Intervention de Henri Cuq

Réunion du 3 décembre 2005 à 11h30
Loi de finances pour 2006 — Conseil et contrôle de l'état

Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, la mission « Conseil et contrôle de l'État » présente une originalité forte. Elle regroupe, en effet, des crédits qui, dans la configuration précédant la LOLF, se trouvaient dispersés au sein du budget de l'État.

En revanche, les trois programmes qui composent la mission - « Conseil d'État et autres juridictions administratives », « Cour des comptes et autres juridictions financières », « Conseil économique et social » - sont soumis au même régime que les autres programmes du budget général, notamment en termes de performances. Ils sont seulement exemptés de l'obligation de mise en réserve et bénéficieront de modalités allégées de contrôle financier.

Je présenterai, d'abord, le programme « Cour des comptes et autres juridictions financières », qui a été créé afin de permettre aux juridictions financières de remplir en totale indépendance le nouveau rôle qui leur est confié par la LOLF, et qui a été plus directement rattaché à mon ministère. Je détaillerai ensuite le programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives », qui a demandé son rattachement à la mission « Conseil et contrôle de l'État ». Enfin, j'examinerai le programme « Conseil économique et social ».

En ce qui concerne le programme « Cour des comptes et autres juridictions financières », l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 confie à la Cour des comptes deux nouvelles missions d'assistance au Parlement, qu'elle doit remplir en veillant à rester équidistante entre le Parlement et le Gouvernement.

Il s'agit, d'une part, du « dépôt d'un rapport conjoint au dépôt du projet de loi de règlement, relatif aux résultats de l'exécution de l'exercice antérieur et aux comptes associés, qui, en particulier, analyse par mission et par programme l'exécution des crédits » ; d'autre part, de « la certification de la régularité, de la sincérité et de la fidélité des comptes de l'État. Cette certification est annexée au projet de loi de règlement et accompagnée du compte rendu des vérifications opérées ».

Le nouveau statut conféré par la LOLF à la loi de règlement, qui devient un texte législatif de première importance, et la nouvelle mission de certification des comptes de l'État confiée à la Cour des comptes appellent pour celle-ci une totale indépendance la mettant en mesure de jouer pleinement son rôle d'assistance du Parlement et du Gouvernement. C'est d'ailleurs ce qu'a rappelé le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 25 juillet 2001, en relevant qu'« il appartiendra aux autorités compétentes de la Cour des comptes de faire en sorte que l'équilibre voulu par le constituant ne soit pas faussé au détriment de l'un de ces deux pouvoirs ».

Le programme « Cour des comptes et autres juridictions financières » s'inscrit ainsi dans une démarche stratégique engagée dès 2002, qui vise d'abord à améliorer la gestion publique, ensuite à affirmer l'identité professionnelle des juridictions financières et à garantir la qualité de leurs travaux, puis à rendre l'institution plus transparente et plus compréhensible, enfin à mieux intégrer l'action européenne et internationale.

L'indépendance budgétaire de la Cour des comptes se traduira également par des procédures allégées en matière d'exécution de la dépense. À cet égard, un projet d'arrêté ministériel, qui sera publié très prochainement, allégera très substantiellement les contrôles a priori.

Par ailleurs, la Cour des comptes ne sera plus affectée par les mises en réserve de crédits qui pourraient être décidées par le Gouvernement.

Le programme « Cour des comptes et autres juridictions financières » présente, pour 2006, trois caractéristiques essentielles.

Tout d'abord, ce budget reflète le développement des nouvelles missions des juridictions financières, notamment avec la certification des comptes. En effet, plus des trois quarts des moyens des juridictions financières sont dévolus aux missions de contrôle, de conseil et d'expertise.

Ensuite, il s'agit d'un budget à dominante « crédits de personnel ». Environ 88 % des moyens sont consacrés au financement des dépenses de personnel.

Enfin, c'est un budget dans lequel est inscrite la totalité des moyens en personnel affectés aux juridictions financières. Il prend donc en compte en emplois, pour la première fois, les 401 mises à disposition du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

En ce qui concerne le programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives », le rattachement du Conseil d'État à la mission « Conseil et contrôle de l'État » vise à préserver son indépendance - je réponds ainsi à l'interpellation de M. Bernard Vera. Ce rattachement, adopté par le Gouvernement, est tout à fait justifié.

D'abord, il importe d'indiquer que l'application pure et simple, à structure constante, de la loi organique relative aux lois de finances aurait fait du Conseil d'État et des autres juridictions administratives un simple programme de la mission « Justice ». Les responsables du ministère de la justice auraient donc pu procéder à des arbitrages internes pour modifier le montant de la dotation budgétaire destinée au programme « Juridictions administratives ».

