Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, conformément à la loi de programmation de la recherche (LPR), le budget alloué à l’enseignement supérieur connaît cette année une progression substantielle de l’ordre de 375 millions d’euros pour les deux programmes de la mission, soit une hausse de 2, 3 %, contre 1, 5 % l’an passé.
En 2021, les établissements d’enseignement supérieur bénéficieront ainsi de 242 millions d’euros supplémentaires, dont 164 millions pour la mise en œuvre des mesures issues de la LPR. Ces crédits ont vocation à financer des revalorisations indemnitaires, des mesures statutaires et la création de 385 emplois nouveaux.
Le budget 2021 entend ainsi redonner des marges de manœuvre aux universités, jusqu’à présent confrontées à des tensions budgétaires très importantes. En effet, ces dernières années, vous le savez, madame la ministre, c’est à enveloppe constante que de nombreux établissements ont dû faire face au « dynamisme » – c’est un euphémisme – de leur masse salariale, si bien que nombre d’entre eux ont été contraints de geler des postes ou de supprimer des emplois pour parvenir à équilibrer leur budget.
Une telle situation n’était pas tenable, alors que les universités devaient accueillir, chaque année, un nombre plus élevé d’étudiants. L’année 2021 ne dérogera pas à cette règle, bien au contraire ! La crise sanitaire ayant entraîné un taux de réussite particulièrement élevée au baccalauréat, les établissements d’enseignement supérieur comptent ainsi près de 28 700 nouveaux étudiants, ce qui représente une hausse de 1, 9 % de la population étudiante, contre 1 % l’année dernière.
Pour absorber ce flux exceptionnel, le budget 2021 prévoit la création de 20 000 places supplémentaires dans les universités : 10 000 au titre du plan Étudiants et 10 000 au titre du plan de relance.
Madame la ministre, les efforts déployés pour accueillir tous ces bacheliers sont bien évidemment louables. Sont-ils néanmoins suffisants pour éviter que, dans le contexte actuel, avec des cours en mode distanciel ou hybridé, nombre d’entre eux ne finissent par décrocher ? Ces tout jeunes étudiants, dont les débuts à l’université auront été particulièrement chamboulés, bénéficieront-ils cette année d’un accompagnement adéquat, leur permettant de prendre leurs marques à l’université ?
Je note en parallèle que, pour accueillir ces étudiants, le ministère a demandé aux établissements privés de faire un effort sans précédent, en contrepartie de quoi la subvention qui leur est versée progresse de 9 millions d’euros.
Madame la ministre, je voudrais toutefois attirer votre attention sur le fait que cette augmentation, vous le savez, ne permettra pas de compenser le différentiel avec la dynamique des subventions accordées au secteur public. Entre 2008 et 2020, les effectifs étudiants accueillis dans les établissements privés ont progressé de 121, 6 %, tandis que l’effort budgétaire consenti par l’État augmentait de 10, 6 %. Vous le voyez bien, mécaniquement, la part du soutien de l’État par étudiant a diminué de 48 % sur la période.
Le financement moyen d’un étudiant s’élève désormais à 11 500 euros dans l’enseignement supérieur public, contre 588 euros dans l’enseignement privé. Au demeurant, certains doutes subsistent quant à l’affectation de ces 9 millions d’euros. Pourriez-vous confirmer, madame la ministre, que ces millions seront bien fléchés vers les établissements et non vers la formation initiale des enseignants ?
De manière plus générale, face à la hausse constante du nombre d’étudiants, le mode de financement paraît au mieux fragile, au pire obsolète. Ne serait-il pas nécessaire de s’interroger, à ce stade, sur les raisons de ce dynamisme, en adoptant une vision prospective, donc à moyen et long terme ?
À cet égard, la crise sanitaire, qui a agi comme un révélateur, a mis en exergue la nécessité de procéder à des investissements massifs dans l’enseignement supérieur. La vétusté de l’immobilier universitaire se révèle, chaque année, plus problématique et plus coûteuse. Elle constitue un défi de taille pour les années à venir.
Dans ce contexte, je me félicite de ce que le plan de relance prévoie de consacrer près de 4 milliards d’euros à la rénovation thermique de l’immobilier de l’État. C’est en effet une occasion unique de remettre à niveau le bâti universitaire, tout en participant au cercle vertueux de l’accélération de la transition écologique. Cela permettra également, à moyen terme, de réduire les coûts de fonctionnement des universités.
Madame la ministre, en la matière, accompagnerez-vous les établissements d’enseignement supérieur pour les engager à se saisir massivement de cette opportunité, via les appels à projets lancés dans le cadre du plan de relance ?
Par ailleurs, l’année 2021 sera marquée par une extension du dialogue stratégique et de gestion, qui concernera plus de 20 nouveaux établissements. Ce dialogue sera également étendu à la répartition des hausses de crédits résultant de la loi de programmation de la recherche et du plan de relance.
Cette démarche initialement vertueuse s’accompagne toutefois, à mes yeux, d’une moindre lisibilité des montants alloués à la mise en œuvre des politiques publiques, ce qui rend beaucoup plus difficile, pour nous, le suivi des crédits.
J’en viens aux crédits consacrés à la vie étudiante, qui enregistreront en 2021 une hausse deux fois plus importante qu’en 2020, puisqu’ils progressent de 133, 5 millions d’euros. Cette augmentation résulte principalement de la revalorisation des bourses sur critères sociaux, de la mise en place du ticket-restaurant à un euro pour les boursiers et du gel de l’augmentation des loyers des résidences universitaires.
Après une exécution budgétaire 2020 marquée par la mise en œuvre, dans des conditions souvent difficiles, des mesures de soutien ponctuel aux étudiants, les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) seront de nouveau pleinement mobilisés pour lutter contre la précarité étudiante en 2021.
Permettez-moi de le souligner, cet enjeu est crucial : nous ne pouvons ignorer le désarroi et l’isolement des étudiants qui font leur rentrée universitaire à distance. Le confinement ayant été renouvelé, les Crous ont par ailleurs subi des pertes d’exploitation considérable au titre de leurs activités de restauration et d’hébergement, si bien que leur situation demeure très fragilisée.
Pourriez-vous, madame la ministre, nous garantir fermement que ces pertes seront intégralement compensées à l’euro en gestion ?
Je conclurai en indiquant que la commission des finances propose l’adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », qui bénéficient cette année de hausses de crédits importantes.