Intervention de Olivier Cadic

Réunion du 27 novembre 2020 à 14h45
Loi de finances pour 2021 — Action extérieure de l'état

Photo de Olivier CadicOlivier Cadic :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord, monsieur le ministre, à saluer la qualité de votre engagement personnel, tout comme celui du ministre Jean-Baptiste Lemoyne, à la tête du réseau diplomatique, culturel et consulaire.

Les agents de votre ministère méritent aussi toute notre reconnaissance, pour avoir su faire face, avec beaucoup de résilience, tout au long de cette année qui marquera l’histoire.

Je veux également rendre hommage à tous les acteurs qui ont participé à la chaîne de solidarité ayant accompli, aux côtés de votre ministère, un rapatriement d’une ampleur inédite au second trimestre, à commencer par nos élus des Français de l’étranger, nos consuls honoraires et plusieurs associations, à l’image de l’Union des Français de l’étranger, l’UFE, de la Fédération internationale des accueils français et francophones à l’étranger, la Fiafe, et de tant d’autres…

Le groupe Union Centriste trouve en la mission « Action extérieure de l’État », qui présente des crédits en hausse de 3, 65 % pour l’année 2021, de nombreux sujets de satisfaction.

Tout d’abord, pour la première fois depuis vingt ans, les effectifs du Quai d’Orsay ne diminueront pas.

Ensuite, la politique immobilière de votre ministère nous a longtemps inquiétés : pour financer l’entretien de notre patrimoine, nous cédions ainsi auparavant des propriétés parfois emblématiques. Vous avez fini par mettre un terme à cette spirale. Notre groupe, je veux le souligner, se félicite que l’immobilier bénéficie désormais d’une augmentation de crédits de 33 %.

Enfin, nous sommes également satisfaits du plan de soutien aux Français de l’étranger d’un montant de 220 millions d’euros que vous avez annoncé le 30 avril dernier, soit quarante-cinq jours seulement après le début de la crise sanitaire. Il a permis la concrétisation de l’article 1er de la proposition de loi que j’avais déposée un mois plus tôt, afin que les Français de l’étranger puissent bénéficier de fonds d’urgence mobilisables via le fonds d’urgence covid-19.

Au titre du troisième projet de loi de finances rectificative, vous avez apporté la solidarité nécessaire pour aider les Français de l’étranger se trouvant dans le besoin, en abondant le programme 151 de 100 millions d’euros, avec 50 millions d’euros de bourses supplémentaires et 50 millions d’euros de secours d’urgence.

Vous avez également pris en compte la situation des familles en difficulté d’enfants étrangers scolarisés dans notre réseau, lorsque le sénateur Robert del Picchia, le premier, vous a alerté sur cette nécessité. Vous avez ainsi alloué cinquante autres millions d’euros à ces familles.

De plus, vous avez fait preuve de réactivité lorsque, l’été dernier, je vous avais fait part de la déception des élus des Français de l’étranger, qui avaient constaté que moins de 1 % de l’enveloppe du secours occasionnel de solidarité avait été distribué par votre administration. Depuis lors, ces élus et notre commission ont observé que ce dispositif de solidarité a trouvé un public plus large, grâce à l’assouplissement des conditions d’attribution.

Cependant, nous restons loin d’avoir consommé l’enveloppe que vous aviez prévue, considérant que la crise sanitaire ne s’interrompra pas au 31 décembre.

S’agissant des 200 millions d’euros de crédits supplémentaires votés dans le troisième projet de loi de finances rectificative, pour l’aide sociale, les bourses scolaires, et les aides aux écoles du réseau de l’AEFE, pourriez-vous nous indiquer si la part de ces crédits non consommés en 2020 sur les programmes 151 et 185 sera reconduite en 2021 ?

Eu égard au programme 185 portant sur notre réseau culturel et éducatif, chacun reconnaît l’importance de l’AEFE pour la politique d’influence de la France.

Depuis vingt ans, cependant, cette influence s’est considérablement réduite. Le différentiel de l’enseignement français par rapport à l’enseignement anglo-saxon à l’étranger était alors de 1 à 3 ; il est aujourd’hui de 1 à 20. Pour redresser la barre, Emmanuel Macron, d’abord, puis le Gouvernement, par votre intermédiaire, avez fixé l’objectif de doubler les effectifs du réseau d’ici à 2030. Je veux dire ici avec force que vous avez raison et que je soutiens cette orientation.

Néanmoins, pour y parvenir, il nous faudrait une progression de 8 % par an, ce qui représente 100 000 nouveaux élèves de plus à l’horizon de 2023. L’audition du directeur de l’AEFE a démontré que les orientations prises pour son développement peinent à s’aligner sur la vision ambitieuse du chef de l’État.

