Intervention de Éric Doligé

Réunion du 3 décembre 2005 à 15h15
Loi de finances pour 2006 — Développement et régu lation économiques

Photo de Éric DoligéÉric Doligé, rapporteur spécial de la commission des finances :

Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, mes chers collègues, en application de l'article 7 de l'ordonnance du 1er août 2001, la mission « Développement et régulation économiques » a été créée pour rassembler tous les moyens concourant à la politique de soutien aux entreprises et au développement de leur activité.

Tous, dans cet hémicycle, nous savons que de la bonne santé de nos entreprises dépend la bonne santé de notre pays.

Ces moyens, qui étaient dispersés dans onze des anciens agrégats et dans plusieurs fascicules, représenteront en 2006 près de 4 milliards d'euros.

Pour autant que l'on puisse risquer une comparaison avec la loi de finances initiale pour 2005, comparaison rendue difficile par les changements de périmètre et les modalités de répartition des dépenses de personnel, le montant des crédits demandés correspond à une augmentation de l'ordre de 2 %.

Compte tenu de la situation contrainte de nos finances publiques, cela démontre, et je m'en félicite, que le Gouvernement ne relâche pas son effort en faveur des entreprises, effort qui a produit ces dernières années de remarquables résultats.

Je voudrais également souligner l'effort déterminant des collectivités locales, qui apportent une contribution majeure au développement économique grâce à leur rôle dans l'aménagement du territoire, à leur action économique et au volume de leurs investissements.

Les moyens en personnel de la mission - 29 194 emplois en équivalent temps plein travaillé - font apparaître une modeste réduction des effectifs, de 45 emplois, mais ce chiffre global ne doit pas dissimuler les réels efforts de productivité accomplis dans certains secteurs ; je pense, par exemple, au réseau des missions économiques à l'étranger ou à la direction générale des douanes et des droits indirects.

Telle qu'elle se présente en cet An I de la LOLF, cette nouvelle mission a vocation, je le crois, à devenir un outil efficace au service de la croissance économique, du renouveau de notre appareil productif et donc de l'emploi.

Sans vouloir trop sacrifier au « discours de la méthode », je voudrais dire, madame et messieurs les ministres, que cet outil nous semble encore perfectible et que la structure, un peu composite, de la mission pourrait sans doute être améliorée.

Nous observons en effet que la mission ne rassemble pas tous les instruments du soutien aux entreprises, tandis qu'elle inclut des dépenses qui n'ont qu'un rapport assez indirect avec ses finalités.

En ce qui concerne le premier point, nous regrettons en particulier que les aides à la recherche et à l'innovation n'entrent pas dans le périmètre de la mission et que l'effort en faveur des pôles de compétitivité ne relève que très partiellement d'une mission pourtant centrée sur le développement de l'activité économique.

Sur le second point, nous pouvons certes admettre qu'il soit difficile de faire totalement abstraction des structures administratives existantes, dont le découpage transparaît parfois assez nettement dans celui des différents programmes.

Il est toutefois dommage que cela entraîne le rattachement à la mission de moyens qui n'y ont pas toujours parfaitement leur place : je pense notamment aux moyens consacrés par les douanes à la lutte contre le trafic de stupéfiants.

Il est plus surprenant encore que l'on retrouve dans la mission un certain nombre de dépenses qui figuraient déjà dans l'ancien budget de l'industrie et qui sont dépourvues de tout lien avec le soutien aux entreprises : aides à la presse, remboursement de TVA à l'exploitant des pipelines de l'OTAN, versement de prestations sociales aux anciens mineurs.

Il nous semble que l'élaboration de la nouvelle nomenclature budgétaire aurait dû permettre de corriger ces anomalies.

Les dispositifs de mesure de la performance associés aux programmes de la mission ont, dans l'ensemble, été nettement améliorés, mais ils demeurent perfectibles.

Il est vrai que nous manquons de recul ; à l'avenir, il sera nécessaire de mettre en place des éléments d'analyse fiables, indiscutables et performants.

Toutes les actions ne sont pas couvertes par des objectifs ou des indicateurs de performance, tous les indicateurs ne sont pas pertinents. Un certain nombre d'indicateurs ne sont pas construits ou ne comportent pas de renseignements chiffrés permettant d'apprécier les ambitions fixées quant aux cibles retenues.

Si nous n'avons pas de recul dans le temps, nous manquons aussi de recul dans l'espace. Il serait intéressant de disposer d'indicateurs de comparaison de performance avec les pays qui sont nos concurrents.

Quant au principe de la justification au premier euro des crédits demandés, il paraît encore inégalement respecté.

