Intervention de Éric Bocquet

Réunion du 26 novembre 2020 à 14h30
Loi de finances pour 2021 — Plan d'urgence face à la crise sanitaire

Photo de Éric BocquetÉric Bocquet :

Ce choix a des conséquences très claires d’un point de vue social : les plus fragiles de nos concitoyens n’ont pas grand-chose à attendre de ce plan. Le soutien aux personnes précaires s’établit à 800 millions d’euros, soit 0, 8 % du plan, ce qui inclut la revalorisation ponctuelle de l’allocation de rentrée scolaire, le ticket-restaurant à un euro et le soutien à l’hébergement d’urgence.

Monsieur le ministre, dans ce contexte si particulier, il aurait été essentiel de soutenir une politique sociale forte. Après la hausse de la collecte de l’épargne que nous avons tous constatée, nous aurions dû engager une réflexion sur un emprunt national, à l’instar de ce qui s’est fait dans notre pays au sortir de la Seconde Guerre mondiale.

La relance ne passera donc pas par la relance de la consommation, notamment pour les plus fragiles. Bien au contraire, car ces derniers resteront sous la menace des réformes gouvernementales de l’assurance chômage et du marché du travail, réformes structurelles imposées par Bruxelles et les marchés financiers, notamment, et auxquelles le Gouvernement est si fortement attaché.

Le cœur de ce plan n’a donc rien à voir avec la relance. C’est d’abord la reprise de la politique de l’offre du Gouvernement Philippe qui est accélérée, avec une baisse massive des impôts de production pour 20 milliards d’euros sur deux ans.

Pour le Gouvernement, ces baisses devraient permettre de réindustrialiser la France, mais il ne demande aucune garantie à cet égard. S’agissant des grands groupes, nul ne sait si cet argent ne finira pas à terme en dividendes, en épargne personnelle, en investissements à l’étranger ou sur les marchés financiers.

D’ailleurs, il apparaît que cette baisse de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) va d’abord profiter aux plus grandes entreprises. Selon de nombreux économistes, un quart de cette baisse profitera à 280 entreprises, tandis que 250 000 autres, les plus petites, n’y gagneront que 125 euros.

L’aspect massif de ce plan cache en réalité une diffusion lente propre à la politique de l’offre. Sur les 100 milliards d’euros claironnés, seulement 30 milliards seront disponibles l’an prochain. Nous sommes très loin du New Deal des années 1930.

Nous pensons que ce plan de relance est largement sous-calibré face à la crise que nous traversons. Le Gouvernement prévoit qu’il permette d’augmenter la croissance de 1, 5 point en 2021 et le Premier ministre a annoncé qu’il créerait 160 000 emplois, soit 20 % des pertes annoncées pour l’année 2020, estimées à 800 000.

Vous avez fait le choix de la dette et, dans la période à venir, nous ne ferons pas l’économie d’un débat de fond sur ce sujet, en n’excluant aucune option, sans catastrophisme. Le débat sur la dette est un débat politique.

Magritte a peint un tableau célèbre, en 1928, accompagné de la légende : « Ceci n ’ est pas une pipe. » Monsieur le ministre, ceci n’est pas un plan de relance !

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