Une politique culturelle doit être vue dans son ensemble, en faisant le lien entre passé, présent et avenir.
Je commencerai par le patrimoine, qui bénéficie, comme cela a été relevé, d’une augmentation de 4, 6 %, notamment de 345 millions d’euros dans le plan de relance.
Le patrimoine comprend le grand patrimoine, qui a été cité, celui des opérateurs, mais aussi le patrimoine de proximité. Un effort supplémentaire est consenti dans ce budget en sa faveur, car c’est le patrimoine des collectivités locales qui est l’âme et l’identité de la France. Nos concitoyens y sont particulièrement attachés. Ils ne doivent pas être des « trésors engloutis », oubliés. Au contraire, il faut les faire « remonter à la surface », les valoriser davantage, les faire connaître et mieux les entretenir. Tel est le sens de l’effort consenti dans ce budget.
Le passé, le présent, faire vivre le patrimoine, c’est aussi la création. Évidemment, il n’y a pas de culture sans création et sans artistes. Le secteur enregistre le même montant de hausse, soit 4, 5 % sur la partie création, à quoi s’ajoute une masse totale de 260 millions d’euros dans le plan de relance, repartie en deux programmes différents. Ici encore, il s’agit de montants considérables, à la hauteur des circonstances.
Le général de Gaulle avait dit, lors de l’inauguration avec André Malraux d’une maison de la culture, « la culture domine tout ». Dans notre pays, la culture n’est pas un supplément d’âme, ce n’est pas quelque chose qui viendrait s’ajouter : c’est la base de tout et c’est un élément tout à fait fondamental.
Dans cette base, il y a d’abord et avant tout la création par les artistes. Or les droits d’auteur ont été extrêmement touchés. Les écrivains qui ne peuvent plus produire de pièces nouvelles. Les plasticiens ne peuvent plus présenter leurs créations. Les musiciens rencontrent les plus grandes difficultés à produire des œuvres musicales nouvelles. Là aussi, l’effort consenti est extrêmement bienvenu et indispensable au regard du choc de cette crise.
La culture, c’est le passé, notre identité, notre âme, le présent, la création ; mais c’est aussi l’avenir, c’est-à-dire la jeunesse. Le pass culture est doté de 20 millions supplémentaires pour atteindre 60 millions d’euros. C’est un effort de 50 %. Il est critiqué, commenté, certains suggèrent de l’amender fortement, voire de le supprimer. Je pense au contraire qu’il s’agit d’un outil adapté. Quoi de plus pratique pour les jeunes qu’une application ? C’est ce qu’ils utilisent le plus, c’est leur environnement !
Par ailleurs, ce pass fonctionne : 85 % des jeunes éligibles s’en sont servis. L’expérimentation commence donc à porter ses fruits : 82 000 jeunes ont effectué des réservations, pour un total de 610 000 réservations à ce jour.
Fait notable, ce sont d’abord les biens matériels qui font l’objet de réservation via le pass culture, notamment le livre, à hauteur de plus de 50 % ; c’est très satisfaisant, notamment en cette période où les libraires ont beaucoup souffert. Ensuite viennent la musique puis, en troisième place seulement, l’audiovisuel. On constate donc encore une appétence pour le livre de la part de nos jeunes.
Le pass culture permet de décloisonner le type de pratiques – par exemple, le numérique par rapport aux pratiques traditionnelles – et de les démocratiser, notamment en favorisant l’accès à la culture de ceux qui en sont le plus éloignés. Favoriser l’accès aux œuvres de l’esprit pour un public le plus large possible, c’est d’ailleurs l’un des principaux objectifs du ministère de la culture depuis sa création, puisqu’il figure dans le décret fondateur du 24 juillet 1959 du ministère chargé des affaires culturelles.
Le pass culture permet aussi de dépasser certains clivages, certaines inégalités, pour aller dans le sens de la cohésion sociale. Il est donc important de décloisonner, de démocratiser et de dépasser les inégalités.
Sans doute faut-il adapter le dispositif, en y associant davantage la notion de pratiques musicales, entre autres, et en le connectant mieux aux parcours de l’enseignement artistique et culturel. Il convient d’élargir la dimension de médiation culturelle, notamment en direction de certains publics plus éloignés de la culture, car l’accès direct aux œuvres ne suffit pas forcément.
Ces éléments importants méritent que l’on y réfléchisse, mais ne perdons pas de vue l’objectif fondamental de cette mesure.
Émile Biasini, personnalité importante, même si ce n’est pas la plus connue de notre histoire culturelle, qui fut notamment secrétaire d’État chargé des grands travaux et l’un des fondateurs du ministère de la culture, disait : « Il faut transformer un privilège en bien commun. »
Tel était son objectif, et celui-ci a toujours persisté, comme la crise l’a paradoxalement révélé, en montrant l’attachement plus que profond des Français à la culture.