Intervention de Bernard Vera

Réunion du 3 décembre 2005 à 11h30
Loi de finances pour 2006 — Conseil et contrôle de l'état

Photo de Bernard VeraBernard Vera :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite axer mon intervention sur le problème de la « sortie » du programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives » de la mission « Justice ». Ce programme est désormais placé au sein de la mission « Conseil et contrôle de l'État », aux côtés de deux autres programmes, « Conseil économique et social » et « Cour des comptes et autres juridictions financières ».

Nous avons d'ailleurs eu l'occasion de faire part de notre opposition à cette nouvelle organisation budgétaire lors du débat sur la mise en oeuvre de la LOLF dans le domaine de la justice.

Un tel choix est d'ailleurs contesté sur toutes les travées de cette assemblée.

La commission des finances et, en son nom, notre collègue Roland du Luart s'interrogent en ces termes : « L'indépendance nécessaire du Conseil d'État et des autres juridictions administratives, ainsi que l'application de règles budgétaires spécifiques à leur situation ont-elles jamais été contrariées par leur dépendance budgétaire du ministère de la justice ? »

Monsieur Frécon, vous préconisez, dans votre rapport sur la mission « Contrôle et conseil de l'État », le regroupement dans une seule mission des juridictions judiciaires et administratives avec une nécessaire adaptation de certaines règles budgétaires à leurs spécificités.

Monsieur le ministre, nous considérons que le choix du Gouvernement de détacher le Conseil d'État et les juridictions administratives de la mission « Justice » est contraire au principe constitutionnel d'indépendance de la juridiction administrative. Ce principe a pourtant été clairement consacré par le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 22 juillet 1980 relative à la loi portant validation d'actes administratifs.

En effet, le Conseil constitutionnel considère qu'« il résulte des dispositions de l'article 64 de la Constitution en ce qui concerne l'autorité judiciaire et des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République en ce qui concerne, depuis la loi du 24 mai 1872, la juridiction administrative, que l'indépendance des juridictions est garantie ainsi que le caractère spécifique de leurs fonctions sur lesquelles ne peuvent empiéter ni le législateur ni le Gouvernement ».

L'indépendance de la juridiction administrative était ainsi constitutionnalisée. D'ailleurs, le Conseil constitutionnel réaffirme ce principe dans sa décision du 23 janvier 1987 relative à la loi transférant à la juridiction judiciaire le contentieux des décisions du conseil de la concurrence et, enfin, dans sa décision du 25 juillet 2001 relative à la LOLF, au profit, cette fois, de la Cour des comptes. Il considère ainsi que, « en vertu du code des juridictions financières, la Cour des comptes est une juridiction administrative ; (...) la Constitution garantit son indépendance par rapport au pouvoir législatif et au pouvoir exécutif ».

Au vu de ces trois décisions, il semble tout à fait contestable de scinder, comme c'est le cas, les deux ordres de juridiction et de faire sortir les juridictions administratives de la mission « Justice ». En effet, qu'est-ce qui justifie que les tribunaux administratifs ne dépendent pas du même budget que les tribunaux judiciaires ?

Au regard du budget qui nous est présenté, nous pourrions croire que le Gouvernement souhaite, à terme, instaurer un lien de dépendance entre, d'une part, le Conseil d'État et les juridictions administratives et, d'autre part, le ministère de l'économie et des finances.

Ce serait alors prendre le risque de contourner la jurisprudence du Conseil constitutionnel, selon laquelle le Gouvernement ne peut empiéter ni sur l'indépendance ni sur les fonctions spécifiques des juridictions judiciaires et administratives.

Par ailleurs, le principe de l'indépendance financière des juridictions administratives est l'une des conditions de l'indépendance de ces juridictions à l'égard du pouvoir exécutif, d'autant plus que celles-ci sont chargées de contrôler les décisions de l'Etat.

Or une telle organisation budgétaire renforce la dépendance financière de la juridiction administrative à l'égard de Bercy.

Sur ce point, je reprendrai les propos de M. le rapporteur spécial concernant l'indépendance de la Cour des comptes à l'égard de Bercy, lesquels s'appliquent parfaitement au Conseil d'Etat et aux autres juridictions administratives : « Les moyens du certificateur ne peuvent dépendre de ceux du certifié ».

Dans ces conditions, mes chers collègues, le groupe communiste républicain et citoyen votera contre les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

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