Intervention de Jean-Noël Guérini

Réunion du 25 novembre 2020 à 15h00
Nécessité de reconnaître la république du haut-karabagh — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Jean-Noël GuériniJean-Noël Guérini :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au moment où nous sommes réunis pour défendre la résolution visant à reconnaître la République du Haut-Karabagh, je ne peux oublier l’émotion qui était la nôtre voilà tout juste vingt ans – le président Retailleau l’a rappelée –, alors que la France reconnaissait le génocide arménien du 24 avril 1915.

Aujourd’hui, cette fierté est remplacée par la tristesse provoquée par le silence assourdissant de notre diplomatie, monsieur le secrétaire d’État, mis à part quelques propos.

Alors oui, c’est avec le cœur lourd que je défends devant vous ce projet de résolution. Une fois encore, une fois de plus, une fois de trop, la République d’Arménie est victime du cynisme de ses voisins. Ses soldats, sa jeunesse, ses enfants ont payé les assauts de l’Azerbaïdjan de leur sang, de leur vie.

Je regrette, monsieur le secrétaire d’État, que cette agression ait été accompagnée d’une coupable neutralité, au sens noble du terme, de notre gouvernement.

Nous entendons, bien sûr, ici et là, des voix demandant : « À quoi bon ? » À quoi bon reconnaître cet Artsakh aujourd’hui, alors qu’un cessez-le-feu parrainé par Moscou et Ankara affiche la volonté de sceller pour lui un funeste destin ?

La réponse tient pour moi dans une phrase écrite par Charles Péguy quelques années avant la Grande Guerre : « Il faut toujours dire ce que l’on voit. Surtout il faut toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l’on voit. »

Cet exercice de lucidité, quand les propagandes populistes déversent la haine à travers le monde, n’est pas aisé – je le reconnais bien volontiers.

Le 14 octobre dernier, M. le ministre Le Drian, à l’occasion de la séance de questions d’actualité au Gouvernement, a déclaré avec justesse : « Dans cette affaire grave, il y a, pour la France, une urgence, un devoir et une exigence. »

Oui, il est urgent de dire à nos amis d’Erevan, à nos frères arméniens, aux Arméniens de France, que notre pays est à leurs côtés. Et il est de notre devoir d’en finir avec les grands discours rarement suivis d’effets.

Il y a une urgence humanitaire, car des dizaines de milliers de femmes, d’hommes, d’enfants, de personnes âgées se sont repliés vers Erevan, face à des troupes djihadistes accompagnées d’Azéris.

Il y a urgence à remettre le sultan d’Ankara à sa place.

Il y a urgence à se retrouver aux côtés des victimes d’un conflit que, par aveuglement, nous n’avons pas su prévenir.

Il sera bien temps, demain, de comprendre les raisons de ces tragiques échecs, dont celui, disons-le franchement, des gouvernants d’Erevan, qui n’ont pas vu monter les périls.

Dans un Caucase où Moscou ne joue, en toute logique, que pour reconstituer son pré carré, il sera bien temps, demain, de comprendre l’inertie des travaux du groupe de Minsk.

Relever ce défi est une urgence, un devoir et une exigence pour la France des Lumières, que les assauts d’un islamisme militant tentent de fracturer.

Nous retrouvons ce dédain, ce rejet, ce refus de ce que nous sommes dans le comportement inacceptable de la Turquie et dans les propos inqualifiables du président Aliyev.

Monsieur le secrétaire d’État, l’ambassadeur azéri aurait dû être convoqué par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères lorsque le président Aliyev a demandé au gouvernement de la France d’offrir à la Corse son indépendance et d’élever Marseille en république du Haut-Karabagh !

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