Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « pour les représentants, il n’y a rien de plus facile que de voter une dépense, et rien de plus difficile que de voter une recette. » Avec le temps, ce mot de Frédéric Bastiat n’a rien perdu de sa justesse.
Et pour cause : lorsqu’on vote une dépense, on croit faire des gagnants ; lorsqu’on vote une recette, on pense faire des perdants. Ce raisonnement peut valoir au cas par cas, mais ne tient ni à l’échelle d’une nation ni sur le long terme.
Alors que notre taux d’endettement a bondi de 20 points de PIB en un an, nous devons faire preuve de lucidité face à ce mauvais penchant. La crise sanitaire risque de se prolonger, et il nous faut, dès maintenant, préparer un nouveau modèle de développement pour rembourser notre dette.
Cette crise globale est trop profonde pour que nous cherchions à la régler par plus de dépenses et moins de recettes. Le défi est immense. Il consiste à préparer le terrain pour une croissance d’avenir, en semant les germes de l’innovation et de la réparation tout en neutralisant les ferments de colère sociale.
Cette première partie du projet de loi de finances pour 2021 nous a permis de confronter, de façon concrète, différentes visions de ces nouvelles perspectives de croissance.
Le groupe Les Indépendants s’est attaché à défendre les mesures qui renforceront, demain, la compétitivité de la France et l’attractivité de nos territoires. Je pense, en particulier, à la baisse des impôts de production. Je suis certaine que nous en verrons très rapidement les bénéfices pour nos petites et moyennes entreprises (PME) et nos entreprises de taille intermédiaire (ETI) qui investiront et recruteront davantage dans nos territoires.
Je me réjouis que cette mesure ait reçu un accueil très favorable du Sénat. Nous sommes nombreux, sur ces travées, à vouloir la réindustrialisation de notre économie et la relocalisation de nos productions en phase avec la transition écologique. Voilà qui devrait y contribuer efficacement.
La partie n’était pourtant pas gagnée d’avance, puisque cette baisse d’impôts s’effectuera aux dépens des collectivités locales, dont nous souhaitons tous préserver l’autonomie financière. Mais sur ce point, je crois que les amendements présentés par la commission des finances ont renforcé les gages que le Gouvernement avait donnés. L’État compensera bien ces pertes de recettes, et les collectivités n’auront plus à choisir entre équilibre de leurs finances et compétitivité de leur territoire.
Pour nous sortir de la crise dans laquelle le virus nous a plongés, nous devrons innover et produire en France, sur l’ensemble du territoire. C’est pourquoi notre stratégie doit consister à alléger la pression fiscale qui pèse sur le capital et le travail, quitte à augmenter la fiscalité sur la consommation.
En matière de politique fiscale, nous assumons le pari de la compétitivité de nos territoires. C’est dans la même logique que nous avons reversé au débat notre proposition de TVA sociale, dont l’objet est de taxer davantage la consommation pour mieux rémunérer le travail.
L’intérêt de cette mesure est double. D’une part, à l’heure du « consommer moins, mais mieux », faire basculer nos prélèvements obligatoires depuis le travail et le capital vers la consommation revient à renforcer notre compétitivité-coût. Cela permet d’avantager les produits français face aux produits étrangers et d’améliorer notre balance commerciale qui en a bien besoin.
D’autre part, alors qu’un consensus politique s’est formé autour de la nécessité de laisser filer nos déficits pour financer la lutte contre l’épidémie, peu de propositions ont surgi pour rééquilibrer sérieusement nos finances publiques.
Disons-le : nous ne pourrons pas nous contenter de voter des dépenses supplémentaires. C’est pourquoi le groupe Les Indépendants assume également son soutien à certaines hausses d’impôts et à la suppression de certaines baisses.
En voici deux exemples emblématiques : la suppression de la majoration d’impôt pour les entrepreneurs n’adhérant pas à des organismes de gestion agréés (OGA). Nous sommes favorables à la baisse d’impôts pour les indépendants, mais pas au risque d’entamer la fiabilité des comptes.
Plus emblématiques encore sont les deux contributions exceptionnelles que nous avons votées sur les assurances et les ventes en ligne.
Bien sûr, l’impôt n’est pas une baguette magique qui, d’un coup, pourrait changer la réalité. Néanmoins, les Français attendent des entreprises qui ont tiré profit de la crise aux dépens des autres et au gré des circonstances, qu’elles fassent un effort de solidarité. Je doute que l’Assemblée nationale conserve ces contributions exceptionnelles de solidarité, mais nous avons souhaité envoyer un message fort, et nous espérons qu’il sera entendu par les grandes entreprises.
Je considère donc que le Sénat a apporté, de manière responsable, d’importantes améliorations à ce budget. C’est dans ce même esprit de responsabilité que notre groupe souhaite en aborder la seconde partie.
Nous voterons donc en faveur de cette première partie qui pose les premiers jalons d’une fiscalité adaptée aux défis de la sortie de crise et de l’après-crise.