Il en serait résulté une remise en cause de l'autonomie budgétaire de la juridiction administrative, puisque le Conseil d'État et son vice-président ont traditionnellement, vous le savez, la maîtrise du budget de l'ensemble de la juridiction administrative.

Ensuite, la place du Conseil d'État au sein de la mission « Conseil et contrôle de l'État » paraît naturelle aux côtés de la Cour des comptes et du Conseil économique et social. En effet, le Conseil d'État incarne parfaitement cette double mission consultative et juridictionnelle. Il s'agit bien d'identifier une fonction particulière de contrôle de l'exécutif, dans la logique de la LOLF.

À cet égard, la justice administrative est totalement différente de la justice judiciaire : elle conseille, en même temps qu'elle contrôle, le pouvoir exécutif. La justice judiciaire n'exerce ni l'une ni l'autre de ces missions. Certes, le rôle consultatif des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel est, pour l'instant, relativement limité. Mais ces juridictions sont gérées par le Conseil d'État, ce qui justifie l'unité de ce programme.

Au demeurant, ce rattachement budgétaire ne modifiera pas le niveau de contrôle, notamment parlementaire, qui doit naturellement s'exercer sur le Conseil d'État et les autres juridictions administratives. Il n'exonérera pas la juridiction administrative de la recherche de la performance qui lui incombe pour rendre le service qu'est en droit d'attendre le justiciable.

Sur ce point, il est clair - cela a été rappelé - que le Conseil d'État veille à utiliser les moyens qui lui sont alloués, dans un souci constant d'amélioration de la performance des juridictions administratives.

La justice administrative est effectivement confrontée à une difficulté majeure, celle des délais de jugement. La loi d'orientation et de programmation pour la justice a fixé comme objectif de ramener à un an, d'ici à la fin de l'année 2007, les délais de jugement devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, comme c'est déjà le cas devant le Conseil d'État.

Il est vrai que ce délai s'avère très difficile à tenir, compte tenu de l'explosion du contentieux devant les juridictions administratives. En 2003 et en 2004, le nombre des entrées devant les tribunaux administratifs a connu une hausse extrêmement importante - respectivement de l'ordre de 14 % et de 16 %. Le nombre des entrées devant le Conseil d'État a augmenté, quant à lui, de 22 % en 2004. Or la loi d'orientation et de programmation de la justice prévoyait une augmentation du contentieux de 5 % seulement

Le Conseil d'État a donc dû revoir ses objectifs pour 2006 et 2007. On devrait parvenir à des délais moyens de jugement d'un an devant le Conseil d'État, de treize mois devant les cours administratives d'appel, de dix-huit mois devant les tribunaux administratifs.

Je tiens à mentionner les efforts très importants accomplis par le Conseil d'État.

Je pense notamment à l'établissement de contrats d'objectifs et de moyens avec les cours administratives d'appel. Ils ont permis d'obtenir, depuis leur mise en oeuvre, des résultats spectaculaires.

Je pense également à la politique de gains de productivité, avec la mise en place d'indicateurs de productivité, y compris pour les membres du Conseil d'État, et au renforcement de la modulation des primes des magistrats administratifs en fonction du mérite.

Je pense encore à la politique de maîtrise des frais de justice, notamment avec l'expérimentation des téléprocédures, qui permet d'échanger les mémoires par voie électronique. Un bilan économique de cette expérimentation, en termes de coûts de fonctionnement, sera dressé.

Le budget pour 2006 n'est pas aussi favorable qu'il le paraît au premier abord. Les créations d'emploi - vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur pour avis - sont très limitées, alors même que le Conseil d'État doit faire face à la création d'un nouveau tribunal administratif à Nîmes à compter du 1er septembre 2006.

Quant à l'augmentation des crédits de fonctionnement, elle correspond, pour une part, à la réévaluation des frais de justice, dont le montant est directement corrélé à l'évolution du contentieux. Cette réévaluation était indispensable dès lors que la dotation, qui était très déficitaire, devient limitative dans le cadre de la LOLF.

En ce qui concerne le programme « Conseil économique et social », la progression des crédits correspond à l'augmentation de la valeur du point de la fonction publique et à un abondement de crédits permettant le paiement des charges patronales pour pension des personnels, qui relevaient jusqu'alors du budget des charges communes.

S'agissant des objectifs de performances et des indicateurs pour cette mission, je me bornerai à souligner la difficulté que l'on rencontre à définir des indicateurs de performance pour les activités de conseil. Plusieurs objectifs et indicateurs ont été dégagés. M. le Premier ministre et moi-même serons attentifs à toute suggestion susceptible de les promouvoir et de les améliorer.

Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les observations que je tenais à présenter sur la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

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