La pandémie de covid-19 et ses conséquences sur notre économie justifient aujourd’hui l’interventionnisme de l’État. Le chiffre de 100 milliards d’euros, sur lequel le Gouvernement communique largement, est impressionnant ; c’est quatre fois plus qu’après la crise de 2008. Il se pourrait pourtant que les montants ne soient pas réellement décaissés.
En juillet, le Président de la République s’est réjoui de l’accord du Conseil sur le plan de relance européen Next Generation EU, mais je voudrais tempérer quelque peu cet enthousiasme.
En effet, les 40 milliards d’euros qui devraient être alloués à la France sont soumis à un certain nombre de contreparties. Notamment, la France va devoir présenter son plan à la Commission au début de l’année prochaine. Dès mercredi 18 novembre dernier, la Commission s’est inquiétée de la conséquence de la baisse des impôts de production sur la soutenabilité de notre dette à moyen terme. Pourtant, les analyses économiques sont assez unanimes pour dire que la baisse des impôts de production est la mesure de ce plan de relance qui aura le plus d’effet sur la croissance de moyen terme. Il se pourrait donc, parce que nous n’allons pas respecter les critères de conditionnalité, qu’une partie des aides de l’Union européenne ne nous soit jamais allouée.
Au-delà du débat sur le montant réel du plan, je formulerai trois critiques sur son contenu.
Tout d’abord, il me semble que ce plan procède un peu de l’économie circulaire : des idées plusieurs fois évoquées reviennent sans que soient apportées de véritables réponses à des faiblesses déjà identifiées.
Ainsi, 4, 7 milliards d’euros sont fléchés vers le ferroviaire pour recapitaliser la SNCF et financer des annonces déjà connues, comme la rénovation du réseau ou la suppression du glyphosate. Un focus est opéré sur le fret ferroviaire, avec la gratuité des péages ou des mesures en faveur du wagon isolé. Mais, quelle est l’articulation avec les travaux de régénération ? Avec quels sillons ? Ce sera le quatrième plan fret en vingt ans…
En outre, 6, 7 milliards d’euros sont fléchés vers la rénovation thermique des bâtiments. Le « grand plan d’investissement » de l’automne 2017 accordait déjà 9 milliards d’euros à cette politique que nous soutenons, au regard du poids du logement dans notre bilan carbone. Cependant, une étude de l’École des mines de 2019 révèle que le taux de rentabilité interne de la politique de rénovation thermique sur le seul critère des économies d’énergie est de cent vingt ans ! Si l’on s’en tient aux résultats de cette étude, il faudrait plutôt concentrer les moyens publics vers les fournisseurs, de manière à ce qu’ils améliorent la qualité de la rénovation et qu’ils en diminuent le coût, plutôt que vers les consommateurs. C’est d’autant plus indispensable, si l’on veut engager ce mouvement dans la durée, que le budget de MaPrimeRénov’ n’est augmenté que temporairement.
Ensuite, 1, 2 milliard d’euros sont fléchés vers l’agriculture : souveraineté alimentaire, transition agroécologique, accompagnement de l’agriculture et de la forêt dans l’adaptation au changement climatique… Des thèmes qui ne sont pas nouveaux. Mais quelles sont les réponses aux problèmes structurels de notre agriculture ? La ferme France perd de la valeur ajoutée, de l’emploi et de la compétitivité.
Le Président de la République, lors de la présentation du plan de relance, a dit : « La véritable ambition de France Relance n’est pas tant dans l’importance des moyens mobilisés pour soutenir l’activité à court terme, que dans la philosophie de transformation qui sous-tend le plan. »
Or cette transformation ne transparaît pas dans le saupoudrage qui nous est proposé : 38 mesures ont un coût inférieur à 1 milliard d’euros. Le caractère très divers des mesures rend difficile l’appréciation du plan sur l’économie. Je cite pêle-mêle : modernisation des centres de tri, plantation de 7 000 kilomètres de haies, soutien à l’accueil des animaux abandonnés, développement de jardins partagés, réseau radio haut débit, acquisition de caméras piétons… Et en même temps : développement de la filière de l’hydrogène vert, soutien au nucléaire et à l’aérospatiale.
Quelle est donc votre véritable vision de l’économie française dans dix ans ?