Intervention de Catherine Procaccia

Réunion du 3 décembre 2005 à 15h15
Loi de finances pour 2006 — Compte d'affectation spéciale : pensions

Photo de Catherine ProcacciaCatherine Procaccia :

Nouvelle sénatrice, ayant été élue voilà un an, j'ai la chance de me pencher sur la mission « Régimes sociaux et de retraite », qui est intéressante et semble pour la première fois bien identifiée. Grâce au rapport clair et précis de Dominique Leclerc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, l'ex-salariée du privé que je suis à pu appréhender un sujet compliqué qui a longtemps été tabou, les régimes spéciaux de retraite.

Ces derniers sont d'ailleurs demeurés à l'écart des réformes des retraites de 1993 et de 2003, alors que les personnels des trois fonctions publiques sont désormais associés à l'entreprise de sauvegarde du régime d'assurance vieillesse.

Ces régimes sont très hétérogènes. Ils regroupent aussi bien les régimes de grandes entreprises publiques, telles la SNCF ou la RATP, que le régime des mines ou celui des clercs de notaire.

Même s'ils ne sont pas inclus dans le processus programmé par la loi de 2003, certains d'entre eux changent. Plusieurs régimes touchant une faible population sont en voie d'extinction ou intégrés au régime général.

D'autres ont évolué, avant ou après la réforme, selon des modalités variées. Ainsi, le régime d'EDF et de GDF a été adossé au régime général moyennant le versement d'une soulte, comme vous le savez tous.

Les quatre principaux régimes de retraite spéciaux financés par cette mission versent au total plus de 8, 6 milliards d'euros par an de prestations vieillesse : 2 milliards d'euros aux mineurs et à leurs ayants droit, 4, 7 milliards d'euros aux assurés sociaux de la SNCF, 757 millions d'euros à la RATP et 1, 1 milliard d'euros aux marins.

Leur part dans le système français d'assurance vieillesse n'est pas négligeable : elle correspond à 5, 7 % du montant total des retraites de base versées mais ne rassemble que 2 % des cotisants.

La mission permet désormais d'examiner avec précision quelle est l'origine du financement de ces régimes spéciaux.

Ainsi, pour la SNCF, il apparaît que les cotisations constituent moins de 40 % des produits de la branche vieillesse, 37, 6 % exactement en 2005. Le solde provient de sources extérieures : les mécanismes de compensation tiennent une part décroissante en raison de la réforme du mécanisme en 2003, 7, 3 % en 2005 contre 18 % en 1995, tandis que la subvention de l'État contribue désormais pour plus de la moitié du total, 54, 6 % en 2005 contre 48, 9 % en 1995.

Pour la RATP, les cotisations constituent environ 38 % des produits de la branche vieillesse. Le solde provient de cotisations fictives financées par le STIF, le syndicat des transports d'Île-de-France.

La part des ressources externes dans le financement des prestations des marins dépasse 85 %.

Enfin, la participation de l'État à la retraite des mineurs et de leurs ayants droit se traduit par le versement d'une subvention d'équilibre à la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines, la CANSSM, dont le montant suit l'évolution du nombre des bénéficiaires : 91, 7 % des prestations pour 2006.

Or, si les prestations versées aux marins sont proches de celles qui sont versées au régime général et si celles qui sont versées aux assurés du régime des mines sont notoirement faibles, il n'en va pas de même pour la SNCF ou la RATP.

Ainsi, pour cette dernière, le coût des avantages spécifiques versés par le régime est estimé à 38 % de ses engagements de retraite totaux.

Un projet est actuellement en cours de négociation. Il a pour objet de réformer ce mode de financement en créant, à compter du 1er janvier 2006, une caisse autonome adossée au régime de droit commun.

Je suis extrêmement attachée à notre système par répartition. Il est juste et solidaire. Afin qu'il le reste, je pense qu'une remise à plat s'impose.

En effet, je suis, comme je l'ai dit, une salariée du privé à laquelle on promettait encore, il y a quelques années, une retraite à soixante ans en prenant en charge les dix dernières années. Je sais qu'à l'issue de mon mandat de six ans, je devrai retravailler encore trois ans pour avoir mes annuités complètes. Je l'accepte, comme mes anciens collègues et collaborateurs ; nous sommes tous conscients des enjeux. Cependant, cela me donne, monsieur le ministre, une approche, pour ne pas dire une sensibilité, un peu différente de celle de certains de mes collègues.

S'agissant des conditions de travail particulièrement contraignantes ou pénibles, il me paraît logique que les personnels concernés puissent bénéficier d'un traitement différent. C'est d'ailleurs l'objet des négociations des partenaires sociaux pour le régime général. Cela signifie, pour moi, que les pathologies dont souffrent ces salariés en vieillissant doivent être analysées, tout comme leur espérance de vie par rapport à la moyenne, ainsi que les conditions de travail plus ou moins stressantes qu'ils connaissent.

Cependant, l'absence de transparence des prestations servies, la complexité des règles applicables à chaque régime et le caractère tabou des avantages octroyés laissent perdurer des idées reçues et des doutes, pas seulement chez le grand public.

Ces doutes, chacun a intérêt à ce qu'ils soient levés, afin que les réformes soient comprises. Comme cela a été nécessaire pour la réforme des retraites de 2003, nous avons besoin d'un diagnostic partagé, à l'image de celui qui a été établi par le COR, le conseil d'orientation des retraites, pour la réforme des retraites, mais, cette fois-ci, sur les régimes spéciaux.

Les enjeux sont très importants, puisque les sommes à financer au cours des prochaines décennies sont colossales : 103 milliards d'euros d'engagements « hors bilan » pour la seule SNCF, 89 milliards d'euros pour EDF et GDF, plus de 60 milliards d'euros pour les fonctionnaires de La Poste et 21 milliards d'euros pour les 80 000 retraités actuels et futurs de la RATP. Aucune provision n'a d'ailleurs été constituée depuis soixante ans pour y faire face.

En tant que représentante des salariés du privé, j'ai très peur pour l'avenir de tous ces régimes comme du mien. Il va de soi, monsieur le ministre, qu'il est de notre responsabilité de femmes et d'hommes politiques de faire quelque chose.

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