Monsieur le président, monsieur le ministre, la mission « Action extérieure de l’État » présente cette année une stabilité bienvenue. Après avoir perdu la moitié de ses effectifs en trente ans, la diplomatie française connaît enfin un répit. C’est heureux, car, comme le disait un ambassadeur au journal Le Monde en octobre dernier, « notre diplomatie est en surrégime par rapport aux ambitions du président. On arrive au bout d’un modèle ».
Il faut dire que le Président de la République est partout, que l’activité de la cellule diplomatique de l’Élysée est frénétique et que le Quai d’Orsay a du mal à suivre. La France ne peut pas tout faire, partout dans le monde, surtout avec un budget « à l’os ».
Sans revenir sur les propos précédemment tenus par mes collègues, je précise que les personnels consulaires, comme tant d’autres agents du service public, ont été lourdement sollicités et ont montré à quel point ils étaient indispensables. Il est dommage qu’il faille attendre une crise d’une telle ampleur pour s’en rendre compte !
En outre, la hausse des délais de traitement des documents administratifs et autres demandes de titres interroge sur la pertinence de ces baisses d’effectifs à répétition. La délivrance d’une carte d’identité à l’étranger, qui prend habituellement une vingtaine de jours, nécessitait en moyenne quatre-vingts jours en 2020. La suppression de cet objectif de réduction d’emplois constitue une mesure de bon sens, car la crise liée au covid-19 sera toujours d’actualité en 2021.
Par ailleurs, je me permets d’appeler l’attention du Sénat sur la question de l’accès aux crédits.
Dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, nous avons, mes chers collègues, ouvert 150 millions d’euros, répartis en trois enveloppes de 50 millions d’euros, comprenant les aides sociales aux Français de l’étranger, les aides aux établissements et les bourses des élèves français à l’étranger.
Le bilan de cette ouverture de crédits pose question. Sur les crédits en faveur de l’aide sociale, seuls 5 millions sur les 50 millions d’euros ont été consommés. Sur les 50 millions d’euros ouverts pour les bourses, 10 millions ont été dépensés. Enfin, sur les 50 millions d’euros de crédits ouverts en faveur des établissements, la moitié seulement a été consommée et l’essentiel – il faut le noter – a été mobilisé pour les établissements au Liban à la suite de l’explosion de Beyrouth.
Dans le même temps, les effectifs du réseau d’enseignement français à l’étranger ont été amputés de 8 000 élèves environ, à la rentrée 2020. Ces pertes sont lourdes et inquiétantes. Les établissements – 60 % d’entre eux – perdent des élèves ; tendance qui se concentre notamment sur les plus petites structures, lesquelles sont également les plus fragiles.
En conséquence, et suite à l’introduction des frais d’inscription différenciés par le gouvernement actuel, le nombre d’étudiants étrangers en mobilité internationale dans les universités françaises baissera de 30 % sur la période 2020-2021. Il est donc nécessaire d’augmenter les bourses attribuées aux étudiants étrangers afin de rendre l’enseignement français plus attractif.
À l’heure actuelle, nos voisins font bien mieux que nous : l’Allemagne, par exemple, prévoit des bourses deux fois plus élevées, tandis que d’autres pays augmentent les montants versés.
Naturellement, je veux poursuivre mon propos par l’évocation de la question climatique. Le cinquième objectif de cette mission budgétaire consiste à œuvrer à une régulation économique et commerciale efficiente, qui soit cohérente avec nos objectifs en matière de développement durable à l’échelle nationale et internationale.
Pourtant, ces objectifs, qui représentaient seulement 1 % des crédits de la mission en 2020, sont réduits en 2021. En parallèle, des négociations commerciales vont se poursuivre, ou s’engager, avec un certain nombre d’États en 2021 ; le Mexique, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, entre autres, sont concernés. Mais comment respecter les objectifs de l’accord de Paris sur le climat en intensifiant les échanges avec des pays situés à l’autre bout du monde ?
Enfin, je souhaite réagir à l’amendement n° II-5 déposé par la commission des finances. S’il n’est pas normal que nombre d’ambassadeurs thématiques ne reçoivent aucune lettre de mission, le dispositif des ambassadeurs thématiques ne s’avère pas, en lui-même, problématique. Qu’il s’agisse des migrations, de la Méditerranée, des négociations internationales sur le climat ou de celles qui sont relatives à l’Arctique et à l’Antarctique, de nombreux ambassadeurs thématiques, dont l’un des plus illustres fut Michel Rocard, ont démontré toute l’utilité de ces missions transversales.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’abstiendra sur les crédits de la mission « Action extérieure de l’État », dans le but de soutenir cette stabilité budgétaire que nous espérons pérenne. Mais il est temps que le ministère de l’Europe et des affaires étrangères se donne enfin les moyens de faire autre chose que de la gestion de crise.