Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mise en oeuvre de la LOLF nous conduit à examiner cette nouvelle mission « Régimes sociaux et de retraite », ce qui nous donne l'occasion d'étudier les principaux régimes spéciaux, ces fameux régimes maintenus à titre provisoire en 1945, qui font figure de monde à part au sein de l'édifice de l'assurance vieillesse : je citerai les régimes de la SNCF, de la RATP, des marins, des mineurs, mais aussi des routiers du secteur privé.
Ce document budgétaire complète utilement le travail que la commission des affaires sociales mène chaque année dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale.
Cette mission décrit les fonds qui sont apportés par l'État pour assurer l'équilibre des régimes spéciaux.
J'observe, au préalable, que l'insuffisance structurelle de financement qui les caractérise ne s'explique que pour partie par leur structure démographique défavorable. C'est vrai pour les mineurs, qui ne touchent d'ailleurs que de faibles pensions, et à un moindre degré pour les marins. C'est aussi vrai pour tous les autres régimes spéciaux, pour lesquels le déficit trouve surtout son origine dans le coût des avantages servis au-delà du niveau des prestations du régime général : c'est ce que l'on appelle la partie « chapeau ». Ce différentiel concerne en particulier la précocité des départs en retraite qui interviennent en moyenne à cinquante-trois ans et demi à la RATP, et à cinquante-quatre ans et quatre mois à la SNCF. La présente mission budgétaire en montre l'étendue : respectivement 374 millions d'euros par an pour la RATP, 675 millions d'euros pour les marins et 2, 5 milliards d'euros pour la SNCF.
Mes chers collègues, nous le savons tous, si la pérennité de ces régimes est encore assurée, c'est depuis longtemps grâce à la mise à contribution, sous toutes ses formes, de la solidarité nationale. Ce sont donc les autres assurés sociaux, les contribuables et les usagers qui financent, souvent sans le savoir, ces avantages conçus il y a plus d'un siècle, à une époque où la pénibilité des métiers était autre que celle que nous connaissons aujourd'hui, ce dont nous pouvons nous réjouir.
Ainsi - et je me permets de vous renvoyer à mon rapport écrit pour plus d'informations - les transferts reçus de l'extérieur assurent près des deux tiers du financement des retraites de la SNCF ; le taux est le même pour les cotisations fictives perçues par la RATP.
Je me félicite donc que la LOLF nous donne l'occasion d'approfondir le contrôle parlementaire sur ces régimes. Pour être parfaitement efficaces, je crois toutefois que les indicateurs choisis mériteraient d'être améliorés et complétés. Pour l'instant, ils se bornent à appréhender les dépenses de gestion courante, c'est-à-dire 2 % seulement des crédits.
Tout cela est utile, mais l'essentiel est ailleurs. Il serait infiniment plus précieux de pouvoir compléter cette approche comptable par une série d'indicateurs portant, premièrement, sur le niveau des engagements de retraite à long terme de ces régimes, deuxièmement, sur la décomposition entre les droits de base, c'est-à-dire la part équivalente à celle du régime général, et les avantages spécifiques de ces régimes spéciaux, troisièmement, sur les hypothèses de projection et le mode de calcul de ces estimations.
La commission des affaires sociales préconise aussi d'intégrer au bleu budgétaire de nouveaux indicateurs portant sur l'âge moyen de liquidation des pensions, ainsi que sur la proportion des départs en retraite des personnes en service actif et sur la répartition de ces départs par tranches d'âge, avant cinquante-cinq ans et entre cinquante-cinq ans et soixante ans.
Il serait également utile de disposer de données sur la durée moyenne de perception, sur le montant moyen des pensions, ainsi que sur l'espérance de vie à soixante ans des assurés sociaux des principaux régimes de retraite.
L'objectif de notre commission consiste à mieux connaître la population des cotisants et des retraités des régimes spéciaux, afin d'être en mesure de procéder à des comparaisons avec les assurés sociaux des autres régimes.
En définitive, mes chers collègues, cette nouvelle mission nous conduit inévitablement à nous interroger sur l'avenir de ces régimes spéciaux, bien que cette question reste un véritable tabou. Nous comprenons naturellement que le Gouvernement ait choisi en 2003 de disjoindre leur cas de celui de l'ensemble des autres assurés sociaux. Mais il nous faudra aller au-delà à l'avenir, ce qui suppose un vaste travail préparatoire qui peut utilement commencer par l'amélioration des indicateurs de la présente mission interministérielle dans la perspective du prochain rendez-vous de 2008 qu'il convient de préparer dès maintenant.
Il s'agira à l'évidence d'une oeuvre difficile et de longue haleine. Mais je suis convaincu que les assurés sociaux des régimes spéciaux ne peuvent rester éternellement à l'écart de l'effort de sauvegarde de notre pacte social.