Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la suite de Vincent Delahaye, je vais vous présenter les conclusions que je tire, au nom de la commission des finances, de l’analyse des programmes 151 et 185 de la mission « Action extérieure de l’État », qui concernent les Français à l’étranger et les affaires consulaires, d’une part, la diplomatie culturelle et d’influence, d’autre part.
Le premier constat, à la lecture du projet du Gouvernement, est la globale stabilisation des crédits alloués à ces programmes, le programme 185 consacré à la diplomatie culturelle augmentant de 2 millions d’euros, soit de 0, 2 %, le programme 151, consacré, quant à lui, aux Français de l’étranger et aux affaires consulaires, de 0, 1 %.
Cela traduit, nous l’espérons, la volonté du Gouvernement de maintenir notre influence culturelle dans le monde, élément important du rayonnement de la France, et de ne pas diminuer l’attention portée à nos compatriotes dans un moment très sensible, où la pandémie de covid-19 est mondiale.
Nous observons, dans cette loi de finances pour 2021, une légère augmentation des moyens du réseau consulaire et de ceux de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’AEFE. Ce budget nous invite toutefois à rester vigilants, tant les acteurs culturels et les opérateurs de notre pays à l’étranger ont été touchés par la crise sanitaire et sociale que nous traversons.
Notons aussi que des ouvertures de crédits très importantes ont été décidées cet été, dans la troisième loi de finances rectificative pour 2020 : quelque 50 millions d’euros pour les aides sociales aux Français de l’étranger ; 50 millions d’euros pour les aides aux établissements scolaires à l’étranger et aux familles non ressortissantes françaises ; 50 millions d’euros pour les bourses en faveur des élèves français à l’étranger ; enfin, 50 millions d’euros d’avances remboursables aux établissements de l’AEFE non portés par la présente mission.
Dans ce projet de loi de finances pour 2021, le réseau consulaire évolue très peu, avec un léger recentrage sur la zone indopacifique, pour tenir compte des orientations stratégiques qui avaient été avancées.
Le nombre d’ambassades et de représentations permanentes n’a pas diminué depuis 2010, même si le ministère, dans le cadre d’Action publique 2022, dont parlait Vincent Delahaye, s’est engagé dans un plan d’évolution de ses effectifs, interrompu dans le cadre de ce PLF 2021, tant les postes à l’étranger ont été mis à contribution pour gérer les conséquences de la crise, notamment les rapatriements de très nombreux Français bloqués à l’étranger en 2020.
Les crédits sont, en apparence, stables, mais il faut remarquer que cela masque un double mouvement : une baisse de 2 millions des crédits prévus l’année dernière pour les élections consulaires, crédits qui sont reportés à 2021, tout comme les élections elles-mêmes ; une augmentation équivalente, soit 2 millions d’euros, des aides sociales en faveur des Français de l’étranger.
S’agissant de ces crédits en faveur de l’aide sociale, ouverts à hauteur de 50 millions d’euros dans le PLFR 3, je remarque que seuls 5 millions d’euros ont été jusqu’à présent consommés. Cette consommation très faible témoigne certainement de la difficulté à établir les critères permettant leur attribution, mais nous devrons être attentifs à leur réelle utilisation, dans les mois qui viennent, en fonction des besoins réellement exprimés.
Concernant les moyens consacrés à l’enseignement du français à l’étranger, le Gouvernement affirme qu’il ne renonce pas à son objectif de doublement du nombre d’élèves à l’horizon 2030, objectif qui serait évidemment difficilement réalisable si la crise sanitaire venait à se prolonger. Là encore, nous verrons bien ce qui se passera dans les mois prochains, mais, le nombre d’élèves ayant légèrement baissé en 2020, les chiffres de 2021 devront être examinés avec attention, pour vérifier si ce creux n’est que passager.
Le budget de l’AEFE s’élève à 1 milliard d’euros, dont 417 millions d’euros dans ce programme, avec une augmentation, notamment, des subventions pour la sécurisation des emprises immobilières.
Notons d’ailleurs ici que le recours au compte d’affectation spéciale « Gestion immobilière de l’État » ne s’est pas forcément révélé, l’État lui-même n’étant propriétaire que d’une partie des bâtiments d’enseignement. Ce budget propre est donc bienvenu.
En ce qui concerne les bourses, 10 millions d’euros ont déjà été dépensés sur l’enveloppe supplémentaire, et 40 millions d’euros pourraient faire l’objet d’un report, ce qui laisserait une réelle marge de manœuvre pour répondre aux besoins, en tout cas avec les critères actuels d’attribution, à moins que la situation ne s’aggrave profondément au cours de l’année 2021.
En ce qui concerne les crédits ouverts en faveur des établissements, la moitié a été consommée, pour l’essentiel au bénéfice des établissements libanais, à la suite de l’explosion qui a touché Beyrouth l’été dernier, plongeant le Liban dans une grave crise.
Même si la dotation accordée à Campus France reste, quant à elle, stable, le montant des bourses offertes aux étudiants et chercheurs étrangers diminue de 6 millions d’euros cette année, sous l’effet des restrictions appliquées aux déplacements internationaux. Nous verrons dans les budgets suivants s’il s’agit effectivement d’une orientation contrainte et conjoncturelle liée à la crise sanitaire, qui ne remet pas en cause les objectifs politiques annoncés par le Président de la République et le Gouvernement.
L’Institut français voit sa dotation stabilisée, mais il reste confronté à des défis importants, avec le report de grandes manifestations culturelles qui n’ont pas pu se tenir en 2020. Le réseau des instituts à l’étranger, comme celui des alliances françaises, a, quant à lui, largement consommé ses réserves financières pour surmonter la crise. C’est certainement là le point le plus faible de ces deux programmes que vous nous proposez pour 2021, monsieur le ministre.
Enfin, l’attractivité touristique de la France avait, l’an dernier, retrouvé son niveau d’avant les attentats de 2015, mais, dans le contexte de contraction exceptionnelle du tourisme international ces derniers mois, les incertitudes sont encore trop grandes pour lancer de nouvelles campagnes.
À cet égard, le rôle de l’opérateur Atout France est en pleine reconfiguration ; ses moyens diminuent. Sa dotation baisserait quant à elle de 2, 8 millions d’euros en 2020, alors que l’opérateur était parvenu à réaliser 4, 5 millions d’euros d’économies depuis 2019. Ses crédits devraient encore se réduire davantage pour l’année 2021, à la suite de la chute brutale du nombre de visas octroyés en 2020.
En réalité, c’est bien le projet de loi de finances pour 2022 qui sera déterminant pour fixer une nouvelle politique de l’attractivité touristique de la France.
Disons-le, le budget de ces deux programmes et celui de l’action extérieure de l’État en général sont d’une stabilité qui peut paraître étonnante au regard de l’instabilité du contexte international. Au-delà des reports de crédits de 2020, une nouvelle loi de finances rectificative serait probablement nécessaire si la crise sanitaire et ses conséquences se prolongeaient dans le monde.
Néanmoins, mes chers collègues, reconnaissant les efforts faits en 2020, avec un collectif budgétaire très substantiel cet été, je vous inviterai pour ma part et au nom de la commission des finances à adopter les crédits de cette mission.