Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous parvenons au terme du parcours singulier du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021.
Les principaux articles de ce texte, les tableaux d’équilibre, la trajectoire pluriannuelle et l’objectif national de dépenses d’assurance maladie ont été rectifiés à plusieurs reprises, dans chacune des chambres en première lecture, puis de nouveau à l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.
Ce texte est inédit par l’ampleur des déficits et l’incertitude qui s’attache à leur évolution.
Ces déficits abyssaux et la probabilité qu’ils se creusent encore davantage, le Sénat les a acceptés. Il a soutenu les efforts déployés par le Gouvernement pour tenter d’éviter que notre économie, mise à mal par les restrictions liées à la crise sanitaire, ne sombre. Ces efforts se traduisent par une plongée vertigineuse des finances publiques, qui n’étaient qu’à peine convalescentes.
Devant ce constat, le Sénat a porté deux messages principaux.
Notre premier message exprime la nécessité de réaffirmer et de préserver, le moment venu, l’objectif du redressement de la trajectoire de nos comptes sociaux. Il tient à une raison très simple : les dépenses sociales sont des dépenses de transfert ; si elles dérapent durablement, c’est le système tout entier qui risque l’effondrement. Tel n’est pas notre choix : nous tenons à un modèle social solidaire. Pour le préserver, il faut le financer.
Ce premier message s’est traduit par l’adoption d’un amendement au rapport figurant en annexe B, qui décrit la trajectoire pour les cinq années à venir sans porter aucune trace de redressement après 2022.
Il s’est également traduit par l’adoption d’un amendement portant sur la question des retraites. Notre système de retraites a fait l’objet de nombreuses réformes dites « paramétriques ». Ce qualificatif n’est en rien péjoratif, s’agissant d’un risque qui se pilote bien par trois paramètres : le niveau des cotisations, celui des pensions et la durée pendant laquelle elles sont servies.
Avant que la crise sanitaire n’interrompe le processus, le Sénat devait bien examiner un projet de réforme des retraites, transmis par l’Assemblée nationale après le recours du Gouvernement à la procédure prévue à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution. Une conférence des financeurs devait examiner les moyens de parvenir à l’équilibre à l’horizon de 2025 pour l’entrée en vigueur de la réforme systémique, en agissant sans doute sur certains paramètres. Le Sénat a voulu relancer ce processus, car nous savons que la réforme est nécessaire, qu’elle le sera plus que jamais demain et qu’elle sera d’autant plus douloureuse qu’elle aura trop tardé.
Pour autant – cela m’amène au second message porté par notre institution –, s’il faut impérativement réformer, il faut le faire dans un cadre clair et pour de bonnes raisons.
En d’autres termes, s’il faut demain réformer les retraites, ce n’est pas parce que l’assurance maladie a dû payer les masques de Santé publique France. S’il faut augmenter la contribution au remboursement de la dette sociale, ce n’est pas parce que la Cades se finance sur les marchés pour permettre aux hôpitaux d’investir.
C’est pour ces raisons que le Sénat a refusé les modalités de reprise d’une partie de la dette des hôpitaux. Ce ne sont pas des raisons théoriques : elles ont une portée pratique et très politique. Nous sommes finalement favorables à la règle du « chacun chez soi », mantra du précédent Gouvernement pour justifier une ponction sur des excédents de la sécurité sociale qui ne se sont malheureusement jamais matérialisés. Elle suppose de revenir aux fondamentaux des assurances sociales, en clarifiant les financements en fonction des risques couverts : accidents du travail, chômage et retraites se financent par des cotisations qui ont une contrepartie en prestations. C’est le sens de la loi Veil de 1994 : les allégements sans compensations ne produisent que des déficits.
En dépit des critiques adressées au pilotage de la sécurité sociale, celui-ci n’a pas perdu de vue l’objectif de l’équilibre, à la différence du budget de l’État. Nous ne devons pas le perdre de vue non plus ; nous pensons qu’il serait illusoire, voire dangereux, de prétendre pouvoir à terme nous en dispenser.
Ayant constaté un désaccord sur tous ces points avec le Gouvernement et l’Assemblée nationale, la commission des affaires sociales a considéré avoir épuisé le dialogue institutionnel sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021. Pourtant, des points supplémentaires d’accord possible demeuraient quand s’est entamée la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale ; nous regrettons de n’avoir pu aboutir.
C’est pourquoi, mes chers collègues, la commission vous demande de bien vouloir adopter la motion tendant à opposer la question préalable.