Intervention de Jean-Yves Le Drian

Réunion du 27 novembre 2020 à 14h45
Loi de finances pour 2021 — Action extérieure de l'état

Jean-Yves Le Drian :

Bien évidemment, nous pouvons réaliser des opérations immobilières à tel ou tel endroit s’il faut restructurer, mais la logique de fond est désormais cohérente, avec des moyens nouveaux qui nous permettront d’assurer une indispensable politique immobilière de qualité et d’enrayer cette logique qui nous amenait parfois à envisager la vente de bijoux de famille, ce à quoi je me suis toujours opposé. Je n’ai d’ailleurs, à ma connaissance, jamais procédé à de telles cessions.

Deuxièmement, plusieurs d’entre vous ont rappelé l’importance de la sécurité des postes à l’étranger dans le contexte actuel, surtout après les deux attaques de Djeddah. Sur ce plan, l’augmentation des moyens est significative.

M. Le Gleut m’ayant interpellé à ce sujet, je confirme que le plan quadriennal de sécurisation de nos ambassades et des lycées français, dont la mise en œuvre avait pris un peu de retard en raison de l’impact de la crise de la covid, sera achevé en 2021 pour les ambassades et en 2022 pour les lycées. Mais d’importants progrès ont déjà été accomplis, et, à ce jour, 100 % des emprises en pays en crise ont déjà été renforcées et sécurisées.

Nous allons aussi permettre à l’AEFE d’assurer le renforcement de sa sécurité par un rebasage de 9 millions d’euros de sa subvention, afin de finaliser l’ensemble des travaux.

Je puis vous garantir que je suis très vigilant sur cette question : lors de chacun de mes déplacements, je vérifie l’état de la sécurité de nos emprises et de nos compatriotes, pour m’assurer que tous les moyens sont mis en œuvre.

Troisièmement, pour ce qui concerne le numérique, face au défi mis en lumière par la crise sanitaire, le ministère investira, l’an prochain, 9 millions d’euros supplémentaires dans la numérisation de ses activités, soit une augmentation de 22 %.

Il s’agit de répondre à un triple besoin : un besoin de sécurité, notre site étant exposé aux attaques en raison de la nature même du réseau informatique ; un besoin technique, car il est urgent de renforcer nos outils de mobilité et de communication ; enfin, un besoin de modernisation du service que nous rendons à nos usagers. En développant nos applications, nous simplifions les démarches administratives des Français.

Au-delà de ces moyens nouveaux, renforcés et plus performants, la deuxième orientation de ce budget est la poursuite de notre engagement en faveur du multilatéralisme. Ainsi, les deux tiers du crédit du programme 105 seront affectés aux contributions européennes et internationales obligatoires de la France.

À cet égard, je veux insister sur une décision significative et symbolique que nous avons prise. La hausse de l’euro face au dollar nous a assuré des disponibilités financières supplémentaires, en particulier pour nos engagements auprès des Nations unies.

De fait, ces crédits alimentent, pour l’essentiel, notre contribution à l’ONU, y compris aux opérations de maintien de la paix. Nous avons choisi d’utiliser la marge ainsi dégagée pour signifier notre soutien au multilatéralisme dans le domaine de la sécurité internationale. Nous avons ainsi financé davantage l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques, l’Agence internationale de l’énergie atomique et le Fonds pour la consolidation de la paix. Nous voulons ainsi marquer que, dès que nous avons des disponibilités supplémentaires, nous nous engageons concrètement en faveur du multilatéralisme.

La troisième priorité de mon ministère dont ce budget témoigne est le renforcement de notre action consulaire.

Vous avez noté, mesdames, messieurs les sénateurs, que le budget de l’action consulaire au service des Français qui résident à l’étranger restait stable, à 136 millions d’euros, mais cette stabilité masque l’effort financier important qui a été engagé en 2020 pour répondre aux conséquences économiques et sociales de la crise de la covid-19 pour les Français de l’étranger.

Je rappelle que 200 millions d’euros additionnels ont été débloqués grâce au Parlement, à la fin du mois de juillet, pour apporter un appui à nos compatriotes.

