Intervention de Monique de Marco

Réunion du 30 novembre 2020 à 10h00
Loi de finances pour 2021 — Recherche et enseignement supérieur

Photo de Monique de MarcoMonique de Marco :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de budget a le mérite de relever les financements à destination de la recherche et de l’enseignement supérieur.

Cette hausse des crédits n’est certes pas le choc budgétaire espéré, comme le souligne la commission des affaires économiques, mais elle rompt avec des années de sous-investissement, dont les conséquences ont été dramatiques : dégradation des conditions de travail, tension croissante dans les universités, qui doivent accueillir toujours plus d’étudiants sans que les moyens suivent.

Nous souhaitons aussi saluer les mesures sociales prises en direction des étudiants, en particulier la mise en place du ticket de resto U à 1 euro. Les bourses sont revalorisées pour la deuxième année consécutive, après – rappelons-le tout de même – un gel en 2017 et en 2018.

La position du groupe écologiste est que l’ensemble des prestations sociales devrait suivre le coût de la vie, c’est-à-dire être a minima indexé sur l’inflation. Quand ce n’est pas le cas, c’est le pouvoir d’achat des plus pauvres qui s’érode.

Pour autant, ce projet de budget comporte des insuffisances majeures.

Concernant la recherche, tout d’abord, une partie des fonds additionnels ira financer les nouveaux postes précaires créés par la loi de programmation de la recherche, et ce au détriment des postes de titulaires. Les 700 recrutements de titulaires annoncés sont une réponse insuffisante à la pénurie de postes.

Je suis inquiète de la place accordée aux financements par appels à projets. Sur 600 millions d’euros d’augmentation du budget, 140 millions vont à l’Agence nationale de la recherche. Celle-ci bénéficie aussi de financements importants par le biais du plan de relance. S’y ajoutent les programmes d’investissements d’avenir, dont une part importante va à la recherche. Ces financements sont bienvenus ; le problème est qu’ils sont tous organisés selon la modalité de l’appel à projets.

Les appels à projets sont un bon complément du financement récurrent, mais leur généralisation n’est ni un gage d’excellence ni un gage d’efficacité.

La répartition des financements de l’Agence nationale de la recherche est déséquilibrée selon les structures et les territoires : une vingtaine de grandes universités concentre environ 80 % des financements.

Les équipes dépensent du temps et de l’argent pour candidater aux appels à projets, sans garantie de succès. On estime que le taux d’échec des candidatures auprès de l’ANR est de 75 % à 80 % ; ce gâchis doit nous alerter. Le temps de travail des chercheurs serait, dans de nombreux cas, mieux employé à faire ce qu’ils font le mieux : de la recherche

Par ailleurs, le groupe écologiste ne partage pas certaines priorités affichées concernant les domaines de recherche. J’ai été assez surprise, je dois le dire, en voyant que le programme 190, « Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables », est en grande partie axé sur l’aéronautique et le nucléaire. Poursuivre des mirages tels que l’avion vert ou un nucléaire propre, est-ce vraiment raisonnable face à l’urgence écologique ?

Sur le volet de l’enseignement supérieur et de la vie étudiante, nous avons déjà mentionné les évolutions positives.

Mais il faut mettre les financements en regard de la crise exceptionnelle que nous traversons, qui aggrave encore une situation fortement dégradée.

La France dépense sensiblement moins par étudiant qu’il y a quinze ans. Vous pouvez certes indiquer, madame la ministre, que ces calculs ne prennent pas en compte l’ensemble des facteurs ; il n’empêche que les conditions d’études se dégradent.

Dans l’université que je connais le mieux, l’université de Bordeaux, le volume alloué aux travaux dirigés, ou TD, est passé ces dernières années de douze à dix séances par semestre, puis à huit seulement. Les amphithéâtres sont bondés, et les préfabriqués temporaires sont devenus des salles de cours permanentes. Même les marqueurs pour écrire sur les tableaux sont rationnés !

Un effort exceptionnel serait nécessaire, aujourd’hui, pour tenter de rattraper les coupes budgétaires du passé, mais aussi pour accueillir un nombre d’étudiants sans précédent.

Dans ce contexte, l’augmentation des financements pour la formation initiale n’est pas à la hauteur des enjeux.

Je regrette également que le budget de l’action n° 03 du programme 231, « Vie étudiante », qui concerne notamment la santé des étudiants, soit en baisse, alors que la renonciation aux soins est un problème bien connu, et que les besoins, qu’ils soient d’ordre physique ou psychologique, vont augmenter avec les contrecoups de la crise sanitaire.

Nous saluons l’effort budgétaire, mais il reste néanmoins en deçà de ce que les écologistes défendent depuis des années. À moins d’améliorations significatives, le groupe écologiste ne votera pas le budget de cette mission.

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