Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après le plan d’urgence, après le plan de soutien, après les adaptations successives de l’un, puis de l’autre, l’heure est enfin venue d’examiner les crédits alloués au plan de relance. En responsabilité, suivant notre rapporteur spécial, je vous le dis sans attendre, monsieur le ministre, nous soutiendrons ce plan de relance ; mais, au fond de nous, il y a beaucoup de regret devant le temps perdu.
Alors que le PIB dégringolait de près de 14 points au deuxième trimestre 2020 et que nos voisins européens dégainaient différentes mesures favorables à la relance de leur économie, la France a, elle, attendu fin septembre pour présenter les siennes. Dès l’été, le Sénat avait pourtant alerté le Gouvernement sur la nécessité d’une réponse rapide afin d’endiguer les difficultés sociales et de limiter autant que possible les défaillances en cascade de nos entreprises.
Le chiffre rond de 100 milliards d’euros est martelé avec beaucoup de conviction. Mais, à y regarder de plus près, la réalité de ce plan de relance est beaucoup plus ambiguë qu’il n’y paraît, car l’enveloppe globale est artificiellement gonflée.
Vous conjuguez des crédits déjà « budgétés » en 2020 avec d’autres qui ne le seront, au mieux, qu’en 2022. Vous agrégez des mesures tantôt budgétaires, tantôt fiscales, tantôt conjoncturelles, tantôt structurelles ; des sources de financement tantôt nationales, tantôt européennes, tantôt certaines, tantôt hypothétiques. Nous aimerions à cet égard avoir quelques précisions sur la traduction concrète du plan de relance européen à l’échelle du pays. Vous créez une mission ad hoc, mais mobilisez en dehors plus de 15 milliards d’euros d’autorisations d’engagement. Comment s’y retrouver ?
Au bout du compte, seuls 22 milliards d’euros de crédits de paiement seront consacrés l’année prochaine au plan de relance, soit 1 % seulement de la richesse nationale… Préjudiciable pour la confiance des acteurs de terrain, qu’ils soient économiques ou politiques, le manque de clarté l’est finalement aussi pour l’efficacité de la gestion des aides attribuées. En confiant les manettes à Bercy, autrement dit à l’État central, vous prenez le risque d’entraver le déploiement effectif de la relance dans les territoires. Là aussi, nous avons lancé l’alerte depuis plusieurs mois : la réussite de la reprise économique ne pourra s’obtenir qu’en concertation avec les collectivités locales et leurs élus.
Un mot enfin sur le volet social de ce plan de relance. Le mécanisme d’activité partielle a formé un filet de sécurité bienvenu pour bon nombre de salariés. Nous accueillons aussi favorablement le dispositif d’accompagnement des jeunes vers l’emploi. Des trous dans la raquette demeurent toutefois, concernant tout à la fois les travailleurs indépendants, les intérimaires, les emplois précaires et les chômeurs.
Les crispations sociales appellent également un devoir d’exemplarité. C’est pourquoi nous soumettrons à l’approbation de la Haute Assemblée un amendement visant à contrecarrer l’effet d’aubaine créé par l’allocation de fonds au profit de grandes entreprises qui seraient tentées par les délocalisations.
Pour l’engagement des mesures d’urgence et l’extension des mesures de soutien, le groupe Union Centriste a fait son devoir, et il va encore le faire aujourd’hui avec l’adoption des crédits de la mission. Mais, monsieur le ministre, nous vous le disons avec la franchise qu’autorise le débat parlementaire, notre soutien aujourd’hui ne sera pas sans exigences pour l’avenir.