Je voudrais en outre faire observer, d'une part, que la liberté de gestion accordée par la loi organique suppose, me semble-t-il, un effort accru de documentation des demandes budgétaires et, d'autre part, que la fongibilité des crédits ne saurait en aucun cas justifier une présentation insuffisamment détaillée des dépenses prévues.

Je m'étonne donc d'avoir éprouvé quelque difficulté à obtenir des réponses à certaines de mes demandes et de n'avoir pas trouvé, dans les documents budgétaires, d'indication sur les crédits d'aide qui pourraient être délégués aux régions.

Vous le savez, la décentralisation a permis aux régions de développer à titre exceptionnel des schémas de développement économique. Il ne faudrait pas que, d'armes économiques, ces schémas deviennent des armes politiques.

Le temps qui m'est imparti ne me permettra pas d'examiner dans le détail les quatre programmes qui relèvent de la mission. Je me bornerai donc à formuler quelques questions et observations.

En ce qui concerne le programme « Développement des entreprises », je noterai d'abord l'importance des dépenses fiscales qui lui sont rattachées : 10, 56 milliards d'euros, soit près de dix fois le montant de ses crédits budgétaires.

La politique de dépense fiscale peut certainement être un instrument efficace du soutien aux entreprises, comme le démontrent les mesures récentes adoptées pour favoriser les exportations et les mesures incluses dans les lois Dutreil.

Il faut aussi, comme l'a d'ailleurs prévu le Gouvernement, que la culture de la performance soit étendue à la dépense fiscale. Je souhaiterais donc avoir confirmation de l'intention du Gouvernement d'intégrer dès 2007 une évaluation ex post des principales dépenses fiscales dans les rapports annuels de performance.

Le programme « Développement des entreprises » regroupe des actions dont les finalités sont très diverses mais dont le contenu est en général cohérent. Je pense en particulier à l'action consacrée au soutien des PME, dont je me félicite qu'elle prévoie les moyens d'appliquer la loi du 2 août 2005 et de renforcer considérablement les dotations accordées à OSEO-Sofaris au titre des garanties aux PME.

En revanche, je m'interroge sur l'action « Développement des télécommunications, des postes et de la société de l'information ». Son contenu ne paraît pas, en effet, tenir les promesses de son intitulé. Je note d'ailleurs qu'aucun objectif ni aucun indicateur ne se rapporte à cette action.

Je regrette aussi que l'action consacrée au développement international de l'économie ne donne qu'une vue partielle du soutien budgétaire aux exportations, réparti entre trois missions, et de la politique volontariste définie en faveur des PME par le plan « Cap Export ».

En ce qui concerne le programme 127, qui retrace l'activité des directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, les DRIRE, je rappellerai que c'est le programme sur lequel est imputée la majeure partie des dépenses de la mission en faveur des pôles de compétitivité, soit 25 millions d'euros, qui seront consacrés à l'animation des pôles et à des actions ponctuelles.

Je ferai ici une remarque personnelle au sujet des pôles de compétitivité : je constate que l'Etat, face à l'indéniable réussite de ces pôles, et de peur qu'ils ne lui échappent, a fortement tendance à vouloir « reprendre la main ».

Même s'il faut ajouter à ces 25 millions d'euros quelque 6, 5 millions d'euros de crédits, du reste non individualisés, financés sur le programme « Développement des entreprises », la contribution de la mission reste modeste au regard du total des dotations budgétaires - 132, 5 millions d'euros - et de l'ensemble des moyens - 482, 5 millions d'euros - dont bénéficieront les pôles en 2006.

Je remarque d'ailleurs que ces moyens proviendront de huit programmes relevant de six missions différentes, ce qui ne contribue pas à leur lisibilité et n'en facilitera sans doute pas le suivi.

Si le programme 127 est celui des DRIRE, le programme 199, « Régulation et sécurisation des échanges de biens et de services », est celui de la direction générale de la consommation de la concurrence et de la répression des fraudes et de la direction générale des douanes et droits indirects. Il fait aussi intervenir trois autorités administratives indépendantes : le Conseil de la concurrence, la CRE - Commission de régulation de l'énergie - et l'ARCEP - Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.

En ce qui concerne ces autorités indépendantes, j'ai été frappé par l'inégalité des moyens de fonctionnements qui leur sont attribués, le Conseil de la concurrence étant de loin la moins bien dotée. Je souhaiterais donc obtenir des éclaircissements sur ces différences de traitement.

Enfin, le champ du programme « Passifs financiers miniers », qui regroupe des dépenses dont le seul point commun est d'être liées à la fin de l'exploitation minière, s'élargira en 2006 avec la budgétisation des dépenses d'après mines des Mines de potasse d'Alsace.

Sous réserve de ces diverses observations, mes chers collègues, la commission des finances vous propose d'adopter les crédits de la mission « Développement et régulation économiques ».

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