Cet amendement s'inscrit dans la continuité de la réforme de 2003 que j'évoquais tout à l'heure.
La commission des affaires sociales, après un large débat, l'a adopté la semaine dernière, ce qui n'est une surprise pour personne. En effet, cet amendement fait suite à une initiative lancée l'année dernière par le président de cette commission, Nicolas About, lors de l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale de 2005, ainsi qu'à plusieurs amendements d'inspiration identique déposés en 2002 et 2003 par le président et le rapporteur général de la commission des finances, Jean Arthuis et Philippe Marini. Par ailleurs, notre collègue Henri Torre a largement contribué à nourrir ce débat.
Nous assistons en fait à un véritable dialogue de sourds.
Selon certains, notamment la Cour des comptes, qui a formulé des critiques très sévères, le statu quo ne serait pas tenable. D'autres soutiennent en revanche qu'il est impossible d'espérer la moindre évolution.
Où allons-nous ? Devrons-nous vivre avec ce problème sans jamais pouvoir le résoudre ?
Je reprendrai à mon compte les propos de M. Fischer : c'est l'honneur du Parlement en général, et du Sénat en particulier, que de pouvoir débattre de situations et de sujets difficiles.
On nous a aussi objecté - le président Arthuis vient d'y faire référence - qu'il n'existait pas d'estimation fiable permettant de comparer les prix d'outre-mer et de métropole. Certes, ce n'est pas le fond du débat, mais l'inspection générale de l'INSEE a tout de même publié une étude récente sur ce sujet, datant de juillet 2004, et qui fait autorité !
Qui peut croire que, dans un pays aussi administré que le nôtre, un organisme public ne se soit jamais penché sur cette question ? Il serait vain d'engager une polémique sur l'ampleur du différentiel de prix entre la métropole et l'outre-mer. Pour notre part, nous préférons en revenir à la décision de la Cour des comptes, qui plaide pour une suppression pure et simple de ce mécanisme.
On nous a également dit l'an dernier que toutes les parties prenantes au débat devraient s'accorder sur les termes de la réforme ou que celle-ci devait tout au moins recueillir l'adhésion des acteurs ultramarins.
Il me semble important de préciser qu'il n'est pas question pour nous d'empêcher de modestes sous-officiers et fonctionnaires servant en métropole de retourner dans leur pays d'origine. Là n'est pas le fond du débat, comme l'a souligné le président Arthuis.
Ce qui est en cause, c'est l'existence de certains avantages substantiels, perçus dans des conditions fiscales pour le moins favorables - absence d'imposition à la contribution sociale généralisée, la CSG, ou à la contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS -, et qualifiés par les magistrats financiers d'« avantages injustifiés ayant un montant exorbitant ».
La commission des affaires sociales souhaite que l'on empêche certains Français métropolitains de profiter de l'absence de contrôle pour se faire domicilier dans ces territoires, alors qu'ils vivent en réalité en métropole tout en bénéficiant de ces avantages.
Ces fraudes - car c'est le mot qui convient ! - sont d'ailleurs loin de constituer des phénomènes isolés, comme cela a déjà été dit en 2003, lors de l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale et de la loi de programme sur l'outre-mer. En effet, chaque année, 500 personnes louent ou achètent un appartement outre-mer afin d'y disposer d'une adresse, car c'est l'unique formalité indispensable pour bénéficier de cet avantage.
Selon la Cour des comptes, toute tentative de rationalisation du contrôle de ces adresses fictives serait vaine et impossible à réaliser.
Enfin, mes chers collègues, en tant qu'élus, nous sommes nombreux à être las de cette situation, qui perdure et même s'aggrave. Et nous ne sommes pas les seuls : certains médias nationaux, notamment des hebdomadaires, ont porté ce dispositif à la connaissance du public, au risque de susciter de nouvelles « vocations ».
La commission des affaires sociales et la commission des finances se sont donc attachées, et ce dans les mêmes termes, à remettre à plat ces fameuses indemnités temporaires. Nous sommes en effet convaincus que la situation actuelle est de nature à nuire à l'image de nos territoires ultramarins.
La solution que nous proposons est équilibrée : il ne s'agit pas de supprimer totalement le dispositif actuel, mais de le réorganiser en modifiant les conditions d'attribution, à partir du 1er janvier 2006, pour les nouveaux bénéficiaires, sans remettre en cause la situation des personnes qui en bénéficient actuellement. Nous voulons, d'une part, réserver l'accès à ce dispositif aux seuls fonctionnaires civils et militaires ayant passé sur ces territoires les cinq dernières années précédant la liquidation de leur retraite et, d'autre part, plafonner cet avantage à 20 % du montant de la pension.
Enfin, je souhaite vivement que toutes les économies qui seront réalisées soient affectées à la couverture de réels besoins sociaux en outre-mer.
Tel est le sens de la démarche conjointe de la commission des affaires sociales et de la commission des finances.