J’ai bien lu tous ces amendements, dont les objets peuvent se justifier, mais dont les dispositions relèvent toutes de la même démarche : prélever des crédits sur le pass, voire supprimer ce dernier. Vous ne vous étonnerez donc pas que j’émette un avis défavorable sur tous ces amendements.
Cela étant, je souhaite formuler une réponse plus complète, parce que ces propositions d’amendements ont ouvert un certain nombre de dossiers qui méritent d’être expliqués et clarifiés.
J’aurais peut-être dû être plus explicite, dans mon propos introductif, à propos du pass culture : où en est-on quant à sa phase d’expérimentation ?
J’ai ici les chiffres les plus récents – presque sortis du four, si j’ose dire, puisqu’ils datent du 20 novembre 2020 ; ils permettent de dresser le bilan du pass culture.
Dans les quatorze départements d’expérimentation, on note, au 20 novembre 2020, un taux d’inscription de 88 %, 119 000 comptes sur 135 000 éligibles et un taux d’utilisation de 82 %. Ces montants sont donc tout à fait encourageants et tranchent avec les premiers chiffres qui nous avaient été apportés et qui avaient suscité des doutes ou des interrogations.
Quelque 131 euros ont été dépensés, en moyenne, sur une période de neuf mois, 4 400 lieux culturels ont été actifs, pour près de 3 millions d’offres disponibles, et 640 000 réservations ont été effectuées depuis le lancement du pass en février 2019.
Les catégories les plus réservées sont à 59 % les livres, à 15 % la musique, à 10 % l’audiovisuel et à 4 % le cinéma. Quant aux types de biens, il s’agit de biens physiques à 65 %, de biens numériques à 26 % et d’événements à 9 %.
Pour ma part, je considère que ce bilan est très positif. On peut, bien sûr, regretter que des politiques événementielles, par exemple la fréquentation des spectacles, soient moins importantes que nous pourrions le souhaiter. Mais n’oublions pas que cette expérimentation s’est déroulée dans un contexte de crise sanitaire, qui a sans doute empêché de se tourner vers ces événements.
En outre, nous ne pourrons communiquer sur le pass culture qu’à partir du moment où celui-ci sera généralisé sur l’ensemble du territoire ; on ne peut pas communiquer sur ce que l’on peut en attendre alors qu’il est encore au stade de l’expérimentation dans quatorze départements.
Le pass culture a vraiment participé à la relance du secteur culturel, grâce à une communication des offreurs physiques auprès des jeunes inscrits. On ne peut absolument pas parler de crédits « perdus pour la culture ».
La nouvelle délégation que je crée au ministère, ce qui a d’ailleurs été salué sur certaines de ces travées, sera chargée de la transmission, des territoires et de la démocratie culturelle. Elle permettra de faire dialoguer les dispositifs d’éducation artistique et culturelle et le pass culture au service d’une même ambition : renforcer l’accès et la participation de tous les habitants, tout au long de leur vie et sur l’ensemble du territoire, à la vie culturelle.
Un certain nombre d’amendements ont proposé d’affecter cet argent à des actions différentes : l’amendement n° II-898, défendu par M. Ouzoulias, tendait à ce que les crédits participent à l’entretien et à la conservation des monuments historiques.
Je signale que 210 millions d’euros sont consacrés aux monuments historiques n’appartenant pas à l’État, dont 170 millions sur le programme 175, soit 70 % des crédits déconcentrés, et 40 millions d’euros dans le cadre du plan de relance.
Ces moyens bénéficient aux immeubles protégés au titre des monuments historiques, répartis sur l’ensemble du territoire national, et représentent déjà la diversité que vous souhaitez défendre à juste titre : édifices religieux, cathédrales, mais aussi chapelles rurales, châteaux, grands palais nationaux, demeures plus modestes, calvaires, pigeonniers et maisons. Ils bénéficient également aux anciennes usines – je tiens beaucoup au patrimoine industriel, qui est très important. L’ensemble représente plus de 44 000 monuments. Un effort tout à fait considérable est donc réalisé sur ce sujet.
L’amendement n° II-36 rectifié ter, présenté par Mme Dumas, vise à déployer 20 millions d’euros, prélevés sur le pass culture, pour l’entretien et pour la conservation des monuments historiques. Ma réponse sera la même que précédemment.
L’amendement n° II-37 rectifié ter, toujours présenté par Mme Dumas, me permet, comme je m’y étais engagée lors de la discussion avec Jean-Raymond Hugonet, d’aborder la question du Grand Palais, au sujet de laquelle je souhaite apporter un certain nombre de précisions.
