La France est handicapée par le modèle économique de l’AFD, qui est du reste assez singulier parmi les pays de l’OCDE. Il s’agit en effet d’une institution financière qui agit comme une banque et à laquelle on demande de faire de plus en plus de dons. A-t-on jamais demandé à une banque de faire des dons ?
Selon nous, l’AFD est une agence qui doit lutter contre les inégalités et contre la pauvreté, particulièrement dans les pays du Sahel, lesquels sont d’ores et déjà très éprouvés par le terrorisme.
Vous le savez mieux que moi, monsieur le ministre, les succès militaires que nos soldats y remportent chaque jour et que l’on peut saluer ne pourront aboutir à une paix durable que s’ils sont accompagnés par les succès du développement. Nous avons, sur ce plan, une véritable responsabilité.
L’actuelle direction de l’AFD fait plutôt figure de chevalier du développement durable, de promoteur universel de la lutte contre le changement climatique, tant dans les pays émergents, voire davantage, que dans les pays prioritaires. Cela pose évidemment un réel problème.
Lors de l’examen du projet de loi d’orientation sur la solidarité nationale, nous aurons l’occasion de clarifier cette situation confuse. J’espère que vous pourrez nous dire très prochainement quand nous sera soumis ce texte, que l’on nous annonce depuis un certain temps.
La clarification des priorités de notre aide publique au développement n’est d’ailleurs pas ce que nous attendons au travers de l’examen de ce projet de loi de finances. Ce que nous souhaitons, vous le savez – cela a été dit et redit –, c’est l’amélioration du pilotage de l’AFD, l’encadrement d’une aide multilatérale encore trop peu transparente, l’intégration d’Expertise France dans le groupe AFD et la création d’une commission d’évaluation réellement indépendante.
Ces dispositions essentielles nous permettront d’introduire davantage de démocratie, de transparence et un véritable sens politique dans l’action que vous menez. Je rappelle que ce budget représente tout de même près de la moitié du budget du Quai d’Orsay !
À propos de transparence, je ferai moi aussi, à l’instar des rapporteurs, une observation de principe sur le nouveau siège de l’AFD. On l’a répété tout au long de ce débat, 836 millions d’euros, très sincèrement, représentent un montant totalement décalé – pour ne pas employer un autre terme – dans le contexte actuel. Le film que nous avons projeté en commission était assez évocateur à cet égard.
Par ailleurs, il semblerait que le Gouvernement ait décidé de déposer un amendement de recapitalisation de l’AFD à hauteur de 500 millions d’euros. Vous nous raconterez peut-être ce soir l’histoire de cet amendement, que nous poursuivons désespérément. Nous avons cru qu’il serait déposé à l’Assemblée nationale ; cela n’a pas été le cas. Il devait l’être au Sénat et nous l’avons attendu ces jours derniers ; tel ne fut finalement pas le cas non plus.
Je rappelle que ce montant de 500 millions d’euros représente les deux tiers des crédits en dons prévus par le programme 209 « Solidarité à l’égard des pays en développement », soit le quart de notre aide bilatérale à l’Afrique subsaharienne et cinq fois notre aide au Mali : pour un seul amendement, cela fait beaucoup ! Nous espérons que vous nous donnerez des explications de nature à nous rassurer, afin que nous puissions nous féliciter sans arrière-pensée de l’augmentation des moyens consacrés à cette politique.
Monsieur le ministre, cette nouvelle augmentation des crédits de l’APD, notamment des dons-projets, nous permettra de maintenir notre soutien à une Afrique d’ores et déjà ébranlée par les effets économiques du covid. Cette hausse a convaincu notre commission de soutenir votre budget.
Nous maintenons nos interrogations sur l’AFD et nous espérons que vous nous éclairerez enfin, à cette heure tardive, sur ces mystères.