Intervention de Corinne Imbert

Réunion du 26 novembre 2020 à 10h30
Financement de la sécurité sociale pour 2021 — Rejet en nouvelle lecture d'un projet de loi

Photo de Corinne ImbertCorinne Imbert :

Madame le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 se déroule dans un contexte historique. La crise liée à l’épidémie de covid-19 a bouleversé l’économie de notre pays, particulièrement ses finances sociales.

Le Gouvernement a dû réviser trois fois les tableaux d’équilibre de 2020 et 2021, à savoir en première lecture à l’Assemblée nationale, puis, au Sénat, et, enfin, en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, pour tenir compte des effets du nouveau confinement.

En responsabilité, le groupe Les Républicains a adopté ces tableaux d’équilibre présentant des déficits historiques. Nous avons, en effet, considéré que l’urgence était de tout faire pour répondre par la solidarité nationale à ceux que la crise privait de leur emploi ou de revenu.

Ainsi, des dispositions, modifiées au Sénat, facilitent l’accès au dispositif d’exonération en retenant un seuil unique de perte de chiffre d’affaires, qui doit être au moins égale à 50 %, pour l’ensemble des entreprises relevant des secteurs dits S1 et S1 bis, comme cela avait été proposé par la commission des affaires sociales.

Par ailleurs, nous constatons que l’Assemblée nationale a rejoint le Sénat, et c’est tant mieux, sur l’urgence d’accélérer les réflexions sur la question du financement de la cinquième branche.

Le principe d’une conférence des financeurs du soutien à l’autonomie chargée de formuler des recommandations sur le financement des mesures nouvelles est conservé, même si cette concertation sera opérée sous l’égide de la CNSA. Nous aurons donc des éléments précis d’ici au 1er mars 2021 sur les moyens nouveaux qui pourront être affectés à cette branche.

Après ces notes positives, permettez-moi d’exprimer notre regret quant à la suppression de nombreuses propositions portées par nos collègues ou par la commission des affaires sociales.

Nous regrettons ainsi la suppression de plusieurs mesures qui nous paraissaient opportunes, comme : la pérennisation du dispositif d’exonération TO-DE, que mes collègues ont déjà évoqué ; la baisse des charges sociales pour les médecins exerçant dans des zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ; la création d’un statut de junior-entrepreneur ; ou les dispositifs relatifs à la fixation des prix des médicaments.

Nous regrettons également la suppression de la mesure structurelle dont l’objectif était d’acter la nécessité de redresser les comptes du système de retraite.

Depuis plusieurs années, la majorité sénatoriale plaide pour un relèvement progressif de l’âge minimum légal de la retraite, seul à même de rétablir une trajectoire financière positive pour la branche vieillesse. Cette année, nous avons proposé un dispositif très progressif, prévoyant notamment la réunion d’une conférence de financement chargée de formuler des propositions autour des différents paramètres de calcul des pensions.

Selon les dernières estimations du Conseil d’orientation des retraites, la fin du déficit s’éloigne encore pour notre système des retraites. Il ne devrait pas revenir à l’équilibre avant le milieu des années 2030, dans l’hypothèse la plus favorable.

Est-ce vouloir punir nos concitoyens que de constater que, par rapport au début des années 1980, l’espérance de vie des Français a progressé de sept années, alors que leur âge de départ à la retraite est avancé de trois ans, voire de quatre ou cinq ans pour ceux qui bénéficient d’un départ anticipé ?

C’est pourquoi il nous semble que, sur l’exemple des régimes complémentaires, avec souplesse et pragmatisme, il faudra adapter les paramètres qui régissent aujourd’hui les conditions de départ à la retraite.

Mes chers collègues, si des mesures paramétriques ne sont pas prises dans un avenir proche, les retraités d’aujourd’hui verront leur pension baisser et les futurs retraités auront des retraites beaucoup plus faibles. La paupérisation des retraités, nous n’en voulons pas ! Nous pensons que les Français sont prêts à entendre un discours de vérité.

Concernant la branche maladie, les constats ne sont pas plus encourageants : le déficit de 33, 7 milliards d’euros est historique ; le prévisionnel pour 2021, estimé à 23, 7 milliards, ne nous invitent pas à l’optimisme. Ce déficit record est bien sûr en partie lié à la pandémie et aux conséquences budgétaires du Ségur de la santé, auquel les professions libérales ont eu le sentiment de ne pas être assez associées.

À ce titre, les médecins libéraux ont formulé le constat d’un PLFSS centré sur la crise de l’hôpital et non sur la médecine de ville. Afin de répondre en partie au mécontentement de ces acteurs essentiels du monde de la santé, qui sont, je le regrette, parfois sortis du radar du ministère, le Sénat avait voté l’avancement de la convention médicale à mars 2022, au lieu de mars 2023, comme prévu initialement dans le texte. Malheureusement, vous n’avez pas jugé pertinent de trouver une solution de compromis et ainsi d’apaiser les légitimes inquiétudes formulées ces derniers mois.

Le domaine hospitalier n’est pas en reste, puisque ce texte contient deux mesures qui vont à l’encontre de l’esprit initial de l’assurance maladie : premièrement, le financement du volet hospitalier du plan de relance par l’assurance maladie, alors que cela devrait relever de la mission « Plan de relance » dédiée au sein du budget général ; deuxièmement, et c’est un sujet qui fâche, la reprise de la dette des établissements de santé assurant le service public hospitalier, qui devrait non pas alourdir les déficits sociaux, mais plutôt se faire par le biais de crédits budgétaires.

J’attire particulièrement votre attention sur ce dernier point, qui est, en partie, la cause de l’échec de la commission mixte paritaire. En effet, nous étions prêts à faire de nombreuses concessions si des garanties avaient été présentées concernant la reprise de la dette hospitalière. Je le répète une nouvelle fois : l’assurance maladie, via la Cades, n’a pas vocation à se substituer à l’État concernant la gestion financière des hôpitaux. Ce n’était pas le cas en 1945 lors de la création de l’assurance maladie ; ce ne doit pas non plus être le cas en 2020.

Sur la forme, comme notre collègue Bernard Jomier l’a rappelé, nous sommes face à une méthode entièrement verticale et profondément contraire à l’esprit du débat parlementaire.

Vous l’aurez compris, madame la ministre, ce PLFSS 2021 nous laisse un sentiment de rendez-vous manqué avec les acteurs de la santé et avec la santé des acteurs du quotidien. Nous regrettons l’absence de cap, de vision, de cohérence dans l’ensemble de ces mesures.

De la même façon, mais n’y voyez pas une attaque personnelle, nous regrettons l’absence du ministre de la santé, dont l’assiduité a été inversement proportionnelle au creusement du déficit de la sécurité sociale.

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