Intervention de Bernard Dussaut

Réunion du 3 décembre 2005 à 15h15
Loi de finances pour 2006 — Développement et régu lation économiques

Photo de Bernard DussautBernard Dussaut :

Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, mon intervention concernera pour l'essentiel le programme 134 « Développement des entreprises », dont l'ambition est de créer « un environnement favorable au développement et à la compétitivité des entreprises ».

La conjoncture actuelle est difficile. Sur les douze derniers mois, on a enregistré une forte hausse du nombre des entreprises qui ont connu une défaillance. Selon les statistiques fournies par la société d'assurance-crédit Euler Hermes SFAC, les défaillances ont connu, en données cumulées à la fin du mois de septembre dernier, une hausse de 5, 8 %.

Par ailleurs, pour l'ensemble de l'année 2005, les prévisions en matière de dépôts de bilan sont également préoccupantes, avec 51 000 dépôts de bilan dans des secteurs particulièrement touchés comme le BTP et le commerce. Quant à « l'acquis de croissance » pour 2005, comme le souligne l'INSEE, il n'est que de 1, 5 %, avec 0, 7 % pour le troisième trimestre. Il n'y a donc vraiment pas de quoi se réjouir de cette croissance qui est, somme toute, encore bien « molle » !

En matière de politique des territoires et de soutien en faveur des entreprises, vous disposez, monsieur le ministre, d'outils d'intervention économique.

Ainsi, le Fonds d'intervention pour la sauvegarde, la transmission et la restructuration des activités commerciales et artisanales, le FISAC, constitue un instrument important en matière d'aménagement de notre territoire. Au moment où cohérence et solidarité territoriale doivent plus que jamais devenir réalité, ce fonds est primordial ; 80 millions d'euros lui sont attribués.

Toutefois, si les crédits annoncés semblent marquer une augmentation, puisque, dans la loi de finances de 2005, le FISAC était crédité de 71 millions d'euros, la réalité est tout autre.

En effet, nous nous en souvenons tous, la loi de finances rectificative de 2004 avait doté le FISAC de 29 millions d'euros supplémentaires ; les crédits votés pour 2005 s'élevaient donc à 100 millions d'euros. Pour 2006, il s'agit donc d'une baisse de 20 millions d'euros.

Nous ne sommes pas les seuls à constater l'extrême faiblesse des dotations du FISAC puisque M. Cornu, au nom de la commission des affaires économiques, a déposé un amendement visant à augmenter ses crédits de 5 millions d'euros. Ce dispositif, géré par le ministère des petites et moyennes entreprises et principalement destiné à financer les opérations de création, de maintien, de modernisation, d'adaptation ou transmission des entreprises de commerce, de l'artisanat et des services, mérite mieux que cela.

Le souci de la préservation et du développement d'un tissu d'entreprises de proximité a toute sa place dans la réflexion que nous devons conduire. Or, non seulement les crédits baissent, mais leur utilisation est, de surcroît, complexe, voire opaque, à tel point que, selon le rapporteur de la commission des affaires économiques, il restait encore, à la fin de l'année 2004, 712 dossiers territoriaux en instance, pour un montant de 96 millions d'euros !

En outre, nous attendons également les conclusions du rapport d'enquête commandé par la commission des finances à la Cour des comptes. Nous ne pouvons en rester là : il n'est plus envisageable que nous utilisions si mal cet outil efficace pour le maintien d'un tissu de PME, de commerçants et d'artisans dans les zones rurales et urbaines fragiles.

Je souhaiterais maintenant évoquer un autre dispositif dont on parle moins, mais dont il me semble indispensable de développer les interventions. Il s'agit de l'établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux, l'EPARECA.

Créé en 1996 par la loi relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville, cet établissement public a pour objectif de mener à bien des restructurations de grande ampleur dans des quartiers sensibles.

