Intervention de Claude Nougein

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 2 décembre 2020 à 9h05
Proposition de loi visant à instaurer une contribution exceptionnelle sur les assurances pour concourir à la solidarité nationale face aux conséquences économiques et sociales d'une crise sanitaire majeure — Examen du rapport et élaboration du texte de la commission

Photo de Claude NougeinClaude Nougein, rapporteur :

Pour répondre à Éric Bocquet, le Sénat a déjà voté 2,2 milliards d'euros de taxations supplémentaires, si on additionne la taxe sur les complémentaires santé prévue dans le PLFSS pour 2021, et la contribution exceptionnelle sur les primes d'assurance dommages introduite dans le projet de loi de finances pour 2021. Je reconnais volontiers que les assureurs sont maladroits dans leur communication et leur comportement. La presse fait état, pour 2021, de hausse sur les primes à hauteur de 2 % environ pour l'assurance automobile ; ces annonces peuvent être vécues comme une provocation. Le ministre de l'économie a déclaré qu'il demandait aux assureurs de faire un geste significatif, à savoir de ne pas appliquer de hausse de primes aux restaurateurs et aux commerçants ; en contrepartie, il bloquerait la taxe de 2 % proposée par le Sénat. Il demande donc un geste de leur part, pour éviter une taxation à hauteur de 1,2 milliard d'euros. Il en va de l'intérêt des assureurs de suivre la recommandation du ministre.

Vous évoquez les sur-profits de la grande distribution ; c'est absolument faux. Le chiffre d'affaires des très grandes surfaces aurait baissé de 20 % pendant les deux confinements ; en revanche, les petites et moyennes surfaces auraient vu le leur exploser.

S'agissant de la mise en oeuvre de la garantie « pertes d'exploitation », pour les restaurateurs notamment, les assureurs avaient exclu leur application à une crise sanitaire comme celle que nous connaissons dans la plupart des contrats. Toutefois, pour 3 % des contrats, les clauses étant mal écrites, ils ont été contraints de rembourser ; pour 4 % les contrats étaient ambigus, l'affaire est portée en contentieux, avec des différences d'appréciation. Cela signifie que 93 % des contrats ne souffrent d'aucune ambiguïté.

Il s'agit donc de reconnaître que les assureurs ont fait des gestes. Par exemple, bailleurs dans des sociétés foncières, ils ont fait, comme tous les bailleurs, cadeau de deux mois de loyer. Ils ont également continué d'assurer des personnes ou des entreprises ne payant plus leurs cotisations. Certes, il faut leur tordre le bras, mais des gestes commerciaux ont été faits.

Comme Michel Canevet l'a exprimé, le problème n'est pas de taxer ou de ne pas taxer les compagnies d'assurance ; c'est le mécanisme de la taxe qui est dangereux. Par ailleurs, si cette proposition de loi devait suivre un parcours parlementaire classique, elle ne pourrait pas s'appliquer avant 2021 et ne répondrait donc pas à la crise sanitaire de 2020 ; elle s'appliquerait pour les futures crises sanitaires, sans préciser la durée, ni l'échelle, nationale ou locale.

Le danger serait également de servir d'exemple pour d'autres secteurs ; quand on met le doigt dans l'engrenage avec une taxation systématique en cas d'état d'urgence sanitaire, le bras entier peut y passer.

Pour répondre à Philippe Dallier, la direction générale du Trésor nous a indiqué que des réflexions étaient en cours dans d'autres pays européens, mais pour l'instant, ils ne semblent pas privilégier de dispositifs similaires. Souvent, en France, nous avons des idées d'impôts et de taxations assez originales, mais il est inutile de les breveter, car personne ne les suit...

Charles Guené, l'appréciation de résultats comptables est un élément important. Cette année, il peut y avoir de fortes dépréciations. Sur le bilan 2020, à mon avis, entre les engagements extracontractuels, les contributions exceptionnelles, et les dépréciations, il n'y aura pas de sur-profits.

Thierry Cozic souhaiterait ponctionner les sur-profits. Vous citez Xavier Bertrand, qui déclare vouloir mettre à contribution les assurances ; ce n'est pas le sujet, puisque le Sénat a déjà décidé de mettre à contribution les assurances à hauteur de 2,2 milliards d'euros. Faut-il aller plus loin ? Les assureurs doivent contribuer à l'effort de solidarité nationale, mais nous ne sommes pas là pour tuer la poule aux oeufs d'or. Il est important de rester raisonnable.

La proposition de loi n'est pas adoptée.

Le périmètre de la proposition de loi est adopté.

Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance portera en conséquence sur le texte initial de la proposition de loi déposé sur le Bureau du Sénat.

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