Je ne reviendrai pas sur la difficile articulation budgétaire, qui a été largement évoquée avant moi. J’ai entendu un certain nombre d’inquiétudes, de critiques, de circonspections sur l’exécution et la conduite par le ministère, ce qui fait écho à la lettre adressée par le directeur de la recherche au moment de son départ ; je n’y reviendrai pas non plus.
Je souhaite en revanche revenir, madame la ministre, sur un point précis que vous avez abordé à l’Assemblée nationale lors de la discussion du projet de loi de programmation de la recherche. J’avoue que vos propos ne m’ont pas complètement convaincue.
En effet, ce projet de loi de programmation prévoit une revalorisation salariale de tous les personnels de recherche. Cette action de revalorisation concerne également les rémunérations des personnels des établissements publics à caractère industriel et commercial de recherche, ainsi que celles des personnels d’enseignement supérieur et de recherche, qui relèvent d’autres ministères, dans les mêmes conditions que les agents relevant du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. C’est du moins ce qui figure dans l’annexe de la loi de programmation de la recherche.
Mais la programmation budgétaire inscrite à l’article 2 de la LPR ne dit rien sur les crédits des autres ministères concernés par les actions de revalorisation salariale. Rapporteur spécial la mission « Écologie, développement et mobilité durables », je n’ai ainsi trouvé dans le programme 217 aucune augmentation des subventions pour l’École nationale des ponts et chaussées ou pour l’École nationale des travaux publics de l’État. Pour autant, ces deux écoles ont une activité de recherche substantielle, puisqu’elles accueillent respectivement douze et six laboratoires. J’aurais pu citer d’autres exemples, notamment l’école AgroParisTech.
Concrètement, comment le Gouvernement compte-t-il faire financer la revalorisation des chercheurs en dehors du périmètre du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation ? Pouvez-vous nous rassurer sur le fait que ce financement ne sera pas réalisé à partir du budget propre de ces établissements, sans augmentation de leur subvention pour charges de service public ?
Sans aucune transition, j’aborderai le second point de mon intervention, qui a déjà été effleuré ici et là, à savoir la précarité étudiante.
Depuis la mi-mars, la vie étudiante est comme mise entre parenthèses. Ce contexte a exacerbé des problématiques déjà connues : accès aux formations numériques, coût du logement, importance des petits boulots, et la liste est longue. La dernière séance des questions d’actualité au Gouvernement a montré que cette précarité est aussi bien financière que psychologique.
Le dernier rapport de l’Observatoire des inégalités, publié il y a moins de quinze jours, souligne combien il est difficile de mesurer la pauvreté des jeunes adultes. Les données de l’Insee ne permettent pas d’appréhender la situation des étudiants qui ne vivent plus chez leurs parents. Selon les données d’Eurostat, le taux de pauvreté des 18-24 ans atteint 12, 8 %, soit deux fois la moyenne nationale. Ces données sont antérieures à la crise de la covid-19, dont nous avons tous pu constater qu’elle a particulièrement frappé, sur le plan de l’emploi, les moins bien insérés sur le marché du travail.
Mercredi, dans vos réponses aux sénateurs Stéphane Piednoir et Rémi Cardon, vous avez évoqué les 19 millions d’euros d’aides débloqués pendant le premier confinement, les 200 euros versés pour compenser la perte d’un emploi étudiant, le plan « 1 jeune, 1 solution » ou encore le recrutement de 1 600 étudiants référents dans les cités universitaires. Mais vous n’avez pas dit un mot des 20 000 emplois annoncés le lendemain par le Premier ministre lors de sa conférence de presse. Je ne peux pas croire que vous n’étiez pas informée ! Ces 20 000 jobs sont une réponse, me semble-t-il, de court terme, car il ne s’agit que de dix heures par semaine, pendant quatre mois, pour venir épauler les étudiants de première et de deuxième année de licence.
Sur l’initiative de son rapporteur général, dans le cadre de la mission « Plan de relance », le Sénat a adopté un dispositif d’aide à l’embauche dans les PME, bonifié de 50 % pour tout recrutement d’un jeune de moins de vingt-six ans en sortie de formation initiale. Même les plus diplômés peinent à accéder à l’emploi dans le contexte actuel. Le recours à des aides à l’embauche en bas de cycle économique a fait les preuves de son efficacité.
Face au désarroi et à la perte d’espoir qui caractérise aujourd’hui le monde étudiant, la perspective d’un emploi stable est une lueur. J’espère que l’Assemblée nationale, peut-être avec votre aide, madame la ministre, aura la sagesse de conserver cet apport du Sénat.