Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il y a quelques jours encore, dans le cadre de l’examen du projet de loi de programmation de la recherche, adopté dans cet hémicycle le 20 novembre dernier, nous débattions du budget de la recherche. Nous poursuivons aujourd’hui nos travaux à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2021, qui est la première déclinaison de ce projet de loi de programmation.
Le franchissement de cette première marche revêt une dimension hautement symbolique, mais aussi très concrète pour la communauté de la recherche.
Comme l’a parfaitement analysé notre rapporteur spécial, Jean-François Rapin, le budget 2021 est, sur le papier, conforme à la trajectoire votée dans le cadre de la loi de programmation.
Cependant, il pèche à la fois par un manque regrettable de lisibilité, dû à la multiplication des supports budgétaires, et par un excès de communication, les moyens nouveaux « réellement » apportés étant plus modestes que ceux qui sont affichés.
Pour ma part, j’insisterai sur trois points de vigilance.
Le premier est lié à votre engagement, madame la ministre, d’augmenter les dotations de base des laboratoires de recherche de 10 % l’année prochaine. Il s’agit, vous le savez, d’une question fondamentale pour nos chercheurs, qui ont besoin de crédits récurrents pour mener à bien leurs travaux.
Or le projet de loi de finances ne contient, à ce stade, aucune ligne budgétaire en ce sens. C’est finalement grâce au fin travail d’analyse et de mise en cohérence de notre rapporteur spécial que le Sénat va pouvoir se prononcer sur la concrétisation de cette hausse. J’espère, madame la ministre, que vous serez favorable à ses amendements et que, s’ils sont adoptés, vous les soutiendrez jusqu’au terme de l’examen de ce PLF.
Mon deuxième point de vigilance concerne les crédits dévolus à l’ANR, qui augmenteront de 403 millions d’euros l’année prochaine.
Ce montant très substantiel devrait permettre aux appels à projets d’atteindre un taux de succès de 23 % et de relever les montants du préciput, ce dont je me réjouis.
Mais un tel apport de crédits supplémentaires interroge sur la capacité à les consommer dans l’année, compte tenu des délais inhérents aux appels à projets.
Ne serait-il pas envisageable de recourir à la procédure accélérée de sélection et de financement dite « flash », qui a très bien fonctionné concernant la covid-19 ? Cet instrument permettrait de mobiliser très rapidement les chercheurs sur des thématiques spécifiques et de débloquer les financements correspondants.
Mon troisième point de vigilance porte sur la suppression du dispositif de doublement de l’assiette du crédit d’impôt recherche pour les entreprises qui confient des travaux de recherche et développement à des laboratoires publics de recherche, dispositif prévu à l’article 8 du projet de loi de finances.
Je comprends bien sûr que ce « bonus » pose problème au regard de la réglementation européenne. Toutefois, sa suppression pure et simple risque de porter atteinte au développement des partenariats public-privé, qui constituent pourtant un « sous-jacent » important de la loi de programmation.
Il s’agit, madame la ministre, d’une décision lourde de conséquences, et je regrette que cette question n’ait pas été abordée au moment de l’examen de la LPR.
Face à l’inquiétude légitime des acteurs concernés, je souhaite que le report de la suppression du dispositif de doublement de l’assiette du crédit d’impôt recherche à l’horizon 2023, adopté par le Sénat sur l’initiative du rapporteur général, soit maintenu dans la suite de l’examen du projet de loi de finances. Cette période de transition de deux ans permettra aux organismes de recherche d’anticiper la réforme et au Gouvernement d’étudier les moyens alternatifs pour continuer à soutenir la recherche partenariale.
Sous réserve d’éclaircissements sur la hausse des crédits de la recherche que vous présentez, la commission se prononce favorablement sur le budget de la mission.