Intervention de Bruno Retailleau

Réunion du 25 novembre 2020 à 15h00
Nécessité de reconnaître la république du haut-karabagh — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Bruno RetailleauBruno Retailleau :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette résolution n’est pas banale et elle est fondamentale ; la preuve : elle échappe à la géographie politique traditionnelle, puisqu’elle a été cosignée par cinq présidents de groupe de la Haute Assemblée, issus de la droite, du centre et de la gauche. Cela signifie que l’enjeu qu’elle représente dépasse nos clivages traditionnels, routiniers, et qu’elle touche à ce que nous avons en commun.

Ce que nous avons en commun, sur toutes les travées, c’est l’idée que nous nous faisons de la France et de son rôle, un rôle singulier : cette exigence française qui consiste à prendre soin du monde, à avoir le souci du monde. J’en ai la conviction et je le clame du fond du cœur, ce qui se passe là-bas nous concerne ici. Le conflit du Haut-Karabagh n’est pas un conflit local et nous devons prendre position.

Ainsi, au nom tant de ses intérêts que de ses convictions et de ses valeurs, la République française s’honorerait, monsieur le secrétaire d’État, en reconnaissant rapidement la République du Haut-Karabagh.

Cela correspond à nos intérêts, tout d’abord, parce que – ne nous cachons pas derrière notre petit doigt diplomatique –, si ce conflit a une dimension tout autre que locale, c’est en raison de l’implication, de la participation décisive et massive de la Turquie de M. Erdogan, au nom de sa politique expansionniste, néo-ottomane et, disons-le franchement, nationale-islamiste.

Cette politique est une menace, ici et ailleurs dans le monde, contre la paix et contre nos intérêts, car c’est bien ce régime qui a armé le bras azéri. C’est lui aussi qui attise, dans un certain nombre de régions, les conflits régionaux, des déserts de Libye aux montagnes et aux plateaux du Caucase. Bien entendu, c’est encore lui qui menace la stabilité au cœur même de l’Europe, à Chypre et dans les eaux territoriales grecques. Et qui a armé le bras des djihadistes, si ce n’est ce régime ? Qui a fait venir ces djihadistes de Syrie, qui ont décapité là-bas comme ils l’ont fait ici ?

C’est au nom d’une politique d’expansion islamiste que M. Erdogan a justifié l’engagement de son régime, de son pays. Je cite fidèlement ses propos : « Le Haut-Karabagh est redevenu un pays de l’islam, il a repris sa place à l’ombre du croissant. »

Les motivations de ce genre de personnage sont souvent transparentes, mais l’histoire nous enseigne aussi que ces individus ne connaissent qu’une seule limite : le rapport de force. Combien d’agressions faudra-t-il pour que l’Europe sorte de sa torpeur et applique enfin de véritables sanctions diplomatiques et surtout économiques ? Encore combien de provocations nous faudra-t-il pour que nous sortions de notre naïveté ? Le président de notre commission des affaires étrangères, Christian Cambon, nous l’a appris, voilà quelques semaines, l’Agence française de développement a prêté, depuis une dizaine d’années, 4 milliards d’euros à la Turquie afin, notamment, de préparer son entrée en Europe. Franchement, de qui se moque-t-on ?

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