J’ai voulu une profonde réorientation du projet de restauration et d’aménagement du Grand Palais, défini en 2016. J’ai souhaité le redéfinir dans un sens plus économique et plus écologique. Il faut, évidemment, sauver ce bâtiment absolument magnifique, qui structure le paysage parisien dans un environnement patrimonial et urbanistique tout à fait extraordinaire. Certains se sont étonnés que le coût de la restauration n’ait pas évolué et ont prétendu que je parlais d’économies sans en avoir fait en réalité.
En fait, ces évaluations étaient datées. Le coût de restauration du Grand Palais est beaucoup plus élevé que les 466 millions d’euros qui ont été prévus au départ. On aboutissait à des sommes qui dépassaient largement les 500 millions d’euros – on était plutôt à 100 millions d’euros supplémentaires.
En outre, il y avait, dans la restauration, un certain nombre d’éléments patrimoniaux de façade, de statuaire, de corniche qui n’avaient pas été pris en compte lors de la première évaluation. Ceux qui se promènent au droit du Grand Palais peuvent constater qu’une partie des façades est mise sous filets, pour éviter que des chutes d’éléments architecturaux n’attentent à l’intégrité physique des promeneurs. Tout cela n’avait pas été pris en compte dans l’évaluation.
Ces 466 millions d’euros représentent donc une véritable économie de plus de 100 millions d’euros. De plus, il y a une réserve de précaution de 30 millions d’euros pour sécuriser la bonne fin des travaux et s’assurer que l’on reste bien dans l’enveloppe de 466 millions d’euros. Je tenais à apporter ces éléments clés.
L’amendement n° II-824 a également pour objet de prélever 2 millions d’euros sur le pass culture, pour créer de nouveaux centres de conservation et d’étude.
Je partage tout à fait l’avis de Mme Monier sur l’utilité de ces centres, dont l’action scientifique et le rôle dans l’attractivité du territoire sont tout à fait majeurs. Toutefois, leur déploiement sur le territoire nécessite du temps pour bâtir des projets pérennes, à la fois sur le plan culturel et sur le plan scientifique. Ils ne peuvent être menés à bien qu’avec le soutien et l’appui des collectivités territoriales.
Je signale que le plan de relance permettra, grâce à l’enveloppe destinée à la rénovation des équipements patrimoniaux, d’assurer le réaménagement du site de Bibracte, en Bourgogne-Franche-Comté, ainsi que l’achèvement des travaux d’aménagement des communs du domaine de Campagne, en Nouvelle-Aquitaine.
Ce sont donc près de 6 millions d’euros, sur une enveloppe de 20 millions d’euros, qui bénéficieront à la rénovation des équipements dans le domaine de l’archéologie.
L’amendement n° II-821 vise à accompagner les petites communes dans la protection de leurs monuments historiques. Il y a là un vrai sujet pour la culture, et je partage les préoccupations exprimées sur différentes travées.
Des moyens juridiques et financiers existent déjà ; les services de l’État peuvent apporter une assistance à maîtrise d’ouvrage, ou AMO, aux propriétaires de monuments historiques pour leurs travaux de restauration. Cette assistance peut être gratuite lorsque le propriétaire ne dispose pas des moyens nécessaires à l’exercice de cette maîtrise d’ouvrage. De nombreuses petites communes bénéficient donc déjà de cette assistance à la maîtrise d’ouvrage.
Lorsque les DRAC ne sont pas en capacité de répondre favorablement à toutes les demandes d’aides à la maîtrise d’ouvrage, les propriétaires doivent bénéficier d’aides financières. Ils peuvent, en effet – ceci est souvent ignoré, et il faut vraiment en informer les partenaires –, inclure le coût du recours à une AMO payante dans le montant des travaux de restauration subventionnés par l’État. Il y a là une petite tuyauterie financière tout à fait utile.
Votre demande me semble donc déjà satisfaite. En revanche, je crois souhaitable que, à côté de l’offre de l’État, se développe une offre des collectivités territoriales, comme le font certains départements, que je salue, notamment pour la réalisation des études préalables aux travaux.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l’acharnement de ces amendements contre le pass culture m’a permis de donner des réponses circonstanciées sur un certain nombre de dossiers qui ont attiré, à juste titre, votre attention !
L’avis du Gouvernement est donc défavorable sur l’ensemble de ces amendements.