Ses missions sont clairement définies : achat et restructuration de centres commerciaux en difficulté et maintien, de façon pérenne, de la présence du commerce de proximité, en préservant la diversité de l'offre commerciale.

Le mercredi 23 novembre dernier, vous avez signé, monsieur le ministre, avec le président de l'EPARECA, la convention d'objectifs et de moyens déterminant la feuille de route de cet établissement d'ici à 2008.

Dans la presse, on annonce que cette dotation s'élève à 16 millions d'euros. Elle complète les autres sources de financement, qui sont très larges et comprennent notamment les contributions apportées par les collectivités locales ainsi que le produit des emprunts que l'établissement est autorisé à contracter.

Dans leur rapport d'information intitulé « Peut-on sauver le commerce dans les banlieues ? », déposé au Sénat en juillet 2002, nos collègues de la commission des finances MM. Eric Doligé et Auguste Cazalet précisent que la dotation initiale s'élevait à 19, 86 millions d'euros et dénoncent le manque d'ambition dont aurait fait preuve le gouvernement de Lionel Jospin avec une si modeste dotation ! Or, je constate que nous sommes désormais en deçà de la dotation initiale, alors que les objectifs définis sont loin d'être atteints !

Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des précisions sur le fonctionnement de cet établissement et sur la provenance de la dotation. Est-elle prélevée sur la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat, la TACA ?

Cette question m'offre une transition pour le troisième point que j'aborderai, à savoir les vives inquiétudes suscitées par le maintien en l'état de la TACA.

Le Gouvernement n'ayant pas pris d'initiative, le groupe socialiste a déposé un amendement, que je défendrai la semaine prochaine, tendant à limiter l'effet de la hausse de la TACA. En aucun cas, l'augmentation ne peut être supérieure à 50 % par an. De plus, je rappelle que certaines entreprises qui n'ont rien à voir avec les objectifs fixés doivent néanmoins l'acquitter.

Le développement des zones commerciales en entrée. de ville est un phénomène qui est loin de se calmer. Des priorités en termes d'urbanisme commercial sont à définir et à appliquer sans tarder. On ne peut pas faire l'économie d'une réflexion globale qui prenne en compte tous les paramètres. L'utilité du FISAC et de l'EPARECA doit être mise en perspective avec la politique conduite en termes d'équipement commercial. Si les relations entre la grande distribution et les PME ne sont pas rééquilibrées, ces outils, déjà fort mal exploités, ne peuvent faire le poids.

Dans la foulée du projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises, nous avons examiné la proposition de loi d'Alain Fouché tendant à garantir l'équilibre entre les différentes formes de commerce. Cette démarche est demeurée lettre morte à l'Assemblée nationale.

Nous attendons de vous, monsieur le ministre, que vous mettiez en réelle synergie tous les moyens dont vous disposez pour que les choses avancent dans ce domaine, car l'enjeu est majeur. Mais je crains que cela ne soit pas encore pour cette année. En effet, les arbitrages financiers sont rendus depuis longtemps et les signes de malaise n'ont en aucun cas changé les orientations qui étaient prises.

Le programme 134 bénéficie de 81 mesures qualifiées de « dépenses fiscales ». Ce sont en réalité des mesures visant à accorder des réductions et des crédits d'impôt, des abattements fiscaux et des exonérations fiscales, des exonérations de plus-values, etc. Au total, ce sont ainsi près de 10 milliards d'euros qui n'entreront pas dans les caisses de l'État !

Ce choix politique est révélateur du caractère très libéral de la politique actuelle. Pourquoi ne pas assujettir toutes ces exonérations à des créations d'emplois ?

Enfin, j'aborderai la question de la TVA à 5, 5 %, qui se situe en marge du débat budgétaire, mais qui aura des incidences primordiales sur des pans entiers de notre économie.

Lors du congrès de l'Union professionnelle artisanale, vous avez revêtu, monsieur le ministre, le tee-shirt blanc réclamant une TVA à 5, 5 % dans le bâtiment.

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