusement repris le 27 septembre dernier, et ce nouvel embrasement de la région intervient désormais avec en toile de fond la prédominance d’États puissants comme la Turquie et la Russie.

Le soutien de la Turquie à l’Azerbaïdjan se concrétise par l’apport de matériel de guerre et de drones lui conférant une suprématie aérienne évidente, mais également par l’acheminement de supplétifs de l’armée syrienne.

Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, ce sont au moins 850 mercenaires syriens ayant pris part aux combats contre Bachar el-Assad qui ont été envoyés par Ankara dans les zones de combat afin de renforcer les forces azerbaïdjanaises.

Dans le même temps, nous assistons à une succession de provocations de la part de la Turquie, qui ne cache pas ses ambitions expansionnistes et constitue à ce jour la deuxième armée de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord.

Nous ne pouvons que vivement regretter l’accélération dangereuse des faits constatés ces derniers mois : poursuite de forages gaziers illégaux à Chypre, réouverture de la plage de Varosha, et ce au mépris des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU, incursion dans les eaux territoriales grecques par des navires de forage sous escorte militaire, positions troubles face à Daech en Syrie et multiplication des interventions armées contre nos alliés kurdes.

Je rappellerai également l’incident qui s’est produit avec la frégate Courbet en juin dernier en Méditerranée orientale, et l’accumulation de déclarations plus ou moins hostiles à l’égard de la France et de son exécutif.

Quant à la Russie, cette dernière a su demeurer dans une position des plus ambiguës en vendant des armes aux deux camps, en commerçant avec Bakou et Erevan, tout en conservant un statut d’arbitre – il faut malheureusement le reconnaître – bien plus convaincant que celui que devraient assumer les instances européennes.

Moscou souhaite depuis de nombreuses années se montrer en défenseur des chrétiens d’Orient et entretient en même temps, depuis l’ère bolchevique, une forme de division au sein des républiques du Caucase, afin de faire respecter l’ordre.

Mais, désormais, c’est une déstabilisation profonde du Caucase du Sud qui est à l’œuvre, et il semble bien difficile de se contenter des termes du cessez-le-feu signé le 9 novembre dernier.

Il est aujourd’hui plus que nécessaire, mes chers collègues, de travailler à un règlement politique durable de ce conflit. La communauté internationale, et notamment la France, doit se mobiliser pour une sortie de crise pérenne, et toutes les formes de négociation doivent être utilisées pour que le multilatéralisme fasse émerger une solution durable.

Après la signature de ce cessez-le-feu, la situation au Haut-Karabagh retrouve son statut de conflit gelé.

Et qui dit conflit gelé dit possible reprise d’un conflit armé violent et de toutes les exactions afférentes. Nous ne pouvons cautionner un tel risque.

M. Le Drian a déclaré, le 10 novembre dernier, que la France s’était mobilisée ces dernières semaines en faveur des populations locales, notamment par des initiatives très nombreuses de la société civile, et que les autorités françaises y contribuaient largement, avec une aide médicale arrivée à Erevan.

Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d’État, éclairer la représentation nationale sur ces actions, et nous indiquer ce qu’il en est de la reprise des négociations entre les deux parties pour un accord durable ?

Si la grande majorité du groupe Union Centriste est favorable à cette proposition de résolution et partage ces propos, certains membres du groupe ont soulevé quelques interrogations.

Tout d’abord, la création d’une mission d’information sur les conflits gelés du Caucase avait été un temps sollicitée afin d’anticiper au mieux les déséquilibres probables de la région en cas de reprise de l’un ou l’autre de ces nombreux conflits. S’il avait été fait droit à une telle demande, nous aurions peut-être été en mesure de mener un travail plus approfondi.

Ensuite, cette résolution, quand bien même elle n’a qu’une valeur de recommandation, ne doit pas affaiblir diplomatiquement la France dans cette région du Caucase déjà ô combien troublée.

Autre sujet d’inquiétude : le groupe de Minsk.

Aux côtés de la Russie et des États-Unis, la France se doit de respecter une certaine neutralité sur cette question du Haut-Karabagh. Mais l’efficacité de ce groupe suscite des interrogations. Quelle a été son action depuis de nombreuses années et dans cette nouvelle phase du conflit ?

Enfin, mes chers collègues, ne tombons pas dans la facilité consistant à considérer que l’Azerbaïdjan n’est qu’un État velléitaire ou terroriste, alors qu’il se développe économiquement, grâce à la manne du pétrole, et culturellement, avec une certaine forme de laïcité.

Certes, ce pays n’est pas la plus grande des démocraties, mais c’est un pays jeune qui se construit dans un contexte régional souvent difficile, et marqué du poids de son histoire.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, malgré ces quelques remarques divergentes, le groupe Union Centriste votera dans sa grande majorité cette proposition de résolution.

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