Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la pandémie a entraîné un choc économique terrible, inédit depuis 1945, comme Pascal Savoldelli vient de le dire.
Pourtant, cette première partie du PLF pour 2021 ressemble tellement à celle du précédent que je pourrais presque vous présenter l’explication de vote que notre ancien collègue Thierry Carcenac a prononcée l’an dernier au nom de notre groupe !
Disons-le : cette première partie est une occasion manquée. Nous aurions pu nous donner les moyens de créer de nouvelles solidarités, de soutenir la jeunesse et de changer notre modèle de développement pour le rendre plus durable, mais ce chemin n’a été emprunté ni par le Gouvernement ni par la majorité sénatoriale. Nous avions d’ailleurs rarement constaté une telle convergence de vues entre eux !
Nous saluons, certes, l’instauration d’une contribution exceptionnelle de solidarité sur le secteur de l’assurance, obtenue de haute lutte, mais nous avions proposé bien d’autres mesures pour permettre une meilleure redistribution des richesses : rétablissement d’un impôt de solidarité sur le capital, taxe sur les géants du numérique, report d’un an de la suppression de la taxe d’habitation pour les 20 % de foyers les plus aisés, maintien du niveau de l’impôt sur les sociétés pour les grandes entreprises, suppression de la flat tax comme de l’exit tax. Comme prévu, vous avez tout rejeté.
Vous n’avez pas eu autant de préventions lorsqu’il s’est agi, au printemps dernier, de faire payer la CRDS à tous les Français pour neuf années supplémentaires.
Quant au Gouvernement, il ne change pas de voie par rapport à la politique menée depuis trois ans, qu’il l’amplifie même, avec une baisse des impôts de production – comme par hasard ceux qui étaient perçus par les collectivités locales ! –, mais, bien sûr, sans conditionnalité.
La crise exceptionnelle que nous traversons nécessite pourtant de se réinventer, comme l’a dit lui-même le Président de la République. Même les économistes favorables à votre action en faveur de la compétitivité indiquent qu’il faut, en parallèle, agir beaucoup plus fortement sur la demande. Ils sont nombreux à relever, comme Jean Pisani-Ferry, des insuffisances vis-à-vis des victimes de la crise, à regretter le manque de soutien au pouvoir d’achat des plus modestes et la bombe à retardement des entreprises surendettées et qui devraient être aidées encore davantage.
Dans cet ensemble insatisfaisant, l’adoption de nos amendements visant à appliquer le taux réduit de TVA aux productions des agences de presse, à la billetterie du e-sport, ou encore aux voyages en train apparaît comme une succession de petites victoires, petites quoique précieuses.
D’autres amendements que nous présentions ont aussi été votés, je ne les citerai pas tous, ils étaient souvent – par bonheur, reconnaissons-le ! – également présentés par un groupe de la majorité sénatoriale.
Je n’en dirai pas autant de nos amendements qui visaient à changer de modèle de développement et à favoriser une relance durable. Nous aurions pu, ensemble, encourager le Gouvernement à aller plus loin et à mettre en œuvre les conclusions de la Convention citoyenne pour le climat. Pourtant, même l’augmentation du malus automobile, pour ne prendre que cet exemple, a encore perdu de son ambition lors de nos débats. Cela en dit long sur votre timidité en matière environnementale ; cinq ans après les accords de Paris, au cœur d’une crise exceptionnelle qui aurait pu marquer une rupture, ce conservatisme nous déçoit.
Enfin, nous restons inquiets pour les finances des collectivités locales, même si l’article 22 bis a fait l’objet d’une suppression bienvenue par notre assemblée. Nous poursuivrons utilement le débat en seconde partie, avec la volonté de préserver les marges de manœuvre des collectivités et leur capacité à assumer leurs missions et à faire face à la crise sur nos territoires.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris ce volet recettes ne nous convient pas. Nous proposions, par nos amendements, 22 milliards d’euros de recettes supplémentaires. Ce que vous appelez « ne pas augmenter les impôts », c’est-à-dire votre refus obstiné de faire contribuer davantage les plus fortunés et les grandes entreprises, constitue une erreur, à notre sens, et ce choix conduit à accroître le déficit public sans dégager les moyens d’un plan de relance et de solidarité à la hauteur de la situation.
Néanmoins, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain souhaite débattre de la seconde partie de ce projet de loi de finances. Nous attendrons le vote final sur l’ensemble du budget pour nous prononcer sur le fond, sans illusion, mais avec la volonté de défendre nos convictions et l’espoir de convaincre.