Cet appui a pris la forme d’un secours de sécurité, doté de 50 millions d’euros, d’un renforcement des bourses scolaires, d’une aide exceptionnelle de subventions supplémentaires pour aider les familles à faire le choix de l’enseignement français à l’étranger, enfin, de 50 millions additionnels sur le programme 823, sous la forme d’avances de France Trésor, pour aider nos établissements.

Je veux, à cet égard, formuler une observation concernant la mobilisation des 50 millions d’euros d’aide sociale. Il est vrai que les critères de départ étaient transposés des critères utilisés en France pour l’aide sociale. Ils ne tenaient pas compte des réalités locales, variables selon les pays, mais il fallait bien trouver des règles. Nous avons adapté ces normes. Dès que celles-ci m’ont paru insuffisantes, de nouvelles orientations ont été données, pour permettre une meilleure mobilisation de ces crédits.

Cette situation explique que seuls 5 millions d’euros aient été dépensés sur les 50 millions d’euros affectés, mais la progression est tout à fait considérable depuis que nous avons modifié les dispositifs voilà trois mois et que les commissions d’affectation ont pris en compte cette nouvelle donne. Je partage votre préoccupation : les crédits reportés doivent pouvoir garder un montant significatif. J’espère que nous pourrons aboutir à ce résultat.

Cependant, les moyens de l’aide sociale seront, à budget constant, renforcés de 17 % en 2021 par rapport au budget initial de 2020. Cela répond à notre souci de porter une grande attention à la situation de nos compatriotes à l’étranger.

Ce budget permettra aussi la modernisation de notre action consulaire, grâce à une dématérialisation accrue des démarches administratives.

Mme Conway-Mouret a appelé mon attention sur le vote par internet : celui-ci se concrétisera effectivement en 2021. Nous allons tout faire pour qu’il soit efficace et éviter les pénalisations que vous avez évoquées, madame la sénatrice.

L’année 2021 verra également la mise en place du « service France consulaire », qui sera le centre de réponses téléphonique et courriel unique et dont l’expérimentation, initialement prévue en 2020, a dû être reportée d’un an.

C’est aussi en 2021 que le registre de l’état civil électronique se mettra en place et que le développement du projet France Visas, porté par le budget du ministère de l’intérieur, sera poursuivi, en pleine coopération avec ce dernier.

La quatrième orientation concerne la diplomatie d’influence, que vous avez largement évoquée, mesdames, messieurs les sénateurs.

Je veux reprendre quelques observations de M. Kern et des rapporteurs spéciaux, notamment pour souligner notre détermination à consolider la diplomatie culturelle. En effet, celle-ci est un élément essentiel de l’influence et un élément central de notre diplomatie globale.

Comme j’ai eu l’occasion de dire à plusieurs reprises, il n’y a pas de soft power et de hard power.

Tout s’inscrit maintenant dans la lutte d’influence et la compétition entre les différentes puissances, d’où l’importance de garantir les trois priorités que nous avons définies en matière d’influence : la promotion de la langue française et l’impulsion d’une nouvelle dynamique de développement de l’enseignement français à l’étranger ; le rayonnement culturel et artistique, notamment par le renforcement de la diffusion et de l’exportation de nos industries culturelles et créatives ; enfin, la mise en place de partenariats universitaires et scientifiques. C’est sur ces trois thèmes que nous nous mobilisons.

Plusieurs d’entre vous m’ont interrogé sur l’Anefe, qui a été remise en cause et modifiée récemment. Je ne partage pas les craintes que vous avez exprimées sur le risque de ne pas trouver les soutiens et les garanties suffisantes pour les établissements concernés. Le sujet étant très technique, je vous préciserai par écrit les dispositions qui ont été mises en place pour garantir le développement de l’enseignement français à l’étranger.

À cet égard, je veux préciser à M. Vallini que nous avons consenti un important effort pour le Liban, comme il a pu le constater lui-même. Il y a, dans ce pays, 330 écoles françaises. C’est énorme ! Il faut garantir leur permanence et les renforcer. L’aide spécifique pour les écoles chrétiennes sera prolongée en 2021.

Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les points majeurs du PLF que je voulais évoquer auprès de vous.

Voilà comment nous comptons employer ces moyens renforcés pour apporter des réponses diplomatiques, avec l’ensemble de nos partenaires, à toutes les grandes questions internationales qui engagent aujourd’hui le quotidien des Français, mais aussi l’avenir de notre pays. Je vous remercie de votre soutien.

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