On ne consacre pas suffisamment de moyens à la restauration des monuments historiques que possèdent les collectivités territoriales et les propriétaires privés : seulement 40 millions d’euros sur deux ans sont prévus à cette fin.
Si les crédits consacrés à la culture sont globalement stables, il faut rappeler qu’ils succèdent aux coupes sévères des années 2012 à 2014. Le patrimoine français souffre depuis des années d’un sous-financement qui n’est pas à la hauteur des besoins d’entretiens et de rénovation des 44 000 bâtiments inscrits ou classés.
Deux grands projets pèsent lourd dans la programmation pluriannuelle des crédits.
Il s’agit, tout d’abord, du château de Villers-Cotterêts, dont tout le monde sait qu’il ne se trouve pas en région d’Île-de-France. Il a été laissé dans un état de délabrement avancé par la Ville de Paris, laquelle y accueillait jusqu’en 2014 un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, ou Ehpad.
Il est certes nécessaire de rénover ce magnifique château de la Renaissance, mais on peut être surpris par les moyens disproportionnés qui lui sont consacrés. Le projet initial fixait un investissement de 110 millions d’euros. Le plan de relance prévoit 100 millions d’euros supplémentaires : 25 millions pour compenser le fait que l’État n’a pas trouvé de mécène pour ce projet et 75 millions pour compenser l’absence d’investisseur privé pour restaurer et exploiter les communs. N’est pas la cathédrale de Paris qui veut !
J’en viens au Grand Palais. Les ambitions premières du projet pharaonique de sa rénovation sont revues à la baisse. Vous êtes passée par là, madame la ministre, et c’est heureux. Pourtant, le nouveau projet est présenté avec le même budget de 466 millions d’euros.
Par ailleurs, chaque année, des crédits manquent par rapport à la programmation pluripluriannuelle. Les crédits inscrits dans le projet annuel de performance, le PAP, sont insuffisants et des crédits supplémentaires sont consommés en cours d’exercice au détriment d’autres actions du programme 175, « Patrimoines ».
Le principe de sincérité budgétaire est mis à mal. Où ont été pris les crédits nécessaires pour le Grand Palais en 2020 et où le seront-ils en 2021 ?
Je souhaite évoquer maintenant le programme 131, « Création », cher à notre collègue Sylvie Robert, qui couvre à la fois le spectacle vivant – musique, théâtre, danse, etc. – et les arts visuels : peinture, sculpture, photographie, métiers d’art, design. C’est précisément l’un des secteurs qui paie le plus lourd tribut à la crise sanitaire, avec une grande incertitude sur la date à laquelle les différents acteurs pourront travailler de nouveau.
La perte de chiffre d’affaires pour l’ensemble de la création artistique est estimée à plus de 7 milliards d’euros par le ministère de la culture. Le spectacle vivant aurait, par exemple, perdu 72 % de son chiffre d’affaires.
Le programme « Création » augmente de 37 millions d’euros, soit + 4, 5 %, pour soutenir les dépenses d’investissement, les réseaux artistiques dans les territoires et le Fonds national pour l’emploi pérenne dans le spectacle, le Fonpeps.
Dans le plan de relance, 168 millions d’euros en crédits de paiement sont ouverts pour la création. Différents dispositifs de soutien ont été mis en place par le Gouvernement pour soutenir le secteur, ce que je tiens à saluer ici : prolongation des droits des intermittents ; création de fonds d’urgence par l’association pour le soutien du théâtre privé, l’ASTP, et le Centre national de la musique, le CNM, qui m’est cher ; création d’un fonds pour les festivals dans la loi de finances rectificative du 30 juillet 2020 ; exonération de cotisations foncières pour certaines entreprises culturelles ; création d’un fonds d’urgence spécifique de solidarité pour les artistes et les techniciens du spectacle.
La question qui se pose maintenant est celle de la poursuite de ces aides d’urgence sur la durée et lorsqu’il y aura réouverture, puisqu’il faudra certainement une période longue et délicate pour retrouver un niveau suffisant dans cet écosystème.
Par ailleurs, un rééquilibrage des moyens accordés au spectacle vivant et aux arts plastiques est sans doute nécessaire. En effet, le spectacle vivant est plus directement touché par le confinement, les mesures de distanciation et le couvre-feu. Mais les artistes plasticiens subissent, eux aussi, l’annulation des expositions, et ils ne bénéficient pas d’un régime d’assurance chômage.
Permettez-moi d’évoquer à présent l’Opéra de Paris. Nous sommes dans l’attente du rapport de la mission de MM. Georges-François Hirsch et Christophe Tardieu, qui devra se prononcer notamment sur l’opportunité des travaux prévus sur le site de Bastille : le déménagement des ateliers Berthier et l’aménagement d’une seconde salle modulable.
La situation de l’Opéra de Paris est particulièrement critique : pertes de billetterie de 55, 4 millions d’euros, tous les spectacles ayant été annulés de mars à début décembre ; diminution du mécénat d’un tiers ; chute des recettes de visites, locations et concessions.
En raison du développement de l’opérateur sur les dix dernières années et de l’essor de sa capacité d’autofinancement, la subvention de l’État a diminué de 15 millions d’euros en dix ans, rendant l’établissement plus vulnérable.
On peut donc se réjouir du soutien de 81 millions d’euros apporté par le plan de relance, mais toujours avec une inquiétude pour l’avenir, l’État ayant posé comme condition à son soutien la mise en œuvre d’une réforme durable du fonctionnement de l’établissement, qui risque d’avoir de lourdes conséquences sur la création.
Président d’un groupe de travail pluraliste consacré au pass culture, je conclurai mon propos en évoquant ce dispositif. Il est l’arbuste qui cache la forêt de la mission « Culture » et sur lequel ruisselle joyeusement et abondamment l’argent public, quoi qu’il se passe dans notre pays.
Au moins la constance est-elle de mise. Le cahier des charges change tous les quatre matins : condition d’âge à 18 ans, puis à 20 ans, 500 euros, puis 300 euros…