Comme vient de le dire le rapporteur spécial, le débat sur le budget annexe des Monnaies et médailles est évidemment dominé par le projet de transformation du statut de cette administration en établissement public industriel et commercial, annoncé au conditionnel, le 3 novembre dernier, aux élus du comité d'entreprise.
Ce projet de modification de statut s'appuie, bien sûr, sur les termes et l'interprétation de la loi organique relative aux lois de finances ; je n'y reviens pas, notre collègue rapporteur spécial l'ayant rappelé.
À dire vrai, il nous semble que la volonté du Gouvernement est plutôt d'avancer vers une privatisation des Monnaies et médailles, au travers de dispositions conduisant au développement de l'externalisation progressive des activités avant que, la coquille une fois vidée, le but recherché ne soit atteint !
Cette situation appelle plusieurs observations.
L'argument juridique ne nous semble pas bon. Ainsi, l'État a décidé de financer désormais les Journaux officiels, dont la situation est comparable à celle des Monnaies et médailles, par une redevance. Pourquoi ne pourrait-il pas faire de même pour les Monnaies et médailles ? Cette situation n'est pas sans inquiéter, de façon tout à fait légitime, les agents techniques et les personnels des Monnaies et médailles.
Les dernières années ont été marquées par des choix de gestion contestables.
Ainsi, à Pessac, 7, 5 millions d'euros ont été investis dans le secteur de la fabrication des flans, disques qui permettent de fabriquer ensuite la monnaie. L'arrêt de ce secteur depuis trois ans représente, à notre avis, un énorme gâchis non seulement matériel, mais aussi humain. Ce choix entraîne une dépendance totale de la Monnaie vis-à-vis des fournisseurs de flans, avec des conséquences négatives en matière de délai et de qualité.
Parallèlement, les salariés de la Monnaie portent la revendication d'une étude sur les possibilités de diversification de Pessac, dans le cadre du service public, en coopération avec la Banque de France, concernant, par exemple, le tri et le conditionnement des pièces euro en circulation. Malgré l'engagement pris par le ministère en septembre 2004, aucune avancée sensible n'a été enregistrée en ce domaine.
L'avenir du site historique du quai de Conti à Paris est compromis du fait des transferts d'activité vers le site de Pessac. N'est-ce pas la cession des biens immobiliers qui est en fait prévue ? La valorisation est évidente dans un quartier comme le faubourg Saint-Germain.
Selon nous, les Monnaies et médailles doivent évidemment rester un budget annexe, et cela pour plusieurs raisons.
D'abord, battre monnaie est un droit régalien - le rapporteur le rappelait tout à l'heure - qui ne peut prendre corps dans un des multiples démembrements des outils de l'État. L'activité des Monnaies et médailles n'est d'ailleurs que subsidiairement commerciale : deux tiers de son chiffre d'affaires, sur une moyenne période, proviennent de la frappe monétaire. Certes, ce chiffre a baissé ces dernières années après l'introduction de l'euro. Mais tout laisse à penser que la frappe de nouvelles pièces reprendra bientôt. L'Espagne vient ainsi d'annoncer qu'elle allait refrapper des pièces d'un euro. Quant à notre pays, le programme euro redevient important, puisqu'il atteint 818 millions de pièces pour 2006.
Ensuite, la création d'un EPIC ne garantirait ni les fonds propres de ce budget annexe, ni les projets d'investissements futurs. Comme les Monnaies et médailles ne sont pas rentables - elles ne sont pas censées l'être d'ailleurs -, leur changement de statut ne pourrait évidemment que les fragiliser. Les trois quarts du programme 2006 concernent la frappe de pièces de 1 et 2 centimes d'euro, dont le coût de revient excède la valeur faciale...
C'est bien pour ces raisons que le projet a recueilli l'opposition de toutes les organisations syndicales des Monnaies et médailles. Tous les syndicats représentatifs l'ont rejeté. Le 10 novembre dernier, ce sont 70 % des ouvriers de Pessac qui se sont mobilisés contre ce projet.
Pour notre part, nous nous prononçons pour que les Monnaies et médailles restent organisées comme un budget annexe dans le cadre d'une mission monoprogramme. Cela nous semble indispensable pour la fiabilité de l'ensemble de la production de monnaie métallique dans notre pays. Par conséquent, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ne voteront pas les termes de ce budget annexe.