Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Engagements financiers de l'État », pour 2006, représente quelque 40, 68 milliards d'euros. C'est, par son volume, la troisième mission la plus importante du budget général, dont 95 % des crédits - 38, 93 milliards d'euros - correspondent au seul programme « Charge de la dette et trésorerie de l'État », qui abrite la gestion des titres de dette aujourd'hui émis par l'Agence France Trésor.
Par rapport aux crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2005, la charge nette de la dette, en dehors des opérations d'échange de taux d'intérêt, devrait diminuer l'année prochaine de 2, 2 %, soit 880 millions d'euros. Cette situation résulte, pour l'essentiel, du maintien des taux d'intérêt à un niveau historiquement bas, quoique hélas, monsieur le ministre, la décision que vient de prendre la banque centrale européenne, il y a quarante-huit heures, conduit à s'interroger sur le sujet.
En effet, le stock prévu en 2006 s'établissait dans le bleu à 97, 2 milliards d'euros. Il a été diminué de 200 millions d'euros par un amendement du Gouvernement à l'article 51, lors du vote de l'article d'équilibre au Sénat. La hausse du quart de point qui vient d'être décidée par la Banque centrale européenne devrait normalement avoir une incidence de 242, 5 millions d'euros.
Je pense que vous aviez anticipé cette hausse, monsieur le ministre, mais je serais heureux, en tant que rapporteur spécial, que vous nous confirmiez que tel est bien le cas, sinon nous serions obligés de nous interroger sur la réalité de la situation.
En tout état de cause, cette diminution de la charge de la dette de l'État pour 2006 - si elle est confirmée - ne doit masquer ni l'importance du stock de la dette, ni sa progression constante, ni d'ailleurs sa fragmentation. Je rappellerai que nous avons eu, mercredi dernier, un débat intéressant sur ce sujet.
Il n'en reste pas moins que la dette négociable gérée par l'Agence France Trésor, au 30 septembre de cette année, a atteint 874 milliards d'euros et que son rythme de progression actuel - ce qui est encore plus grave - est de l'ordre de 4 % par an, c'est-à-dire plus de deux fois l'inflation.
En outre, si, pour 2006, on s'attend à ce que les taux d'intérêt remontent encore, l'impact budgétaire de cette hausse ne sera visible qu'en 2007 et, cette fois-ci, c'est l'élaboration du projet de loi de finances pour 2007 qui se révélera plus problématique encore.
Pour le reste, je souhaiterais évoquer la stratégie de performance du programme « Appels en garantie de l'État » et du programme « Épargne ». En effet, la commission des finances a estimé que des améliorations en la matière étaient souhaitables, afin d'établir de véritables indicateurs de performances, au lieu des indicateurs actuellement en place, que l'on pourrait qualifier d'indicateurs « de contexte ».
Au demeurant, alors que les objectifs et indicateurs associés au programme « Charge de la dette et trésorerie de l'État », précis et pertinents, reflètent un très fructueux dialogue entre l'Agence France Trésor et les commissions des finances des deux assemblées, les préconisations formulées par le Parlement, pour ce qui concerne la mesure de la performance du programme « Appels en garantie de l'État » et du programme « Épargne », n'ont pas été suivies d'effet pour ce projet de loi de finances. La commission, naturellement, le regrette.
J'en viens à présent aux deux comptes spéciaux.
Le compte « Participations financières de l'État » retrace non pas directement la politique de l'État actionnaire, mais les seules opérations de patrimoine relatives aux entreprises dans lesquelles il détient des participations. Pour 2006, près de 12 milliards d'euros sont consacrés au désendettement de l'État et de ses établissements publics, soit l'établissement public de financement et de restructuration amortissant la dette du Crédit Lyonnais, Charbonnages de France, et la Caisse de la dette publique.
Le reste des crédits, 1, 9 milliard d'euros, est consacré aux augmentations de capital de la direction des constructions navales, de GIAT-Industries et de la SNCF, ainsi qu'à la capitalisation de la future société de valorisation des biens immobiliers auparavant détenus par Réseau ferré de France, RFF, créée par ce projet de loi de finances. L'essentiel des recettes du compte devrait provenir de la privatisation partielle des trois sociétés d'autoroutes.
La commission des finances estime que la justification de ces crédits dans le bleu budgétaire, contrairement à l'esprit de la LOLF, monsieur le ministre, est pour le moins approximative. Elle est globale, alors qu'une justification « au premier euro » supposerait le détail des crédits affectés à chaque opération. En outre, les dotations à l'Agence nationale de la recherche, à l'Agence de l'innovation industrielle et à l'Agence de financement des infrastructures de transports en France, annoncées par le Gouvernement comme financées par les privatisations en 2006, ne figurent pas dans le compte « Participations financières de l'État ». Par conséquent, la commission s'interroge sur la pertinence de cette stratégie de « débudgétisation », alors que la LOLF devait engendrer une plus grande transparence et, sur cette question, monsieur le ministre, la commission donne au Gouvernement un assez mauvais point.
Le compte « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », quant à lui, s'inscrit dans le cadre de la dynamisation de la gestion des biens immeubles de l'État menée depuis 2004. Il a été introduit à la suite des travaux du Parlement. La commission se félicite de cette innovation, et elle sera particulièrement attentive aux réalisations auxquelles conduira la politique entreprise en 2006 : 479 millions d'euros de cession sont attendus.
Cependant, le compte est assorti d'un indicateur de performance unique, qui mesure le « nombre d'immeubles dont la cession sera proposée grâce à une prise d'initiative formelle du service des domaines ». Cet indicateur ne concernant que le nombre des immeubles cédés est de toute évidence incomplet : il ne permet pas de rendre compte du montant des cessions ainsi réalisées. La commission souhaite donc l'introduction d'un indicateur complémentaire qui permette de mesurer la performance au moment de la vente entre l'estimation des domaines et les sommes réellement perçues. Monsieur le ministre, cela nous semblerait être le moins que peut attendre le Parlement en la matière.
Cela dit, mes chers collègues, avec cependant trois questions, la première concernant le relèvement des taux de la banque centrale européenne, la deuxième, l'opacité des participations financières de l'État et la manière dont elles nous sont présentées et la troisième, de moindre importance, concernant la création d'un indicateur complémentaire sur la gestion immobilière de l'État, la commission des finances vous recommande l'adoption des crédits de la mission et des deux comptes spéciaux.