Je n’en suis pas surpris : cette administration se trouve en conflit d’intérêts, car il lui est demandé de développer un réseau précisément destiné à faire concurrence à celui qu’elle administre. À titre d’exemple, le lycée international de Londres Winston Churchill, en statut partenaire, souffre d’un traitement inéquitable par rapport au lycée français Charles de Gaulle de Londres, géré directement par l’AEFE, dans la mesure où les parents ne peuvent bénéficier de bourses susceptibles de couvrir 100 % des frais de scolarité.

Ce genre de problème va s’étendre au développement de l’immobilier du réseau. En effet, on apprend aujourd’hui que Bercy confiera à l’AEFE l’instruction des demandes de garantie de l’État sur les prêts relatifs à l’immobilier scolaire, traités auparavant par l’Association nationale des écoles françaises à l’étranger, l’Anefe.

Nous sommes déçus que ce dispositif indépendant, pourtant issu du Sénat, soit remplacé dans l’opacité et dénaturé, sans nous avoir au préalable consultés, ainsi que l’Assemblée des Français de l’étranger, l’AFE.

Dans cet hémicycle, en 2017, je vous suggérais de doubler notre réseau éducatif en cinq ans, tout en ajoutant qu’il était nécessaire de libérer le système pour y parvenir. Mais, l’emprise de l’AEFE s’étant accrue, c’est bien le contraire qui s’est passé !

J’ai la certitude qu’il est impossible de concrétiser la vision voulue par Emmanuel Macron si ce fonctionnement administratif, centralisé et dépourvu de tout esprit de conquête perdure.

Examinons maintenant le programme 105, qui regroupe les moyens de l’action diplomatique de la France. Dans le projet annuel de performance, à la page 22, on peut lire la liste des principales crises, réparties par zone géographique, auxquelles votre ministère devra faire face en 2021. Or – surprise ! – l’Amérique latine en est totalement absente.

Au Venezuela, à une heure d’avion de la Guyane française, se déroule une crise humanitaire qui déstabilise tout le continent ; elle n’est pas même mentionnée !

L’ambassadeur du Brésil m’a convié, hier, à une réunion avec quatre autres ambassadeurs du groupe de Lima. Ces diplomates souhaitaient célébrer le premier anniversaire de l’adoption de la résolution sur le Venezuela, que j’avais présentée pour le groupe Union Centriste. Ils voulaient ainsi saluer l’action du Sénat, conforté, sur ce sujet, par le soutien sans faille du président Larcher et du président Cambon.

D’ailleurs, pour conclure, la semaine prochaine, sa série d’auditions par des parlements étrangers – avant le 6 décembre, date fatidique à laquelle le dictateur Nicolas Maduro tentera de se débarrasser de l’actuelle Assemblée législative, dernier rempart démocratique du Venezuela –, Juan Guaido, président par intérim, a choisi le Sénat français : c’est tout un symbole.

Quant aux enjeux économiques, n’en parlons pas ; la France a investi au Brésil, avec lequel notre pays partage sa plus grande frontière terrestre, plus de 37 milliards d’euros, soit plus que les 31 milliards d’euros investis en Chine.

Pourquoi l’Amérique latine semble-t-elle donc absente du radar du ministère, alors que la France est le seul pays européen à être physiquement présent sur ce continent et que tous nos voisins nous y réclament ?

Je veux poursuivre mon intervention en commentant votre objectif de sécurité des Français résidant ou de passage à l’étranger.

Le 11 novembre dernier, à huit heures trente, pendant la cérémonie de commémoration de l’armistice, un attentat s’est produit à Djeddah, en présence de notre consul général et de Nadia Chaaya, conseillère des Français de l’étranger. Dès neuf heures douze, les citoyens américains résidant en Arabie Saoudite en étaient informés par un message sur WhatsApp. La communication officielle de la France est intervenue, quant à elle, à douze heures trente-trois, tandis que l’information tournait déjà en boucle dans les médias…

Le 2 novembre dernier, j’avais demandé à Jean-Baptiste Lemoyne que le processus de communication de crise soit formalisé et que nos élus fassent l’objet d’une information spécifique. En effet, lorsque le ministère délivre une information anxiogène, c’est vers ces derniers que nos compatriotes se tournent pour en savoir plus. Pouvez-vous prendre en compte mes inquiétudes sur la pertinence et l’efficacité de notre système d’alerte ?

Je tiens à finir par une note positive, monsieur le ministre. Nous sommes à trente-cinq jours de la date fatidique du 31 décembre 2020, qui marquera la fin de la période de transition du retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, et je souhaite témoigner des efforts déployés par votre ministère, à l’échelon tant diplomatique que consulaire, pour accompagner nos compatriotes qui résident, comme moi, outre-Manche.

Bien évidemment, monsieur le ministre, le groupe Union Centriste votera les crédits de la mission « Action extérieure de l’État ».

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